Fumure de la pomme de terre - 16 mars 1936

LA VIE AGRICOLEFumure de la pomme de terre industrielleLa pomme de terre de féculerie tend à prendre dans nos régions la place laissée libre par la réduction des emblavements en betteraves à sucre.Cette culture est à encourager : elle présente des avantages certains au point de vue économique et constitue un excellent précédent pour le blé.Mais pour que l’opération soit vraiment intéressante plusieurs conditions sont à remplir : il faut de gros rendements avec richesse élevée en fécule et une bonne maturité à l’arrachage.La pomme de terre industrielle est payée sensiblement moins chère que la pomme de terre de consommation, les frais de culture sont les mêmes, il faut donc compenser par le rendement.Cette pomme de terre, le plus souvent plantée par contrat, est généralement payée d’après sa teneur en fécule. L’intérêt du planteur est donc de donner ici le maximum de satisfaction à son acheteur, le féculier.Le travail en féculerie et aussi le pourcentage de fécule, exigent que la pomme de terre soit parfaitement mûre à l’arrachage, une maturité très régulière est indispensable.A tous ces points de vue, la variété a une influence considérable et on ne plantera que celle qui donne le maximum de satisfaction et qui est fournie par l’acheteur de la récolte.Ensuite vient la fumure. Ici, les intérêts du cultivateur paraissent en contradiction avec ceux de l’usine. Trop souvent les agents de féculerie préconisent des formules réduites qui ne sont pas capables de donner les rendements élevés, seuls rémunérateurs.Une fumure bien combinée et appliquée convenablement peut donner de fortes récoltes riches en fécule facile à extraire.En ce qui concerne l’azote, on délaissera les nitrates qui donnent des rendements en fécule très médiocres et des pommes de terre se conservant mal. Au contraire, le sulfate d’ammoniaque, la pratique l’a toujours confirmé, est l’engrais azoté qui donne les meilleurs résultats.Il a donc une action particulière sur la grosseur des cellules de la pomme de terre et les essais ont montré que la qualité de fécule retirée des tubercules est en rapport avec la dimension des cellules qui la renferment. Plus ces cellules sont grandes, plus le rendement en fécule augmente, puisque la fécule se forme dans les cellules qu’elle finit par remplir.L'azote a donc une action directe à la fois sur le rendement en pomme de terre et sur leur richesse en fécule.La potasse, dont la pomme de terre est d’ailleurs exigeante, a aussi une action importante sur la richesse des tubercules, mais cette action ne se manifeste d’une façon intéressante que dans la fumure complète.En apparence, les besoins de la pomme de terre en acide phosphorique paraissent être assez réduits, et souvent, cet élément est quelque peu négligé dans les fumures copieuses habituellement en usage dans nos régions.Et pourtant nous pensons qu’après l’azote, c’est l’acide phosphorique qui a le plus grand rôle à jouer dans l’obtention de pommes de terre de qualité.C’est qu’en effet il intervient très fortement au moment de la maturité qu'il rend plus précoce et plus régulière en empêchant une action trop prolongée en arrière saison de la fumure azotée. C'est grâce à lui également que la végétation se développera normalement et sans à-coups, conférant aux plantes une plus grande résistance aux maladies.De ce qui précède, on peut conclure qu’une fumure normale pour pommes de terre à fécule apportera moitié plus d’acide phosphorique que l’azote et un peu plus de potasse.Par exemple, 20 kilos d’azote, 30 kilos d’acide phosphorique, 30 à 50 kilos de potasse, soit 100 kilos de sulfate d’ammoniaque, 200 kilos de superphosphate, 50 à 100 kilos de chlorure pour 10 à 20 ares, suivant l’activité et la fertilité du sol.Tous ces engrais seront apportés longtemps à l’avance et non pas enfouis dans la raie au moment de la plantation, et ceci est important. Une fumure appliquée tardivement ne peut agir que dans de mauvaises conditions et son azote ammoniacal travaillant trop longtemps gênera la maturité.L’application hâtive de la fumure complète a au moins autant d’importance qu’un bon équilibre entre les éléments.De plus, on aura soin de ne jamais chauler pour pommes de terre, mais seulement quelques années à l’avance et par petites doses.Enfin, on ne saurait trop conseiller l'adoption de la méthode préconisée par M. Carré et qui consiste à pulvériser les fanes à l’acide sulfurique une quinzaine de jours avant la maturité complète. Il en résulte toujours une maturité plus normale, une augmentation de la richesse en fécule, un arrachage facile, des tubercules plus sains et de meilleure conservation. P. WALBAUM. Ingénieur agricole.
Article publié dans le journal Le Télégramme des Vosges