Enfin un vieux Roumier avec Clos Vougeot 1971 !

Je rêve depuis longtemps de boire un vin ancien de chez Roumier. J'avais déjà réussi à trouver, il y a quelques années, l'un des vins les plus rares et les plus chers du monde en la personne de son fameux Musigny. A l'époque dans un restaurant des bords de Marne, il restait une bouteille de 1990 pour 250 euros. "C'est cher !" m'avait dit mon frère... Je l'avais convaincu en lui expliquant que certains initiés considéraient ce cru comme l'égal de la Romanée Conti.

Ca reste effectivement, à ce jour, un de mes plus grands souvenirs en vin jeune, et pour la petite histoire, je rappelle que son Musigny est désormais introuvable à moins de 1200 euros minimum...

De passage à New York l'an dernier, j'avais trouvé un restaurant qui possédait des Musigny 71, 69, et 59, mais il fallait débourser près de 4500 dollars hors taxes. Peut être une folie à faire à la retraite, mais je doute qu'il en reste encore dans 30 ans !

Et puis en lisant un jour le blog de François, je vois qu'il raconte un déjeuner dans un restaurant d'Arbois où il aurait bu un Chambolle Amoureuse 1971 de chez Roumier. C'est un restaurant que j'ai voulu tester de nombreuses fois, en repoussant toujours la date. Ni une ni deux, cette fois nous partons le dimanche qui suit avec ma femme et Lolive, en priant pour qu'il en reste encore. Nous arrivons juste à temps , ouf ! La carte est simple, et tous les vieux vins du Jura sont très chers, mais je repère l'objet de toutes les convoitises rapidement. Certes il faut débourser une bonne somme, mais le prix sur table est au moins à la moitié de sa côte, si tant est qu'on puisse encore en trouver... Une autre pépite attire notre attention :

MONTRACHET 1970 Auguste Morey

Nous supposons que ce domaine est celui de Pierre Morey, un de nos producteurs fétiches. Auguste serait à priori son père, mais je ne suis sûr de rien.

Au départ, le nez est délicat et met bien 20 minutes à sortir. Enfin il trouve ses aises et rempli nos narines de caramel, de safran, de noisettes et de fruits jaunes. L'attaque de caramel salé et de poire pochée est massive, mais la finale tranchante et piquante me rappelle immédiatement le style du domaine. Un très beau Montrachet, ce qui est bien plus rare qu'on ne le croit ! 96/100

CHAMBOLLE MUSIGNY "Les amoureuses" 1971 Roumier

J'en profite, au passage, pour signaler que ce restaurant est vraiment formidable et parfait du début à la fin. L'accueil est chaleureux, la cuisine redoutable, et le personnel compétent. Café offert, et sommelier très pro et adorable. Et ça , c'est la grande rareté ! Je ne compte plus le nombre de sommeliers incompétents, pédants,etc... que j'ai croisé ! Ce jeune me plaît, car il a la flamme, et sait s'adapter. C'est un plaisir de lui faire goûter les vins...

Il renifle le goulot et tort le nez. Il veut nous le faire goûter tout de suite, avant de commencer le repas. Je perçois son inquiétude. En mettant mon nez sur le verre je comprends vite sa méfiance. Une odeur de liège parasite l'ensemble. Le vin est splendide et parfaitement buvable, mais voilà, on ne rêve pas forcément de boire un premier Roumier ancien pollué par du liège. Le sommelier comprend parfaitement la problématique, mais revient dépité de la cave. C'était la dernière !!!!!!!

C'est le moment de préciser que Lolive ne voulait pas prendre ce vin, mais préférait tenter le Clos Vougeot. Je n'ai pas voulu suivre son instinct ! Quand on pense Roumier, on pense Chambolle, pas Vougeot, non mais !

 La vie en aura décidé autrement, et nous optons donc pour le Clos. En attendant je reste sur mon verre de Chambolle. Le nez de cerise noire, de pétrole et d'épices est grand si l'on fait abstraction du liège qui tourne par intermittence. La bouche est gorgée de soleil, presque sucrée. Un flot de fruits, avec une grosse trame minérale et saline ferme le bal. Quel beau vin se cache sous ce voile malheureux ! Je pense qu'il aurait frolé les 96 ou 97/100 en étant intact. 88/100

CLOS VOUGEOT 1971 Roumier

Le nez est une bombe inimaginable ! La rose fanée et le concentré de fruits rouges nous sautent au visage... Puis c'est une macération de tabac blond qui prend la suite. C'est un parfum diabolique.

La bouche offre une attaque de légende qui me rappelle un peu La Grande Rue 1962. Les papilles sont noyées sous un flot de violette, d'iris, et d'essence de rose. La puissance est colossale et frôle le sucre résiduel, mais sait rester équilibrée, toujours. Quel vigneron de génie, ce père Roumier. C'est un peu le style de Jayer. La finale est un feu d'artifice de cannelle, de groseilles, de mûres crémeuses et de framboises fraîches. Un monument absolu qui sera au sommet dans une vingtaine d'années. 99+/100

On enchaîne la semaine qui suit avec quelques bouteilles recommandables !

PIPER HEIDSIECK Rosé 1976

Le nez de groseilles, de fraises macérées et de noisettes est réjouissant. La bouche est nerveuse et saturée de petits fruits rouges, mais la bulle a presque disparu, dommage ! 89/100

CHÂTEAUNEUF Vieilles Vignes Blanc 1989 Domaine Marcoux

Quelle rareté démentielle ! La joie retombe vite, il est totalement bouchonné... NN

HERMITAGE Les Roucoules 1989 Sorrel

Encore un blanc très rare ! Le nez de plastique, de pétrole et de fruits jaunes, est malheureusement touché par une note désagréable de vieux fût. La bouche est sèche comme une trique, avec de beaux épices. Je pense que la pollution de l'élevage lui a enlevé beaucoup de qualités. A revoir. 84/100

COULEE DE SERRANT 1995

Le fameux 10/10 de Bettane. Je le goûte à l'aveugle... Le nez somptueux est explosif ! J'adore ce genre de nez entêtant. On reconnaît aisément la tarte tatin, la braise, l'abricot caramélisé au fond de la gamelle et la fleur de printemps. La bouche est presque sucrée en attaque ; On sent un millésime très mûr. La réglisse, la mandarine et l'orange coule dans la gorge comme un torrent, tandis que la finale de craie équilibre le tout. Une fois qu'il aura digéré son léger sucre résiduel, ce vin risque de taquiner le 100. Un domaine qui passe du ridicule au sublime ; Totalement insaisissable...97+/100

CHINON Clos de l'echo 1989 Couly Dutheil

Le nez de menthol, de poivron et de fumée est très agréable. La bouche offre une minéralité d'excellent aloi, ainsi qu'une élégance et une fraîcheur qui plairont aux plus grands nombres. Je ne peux lui reprocher que sa finesse qui confine, à mon sens, au manque de matière. 88/100

BOURGUEIL "Les Perrières" 1990 Breton

Le nez chimique de pimousse, et d'herbes pharmaceutiques est puissant, mais pas vraiment dans un registre que j'affectionne. La bouche chargée d'alcool, me semble un peu pommadée, et malgré de beaux amers et des tanins puissants, je ne suis pas conquis. 85/100

CÔTE RÔTIE "Les jumelles" 1976 Jaboulet

Bon je vous livre un tuyau, ce cru est l'un des meilleurs rapport qualité prix qu'on puisse trouver en vins anciens. Aucune déception à noter pour le moment... Le nez jaillit du verre et offre de superbes arômes de fourrure, de braise et de griottes. La bouche est fumée à souhait, avec la finesse gouleyante d'un pinot. Un grand vin de plaisir. 95/100

CÔTE RÔTIE La Mouline 1987 Guigal

De nobles arômes d'eucalyptus me trompent d'emblée ; Je n'ai pas l'habitude de cette note avec Guigal. La suite est une succession de noix de coco, de bois de santal et de caramel. La bouche est pleine, puissante, gorgée de framboises, de fumée et de ronce. Bien supérieur à La Landonne du même millésime. 95+/100

CHÂTEAU MOSSE 1976 (Rivesaltes)

Le nez de noix, de pralin et de zeste est bien fait. La bouche offre une belle liqueur agrémentée de café, d'orange amère et de noisette. Il reste digeste et plaisant, deux qualités indéniables pour terminer un repas dans la joie. 90/100