La Romanée Conti... Une si longue attente !

Cette première semaine de Juin est chargée, car je dois me rendre sur Paris pour participer à 2 dégustations: DRC 1999 le mercredi et l'Académie des vins anciens le vendredi.

Cela fait 15 ans que je patiente, que je l'espère, mais la Conti ne se donne pas comme ça. Mieux vaut avoir acquis un maximum d'expérience avant de se frotter à cette légende absolue. Je me sentais prêt depuis un moment déjà, ayant eu la chance de boire La Tache jusqu'aux années 40. Une seule fois , l'occasion de goûter la belle s'est présentée, avec le millésime 1943... Le rêve pour tout amateur : Pouvoir l'approcher dans sa pleine gloire, à maturité. Malheureusement elle était en état de mort clinique, et ce premier essai me laissa sur ma faim...

Vous comprendrez donc ma joie lorsque j'ai appris que je pouvais participer à la dégustation mythique de tous les crus sur 1999 ! Une des plus grande année du  vingtième siècle d'après son créateur.

Je vous avoue que je n'y allais pas en confiance malgré la grandeur de l'année... C'est un peu comme goûter un Yquem âgé d'une dizaine d'année, on le trouve délicieux, mais certainement pas mythique ; La différence avec ses "concurrents" n'éclatant au grand jour qu'après  30 ans et plus... Mais là on est face au plus grand vin du monde, vanté par tous pour son touché de bouche inégalable. D'ailleurs jamais millésime n'a réuni autant de louanges unanimes que 1999, alors après tout, pourquoi pas, il se peut que ce soir je mette mon premier 100/100 pour un vin jeune .

Je sais qu'il me faudra beaucoup de concentration, car la portion sera congrue ; Nous sommes 19 à se partager la bouteille, soit pas grand chose dans le verre. Enfin bon , ne soyons pas trop exigeant tout de même car, pour la plupart des gens, il n'y a pas d'autres moyens  que ce genre d'évenement pour espérer tutoyer un flacon qui approche les 4500 euros !

Allez, cette fois il est temps !

VOSNE-ROMANEE 1er CRU Les Suchots 1999 Jacky Confuron Cotetidot

Le fameux Duvault Blochet est le seul cru de la caisse qui manque à l'appel, donc l'équipe de "Grains Nobles " a décidé de mettre ce vin à la place pour chauffer un peu le palais. J'avoue que le nez est plutôt plaisant et ouvert sur la framboise, le bois vanillé et la fumée. En bouche il possède une belle structure tanique, mais pêche un peu par manque de fruité, tout au moins pour le moment. Mais je n'oublie pas que ce producteur fait des vins à l'ancienne bâti pour une longue garde. A revoir dans 20 ans... 87+/100

ECHEZEAUX 1999 DRC

La couleur est assez soutenue pour un vin du domaine, tandis que le nez plus marqué par le fruit que le précédent est aussi moins explosif. Rapidement l'air amène une sensation très étrange de parfumerie, qui me fait douter un instant de mon odorat. Mais non , cette douceur exquise est bien là. Je prends confiance et je crois que la magie sera au rendez vous. Ce vin est raffiné, sans l'agressivité du Confuron. Il est désaltérant et offre une sacrée minéralité. Je n'avais pas un très bon souvenir du 1996, mais là , je suis conquis !  91+/100

GRANDS ECHEZEAUX 1999 DRC

Cette fois le nez est puissant avec à nouveau cette impression que l'on pénètre chez un maître parfumeur. La framboise fraîche, la mûre et une touche de ronce subtilement soulignée de chêne noble. La bouche est plus massive que celle de son frère. On sent bien la puissance du millésime. Je perçois une dimension supérieure sur ce vin qui offre un côté réglissé et tanique presque Bordelais. 92+/100

ROMANEE ST VIVANT 1999 DRC

Je me souviens d'un dégustateur Australien célèbre qui avait mis ce cru en avant. A présent, je le comprends ! Cette fois encore, la magie de la fameuse levure opère. Bettane nous explique que c'est elle qui serait responsable de ces arômes qu'aucun autre domaine ne peut reproduire. Lalou Bize Leroy en serait jalouse... Le nez est envoutant et semble rappeler sans cesse mes narines. Les fruits frais, les fleurs me donnent le sourire ! En bouche on est plus dans le style raffiné et féminin de l'Echezeaux, mais en beaucoup plus long et complexe, en particulier grâce à cette touche de rose humide en fin de bouche. Il gagne même un point à l'air tant il virevolte. Plus tard Bernard Burtschy me dira être assez d'accord avec moi sur la qualité exceptionnelle de ce cru, dominant presque toute la série. 95/100

RICHEBOURG 1999 DRC

Le nez me plait moins, car plus marqué par la rafle au départ. C'est le plus masculin, le plus noyauté. A l'air il se développe et offre quelques arômes floraux. La bouche est la plus puissante, grâce  aux myrtilles gorgées de soleil et au chocolat épicé. Une bien belle bouteille qui devra être attendu sagement. Par contre Parker et son 100/100 me laisse rêveur... 93/100

LA TÂCHE 1999

Le nez est explosif . Le clou de girofle, les fruits frais qui me donnent envie de croquer mon verre, ainsi qu'une sensation qui m'évoque l'eau de cologne subtile et sans grossièreté. Les herbes mouillées par la rosée ajoute au charme de ce flacon mythique. La bouche possède la puissance du Richebourg avec cette fameuse essence florale de la St Vivant. Les fruits noirs juteux et une superbe minéralité se prolonge dans une finale subtilement grillée, déjà très impressionnante. Je commence à vibrer et à imaginer des choses folles pour la suite. 95+/100

LA ROMANEE CONTI 1999

Le seveur me verse une bonne ration, enfin ; Presque jusqu'à l'épaulement de mon verre, ouf ! Le nez est le plus concentré et le plus extrait de la série, mais il est loin de la complexité de La Tâche. Toujours cette superbe eau de parfum, avec une touche de rose. Aucun autre cru n'a pour l'instant développé cet arôme au nez... C'est encourageant. J'ai peur de goûter. Vous imaginez, 15 ans d'attente, et dans quelques instants cela sera chose faite... Et dans moins de 30 minutes ce moment ne sera plus qu'un souvenir. Je me lance. Il faut que je sois honnête par respect pour tous ceux qui attendent comme j'ai attendu de longues années.

Alors je suis désolé de l'avouer, mais il ne se passe rien. Pas de sensation magique, pas de touché de bouche inoubliable, juste une impression plus ronde et polie que La Tâche. Mais est ce suffisant ?

Bien sûr, toutes les qualités des crus précédents sont là, les fruits frais, la puissance alcoolique, la noblesse, mais je sais que dans quelques temps le souvenir sera un peu flou, alors que la personnalité de La Tâche restera . Je le trouve aussi plus court que sa soeur, et ça c'est perturbant . Il semble pourtant que la bouteille que je goûte soit la meilleure des deux présentées ce soir .

 Je pense que tous ceux qui ouvriront leur bouteille trop tôt vont subir un sacré choc. Mais après tout c'est la vie, moi il ne me viendrait pas à l'idée d'en goûter une si jeune, sauf si j'en possédais 13 comme François... C'est peut être la même chose qu'  Yquem : La différence ne se fera certainement que dans 30 ans . Croyez moi sur parole, si vous en possédez une , ne la touchez surtout pas avant  2020 au moins sous peine de gâcher presque 5000 euros. 94+/100

Au delà de cette relative déception, je dois avouer avec le recul que tous ces vins offrent une réélle personnalité et originalité de parfums. La légende n'est pas usurpée de ce côté là. Par contre le prix  ne se justifie pas , tout au moins pour le moment. Peut être que je ne dirais pas la même chose lorsque j'aurais goûté une Romanée Conti de plus de 40 ans... A ce jour seul Petrus est parfaitement à la hauteur de sa légende à mes yeux. Mais je l'ai toujours testé âgé, ceci expliquant peut être cela !