Une révélation - 10 juillet 1885

On nous avait beaucoup parlé d’un certain M. Figarol à l’occasion d’une conférence qu'il a faite récemment à Epinal, sur Victor Hugo. Mais le soin tout particulier que le conférencier avait mis à rester dans les généralités, comme pour cacher les beautés géniales de l’œuvre grandiose de l’immortel poète et penseur, et les restrictions derrière lesquelles il avait gardé ses appréciations sur l'irréconciliable adversaire de l'Empire, nous avaient décidé à nous réserver vis-à-vis de M. Figarol.Aujourd'hui, notre réserve vient de se justifier. M. Figarol, dont la conférence incolore sur Victor Hugo ne nous disait rien qui vaille, a découvert le secret de ses précautions oratoires de conférencier, en se jetant à corps perdu dans la politique néfaste des Buffet et des Ravinel. C'est dans la réunion organisée par M. de Ravinel à Rambervillers que M. Figarol a trouvé son chemin de Damas ; ce chemin marqué par les étapes des saint Paul, entrepreneurs de restauration monarchique qui n’ont pas craint de poursuivre l’exécution de leurs projets après le 24 mai 1873 et le 16 mai 1877, au risque de déchaîner sur la France la guerre civile.Il y avait cependant quelque raison de penser que ce ne serait pas un ancien élève de l’école normale supérieure, un fils de l'Université française qui s'associerait à la politique qui a essayé de ravir à l'Etat la collation des grades pour la donner aux facultés catholiques des évêques ultra-montains, et qui a essayé d'empêcher dans l’école primaire, au nom de la congrégation romaine de l’Index, l’enseignement moral et civique. On sait que cette politique est celle des enrégimentés du cléricalisme, des Ravinel et des Buffet, qui l'ont soutenue ardemment et qui continuent à appuyer de leurs discours et de leurs votes ; on ne pouvait soupconner qu’elle aurait pour adhérent un normalien, un ancien condisciple des Sarcey et des Guizot.Mais ce n'est pas tant pis pour l’Université : c’est tant pis pour celui qui, après avoir été élevé par elle, ne craint pas de se joindre à ses pires ennemis. F. A.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges