Yquem 1876, Margaux 1866...Festival préphylloxérique !

A notre époque, boire des vins préphylloxériques relève plutôt du fantasme que d'une réalité possible. Une personne très fortunée, a peut être une chance de pouvoir accéder à un tel privilège, mais n'appartenant définitivement pas à cette catégorie, j'avais toujours pensé que jamais je ne pourrais toucher du doigt ce rêve. C'était oublier bien vite que la vie vous prend souvent à revers pour le pire parfois, mais aussi pour le meilleur.

Luc tout d'abord m'a offert cette chance avec un Sauternes générique 1869 insolent de jeunesse, puis une Romanée Conti 1933 totalement dominée par la rose et le sel de Guérande. Ensuite François m'a donné une sacrée leçon grâce à un Volnay Clos des Chênes 1885 de la Tour d'Argent lui aussi salé et envoutant de parfums de rose fanée.

Forcément avec des exemples aussi parfaits, j'ai bien vite tiré comme conclusion que ce type de vins étaient inégalables, et ne seraient plus jamais refaits. Je me demandais ce que pouvait donner un Bordeaux de cette époque.

En écrivant ces lignes je m'aperçois que je n'ai toujours pas la réponse. A force de lire des livres et des articles, j'ai accumulé un savoir vaste et assez exhaustif sur la question, et désormais je commence à en avoir enfin la connaissance. L'intellectualisation des choses m'intéresse de moins en moins ; Seul maintenant compte l'expérimentation . Une question me hante donc de plus en plus ces derniers temps : Ce blog est'il encore d'actualité dans ma démarche, puisqu'il ne saurait retranscrire la connaissance des choses ?

La réponse n'est pas claire. Laissons le temps au temps....

MERCIER 1937

Un Champagne encore en vie qui délivre de doux parfums de bananes flambées, de rhum et de noisette. La bouche est toujours incisive et acidulée tandis qu'un perlant fin nous rappelle que cette région est merveilleuse pour la longévité. 89/100

DOM RUINART 1976

Le nez grandiose de pain grillé, de brioche, d'agrumes et de chêne vanillé donne le sourire. La bouche est à parfaite maturité avec de belles notes de fruits d'été et de craie. Impeccable. 94/100

BOLLINGER RD 1988 Magnum

Nez intelligent et malicieux de toast, de fleurs, de poire et pomme mûres. La bouche est tranchante, nerveuse et minérale à souhait. Un archétype que nous réussissons à identifier à l'aveugle. L'accord avec le Foie Gras  préparé par Mr Paul Bocuse himself est redoutable. 94/100

VEUVE CLICQUOT PONSARDIN 1915 ( Dégorgé par le chef de cave en 1975 )

Un moment mémorable qui marquera à tout jamais ma vie de dégustateur. Blaise et Erica ont eu la clairvoyance de préparer une Brouillade d'oeufs aux truffes. Tout le monde est donc persuadé que le parfum qui envahit la pièce vient forcément du plat. Mais bien vite nous réalisons que nous sommes dans l' erreur. L'entrée n'est pas encore servie:)

Je ne crois pas avoir vécu un tel moment depuis que je déguste. Ce Champagne pousse littéralement les murs du salon. Son odeur s'accroche partout dans l'air. Il est à la fois extérieur et intérieur puisqu'il imprègne nos narines, notre gorge. La encore les mots ne suffisent pas. Le savoir patine. Il faut en faire l'expérience, en avoir enfin la connaissance.

C'est une explosion de truffe noire, de truffe blanche, de coco, de vanille grillée, et de chutney litchi qui jaillit du verre.

La robe est claire comme celle d' un Champagne des années 80!!! La bouche offre encore un gaz très fin qui porte haut des arômes de pain grillé, de caramel brun, de truffe et d'agrumes confits. La sucrosité délicate lui donne une gourmandise et un cachet unique. Dire qu'il est parfait ne saurait lui convenir Ce vin est une étincelle divine !

101/100 !!!

MONTRACHET 2005 (Magnum) Bouchard P&F

Le nez est une bombe de coco, de bonbon, et d'anis. La bouche offre un gras superlatif avec de riches arômes d'amandes, d'épices, de fruits confits et de pierre concassées. Grand vin en préparation. 95+/100

GIACONDA Chardonnay 2000 (Australie)

Un vin Australien régulièrement noté entre 92 et 95/100 par les instances internationales. J'avoue que je suis enchanté par ce nez de noisette grillée, de toast et de fruits jaunes pochés. La bouche reprend en boucle le thème du nez en y ajoutant une surprenante note minérale. Loin des clichés habituels de vins bodybuildés. 94+/100

CHASSAGNE MONTRACHET Ruchottes 1976 Ramonet

Ce grand vin blanc délivre de merveilleuses notes de truffes blanches, de foin, et de sous-bois. La bouche est glycérinée, puissante, mais bien équilibrée par une minéralité parfaitement dosée. Un flot de fruits marque la finale. Quel immense vigneron ! 96/100

VOLNAY CLOS DES DUCS 1947 Angerville

Un vin très rare, membre du top 100 Bettane. Le nez offre une sensationnelle déclinaison de mûre, de violette, et de burlat. La ronce et le gibier lui donnent par la suite un cachet remarquable. On sent que la bouche a été marquée par un alcool très puissant, mais tout semble transformé, et ce sont désormais les baies et les roses qui priment. Le toucher de bouche est un vrai velours. Grandissime Côte de Beaune ! 98/100

CHÂTEAUNEUF MONT REDON 1947

Le nez puissant est une vraie décoction d'aneth, d'herbes sèches, de mûres confites et de poivrons. La bouche est chargée d'alcool. Une sorte de confiture liquide épicée. Je préfère le 1949... 98/100

CHÂTEAU TROPLONG MONDOT 1955

Une belle mise négoce avec bouchon superbe et estampé. Le nez pur,  décline des parfums nets de cuir sauvage, de bois de luxe, de fumée et de violette. La bouche est intense sur les fruits noirs et le caramel, puis la finale s'étire sur des notes fines et salines. Magnifique ! 96/100

CHÂTEAU PONTET CANET 1900

Le nez un peu hard au départ, s'affine sur le bouillon, le vieux bois, la prune et le menthol. L'attaque en bouche est une belle déclinaison de menthe et de zan, mais rapidement, l'acidité monte et mange la finale. Grande rareté... 88/100

CHÂTEAU LAGRANGE 1879

Bienvenue dans le monde préphylloxérique... Ce St Julien offre de doux arômes de cuir de Russie, de menthe et d'anis, le tout marquée par des notes giboyeuses. La bouche offre la finesse d'un pinot, surtout axée sur les fruits rouges. La finale est plus Bordelaise, grâce au cacao et au café. Malgré sa remarquable conservation et sa jeunesse , il manque à mon sens de corps et me paraît quand même un peu usé au niveau de la complexité. Je ne remarque rien de différent par rapport aux vins du 20ème.... 89/100

CHÂTEAU COS D'ESTOURNEL 1878

Couleur presque entièrement dépouillée, pourtant le nez me plaît. Un vin d'hiver à boire au coin du feu, grâce à ses effluves de gibier, d'airelles et de cassis. L'attaque en bouche est un clone de bière Cantillon,agrémentée de notes de civet et de petits fruits rouges. Là encore rien de spécial ; Il est proche de sa fin, mais tient à la vie. 85/100

CHÂTEAU MARGAUX 1877

Le nez de lierre, de parquet n' est pas franchement plaisant. La bouche est dans le même registre. Là encore, il s'accroche à la vie, mais n'a plus grand chose à raconter... 75/100

CHÂTEAU MARGAUX 1866

Le format de la bouteille est dur à définir : Peut être 50cl environ.... Le niveau est quasi parfait !!! Le nez est celui d'un très vieux vin, mais le fruité est encore bien présent : Framboises, griottes et cuir. La bouche très acidulée, donne l'impression agréable de déguster des groseilles fumées. La finale est courte. Dommage. Peu de différence à mon sens, par rapport à des crus des années 20, un peu usés. C'est sûr qu'il a plus de 145 ans, et ça calme. Cependant ce long vieillissement ne lui a rien apporté. Il a juste réussi à survivre, sans créer de l'arôme comme le Clicquot 1915 par exemple. 88/100

CHÂTEAU GRUAUD LAROSE 1878 ( présumé )

Le nez est une curiosité. On a l'impression de pénétrer dans un chai : Ceux qui visitent les Châteaux du Bordelais savent de quoi je parle. On reconnaît aussi des parfums de Calvados et de pomme verte. La bouche est acide, presque morte. NN

LA ROMANEE 2007 Liger Belair (Magnum)

Le nez est une bombe de fraîcheur rassemblant un bouquet de cassis, de végétal, de framboises juteuses et de silex. La bouche est piquante, nerveuse. Superbes parfums de menthe, d'herbes fraîches, et de petits fruits rouges acidulés. Finale herbacée à mort. J'ai du mal à me projeter pour savoir à quoi va ressembler ce style de vin dans 40 ans... 94+/100

CHÂTEAU D'ARCHE 1924

Très beau liquoreux brun acajou, saturé de notes caramélisées, mais aussi de nougat et d'agrumes confits. Grand vin ! 96/100

CHÂTEAU D'ARCHE Crème de tête 1893

Le nez puissant de cire, d'amande grillée, de colle Cléopâtre, de pruneaux et d'agrumes confits est encore jeune et complexe. La bouche offre une large palette allant de l'orange sanguine, au nougat puis à l'écorce et aux épices. Superbe réussite et immense terroir, mais il ne restera pourtant pas vraiment aux premières loges de ma mémoires.  Il a quand même 120 ans, et pas beaucoup de rides !!!! 97/100

CHÂTEAU YQUEM 1876

Le nez est plus fin que le précédent. On prend plaisir à humer ces parfums doux et subtils de miel, de nougat et de figue. La bouche est encore liquoreuse et marquée par le gingembre, l'écorce d'orange, et le citron confit.  La finale manque de longueur et me semble un peu trop tertiaire. Après il faut quand même garder en mémoire, que ce mythe a 135 ans !!! Peut être que je suis juste déçu de ne pas retrouver dans tous ces vins, les arômes extra terrestres qui m'avaient tant marqué concernant les Pinots Préphyllo.... 94/100

Merci du fond  du coeur à la famille Vavro pour avoir rendu possible un tel évènement, et  pour avoir sublimé nos émotions grâce à un repas magique de bout en bout. Merci aussi à Jacques pour sa générosité sans limites.