Suduiraut 1899, Clos des Lambrays 1921, La Mouline 1978... Ma grande dégustation de 2008

On n'imagine pas la joie, mais aussi l'angoisse suscitées par un tel évènement... Il m'a fallu plusieurs années pour rassembler tous ces flacons mythiques. Je me répète, mes moyens financiers n'ont rien d'exceptionnels, alors pour organiser une dégustation de cette ampleur, des mois et des mois sont nécessaires pour rassembler les fonds, et surtout, dénicher les bouteilles... Mon but était de traverser le siècle en vins rouges avec un vin rare par décennie... Il ne me manquait que 1900-1910, mais espiègle, j'avais choisi pour le remplacer, ce qui serait pour beaucoup un baptême du 19ème siècle : 1899 !

Au petit matin, nous étions en cave avec mon frere adoré, pour débouche comme le préconise François Audouze, les flacons quelques heures en avance. C'est aussi un excellent moyen de se rassurer, et de procéder, le cas échéant, à un éventuel changement.

Immédiatement les ennuis commencent, car le Musigny 1929 de Lupé Cholet qui provient pourtant de la même cave que le Grand Echézeaux 1923 (98/100) et Nuit St Georges Les Vaucrains 1937 (99/100) dégage une terrible odeur de torchon moisi... En bouche, c'est un vinaigre... Tant pis, je le laisse quelques heures, on verra bien... Mais je veux que tout soit parfait, alors j'ouvre pour le remplacer dans la décennie 1920, un Clos des Lambrays 1921 probablement mis en bouteille en Belgique. Cette fois ça sent le grand Pinot... l'autre catastrophe est mon Haut Brion 1959. Le niveau est dans le goulot, mais pourtant le nez semble parasité et plus il s'oxygène, plus c'est le liège qui se précise... J'aurais beau y croire très fort et vouloir qu''il soit bon, rien n'y fera ; il est bouchonné... Cela devait être le fleuron de la dégustation ; je le sais, j'ai déjà bu 1945, 1953, 1961 et 1975, mais celui-ci je le voulais, il est unanimement cité par les critiques ! Je sais que je ne le boirai certainement jamais, alors je suis inconsolable. Et puis c'est est un vin à 4 chiffres ; ce cauchemar me hante encore... Je n'ai d'ailleurs pas le courage de le remplacer ce jour là. La décennie 1950 sera absente. J'assume.

Les autres vins ont l'air au top, alors je reprends espoir... Pas pour longtemps !

Allez, top départ ! On attaque par un de mes plus grands souvenirs de Champagne, qui ne sera que l'ombre de lui-même cette fois-ci...

HEIDSIECK & MONOPOLE 1955

Une bulle par-ci par-là, et tellement monolythique... Mais où est passé mon 98/100 de l'an dernier ??? NN

Le suivant, je le veux parfait ! La bouteille est comme neuve, mais ce qu'il y a dedans ne l'est malheureusement plus !

VEUVE CLICQUOT 1955

Bon, je crois que je n'arriverai pas à goûter un 99/100 de Richard Juhlin antérieur aux années 1970...Après 2 échecs, Clos des Goisses 1955 et Henriot 1959 ; voici celui-ci... Et malgré quelques bulles et une acidité tranchante, il n'y a plus rien d'intéressant... NN

Je suis désespéré et je veux tout arrêter... Mais mon Tchitch me remonte le moral, trouve les mots justes, comme au temps du sport de haut niveau... Le top 7 de la dégustation du millénaire est au frais. Septième parmi les plus grands champagnes de tous les temps jugés par un banc d'experts connus et reconnus... On va voir !

DOM RUINART 1979

Finalement, cela aurait été trop bête d'arrêter ! Le nez d'une pureté inouïe est un mélange de curry, d'épices nobles d'orient avec une touche d'ananas ! Du génie ! Après une longue aération, c'est le thym qui pointe le bout de son nez !

L'attaque en bouche est monumentale : un volume d'un autre monde ! Le litchi, l'abricot confit et le citron séché... Mon dieu quel cordon ! La finale est inoubliable sur la craie écrasée, et cette précision "Jayeresque" de caramel salé... Hourra ! Entrée directe dans mon Top 3 ! 99/100

Cette fois, c'est bel et bien commencé, les fauves sont lâchés...

CHATEAU RAYAS Blanc 1978

Quelle rareté ! J'ai bien déjà goûté 1990, 1996 et 1997, mais cette fois on n'est pas dans la même cour ! Le nez explose sur la tarte Tatin, la poire épicée, le fenouil et le pétrole... Wow !

En bouche, c'est un colosse presque tanique !!! Les fruits très macerés, le céleri, l'orangeade et l'aluminium... Ce vin est d'une sécheresse redoutable et que dire de cette finale salée... Tout le monde est perdu à l'aveugle, sauf Lolive, le seul mohican qui se place en Rhône [peut-être Châteauneuf]. Bravo, il fallait la trouver celle-ci... Même le redoutable Luc, d'une sévérité légendaire est conquis ! Le vin le plus original du jour. 98+/100

MONTRACHET Marquis de Laguiche 1978 Drouhin

C'est le match ! Contre toute attente, Rayas remporte la victoire sans forcer...

Le nez vaut 99/100, c'est certain. Une perfection de paille grillée, de toast, de beurre fondu aux noix, de citron confit et de café... C'est tellement envoûtant !

L'attaque en bouche est voluptueuse, sur la mandarine et l'orange... Énorme minéralité en milieu de bouche, mais aussi une acidité prononcée qui lui enlève un peu de corps et de complexité en finale. Le 1964 (100/100) était bien plus accompli sur ce point. 96/100

Hé bien cette fois, ça y est, on attaque la fameuse ballade dans le siècle ! L'excitation monte en fléche !!!

CHÂTEAU MALARTIC LAGRAVIERE 1916

Le niveau est dans le goulot, mais ce n'est pas étonnant puisqu'il provient des caves Nicolas qui changeaient régulierement leur bouchon et complétaient le niveau avec du vin de même millésime... Que les temps ont changé à présent !!!

Ce vin est mythique pour les initiés : Il parait que c'est un accident de la nature !!! Le nez est très complexe sur le cèdre, le caramel brun, le chocolat et le chêne fumé. Quelle précision, on se croirait dans les années 70... En bouche, je souris comme un enfant ; il n'y a pas un brin d'acidité ! Le cuir, le menthol, les fruits macérés et le fer. C'est génial de se dire que c'est Verdun à la même époque, et qu'avec ce breuvage on boit un fragment d'histoire ! Pendant 7 minutes c'est superbe, mais ensuite il se barre, comme dit Luc, et l'acidité monte aussi vite que la mer au Mont St Michel. Bref, mais grande émotion ! 95/100

CLOS DES LAMBRAYS 1921

Là, vous imaginez bien que je suis très concentré, car je sais que ne le boirai sûrement qu'une fois dans ma vie. Il provient d'une cave fraîche en Belgique, et c'est une première main !

Je suis heureux car le nez est impeccable. Le café torrefié, les petits fruits rouges acidulés, en confiture, et la truffe... C'est superbe, mais on est loin de la magie automnale du 1937 bu à la Tour d'Argent (100/100).

En bouche, je suis surpris car il est d'une finesse déconcertante, d'airelle, de groseille, avec cette complexité incroyable de cacao et de pruneau. Là encore, il n' y a pas un brin d'acidité. Impossible donc d'imaginer si vieux à l'aveugle. Tout le monde se place dans les années 1940. Je suis content tout se passe au mieux ; je sais qu'il n'y aura pas de trous ensuite. J'avais juste peur pour ces deux premiers vins, tellement risqués, de part leur vieillesse... 96/100

VOLNAY SANTENOTS 1937 Camille Giroud

Le niveau est à 2 cm....quand je regarde mes photos, je me dis que tous ces flacons etaient tout de même magnifiques!!!!dans un etat de conservation dur à denicher sur autant de bouteilles!!!!Giroud est un negociant célèbre pour ses vieux vins...bien souvent tres fiable pour comprendre ce qu'est un vieux Pinot!

Ici, le nez est fabuleux de rose , de violette, d'epices, avec une pointe de fourrure qui rappelle son origine...

Malheureusement, la bouche n'est pas à la hauteur de ce nez exceptionnel, elle est stricte, avec des tanins raides, et une grosse acidité qui lui a permis de defier le temps , mais lui a enlevé tout son charme...un exemple de 37 qui ne s'est jamais vraiment ouvert, sort que vont connaitre quelques 1988 j'imagine...c'est vraiment dommage car le nez cartonne! 91/100

CHATEAU GAZIN 1947

J'enchaine avec un 47 qui a marqué mes debuts de degustateurs...j'ai le souvenir d'un rouge avec quelques notes de viognier!!!!celui ci est de même mise (Hannapier)...c'est un negociant tres sur , aussi grand , voir quelques fois plus que les mises chateau....Le niveau est d'origine, dans le goulot!

Le nez est ideal , avec ses notes de menthe , d'epiceas, de noisette et de fraise...il n'est pas aussi exotique que dans mes souvenirs....mais n'oublions pas que chaque bouteille est unique , surtout en matiere de vieux vins!

La bouche possède ce grain de tanin que l'on ne retrouve que sur 47...il est pesant sur la langue! par contre , ce gazin a la fougue ,il est indompté, comme un 1945...Tres animal, avec du chocolat et des fruits noirs confits...c'est beau...je semble etre le plus emballé autour de la table...96/100

CHATEAU GRUAUD LAROSE 1961

C'est une mise chateau, avec un niveau haute epaule, qui provient de mon papa....comme toujours, si ce n'est pas comme il imagine, il massacre son vin!!!pourtant bien que decevant par rapport à d'autres 61 que l'on a bu, il est tout à fait correct.

Le nez est moins plaisant qu'à l'ouveture quelques heures plus tot...mais il delivre quand même de beaux parfums de truffe , de morille , et de fruits rouges....

La bouche est tres puissante en alcool, un peu desequilibrée d'ailleurs....la cerise , le tabac , mais la finale n'est pas vraiment interessante....nous aurions peut etre du selectionner Ducru Beaucaillou!(99/100)...la table est tres dure, mais pour moi: 91/100

COTE ROTIE La Mouline 1978

La par contre, la table s'agite dans tous les sens...Lolive hurle 'C'est monstrueux!!!!"Luc est le plus dur comme toujours, et Denis ne veut pas partir sur un 100/100 , car il lui manque un poil de magie ultime....pour une fois je le rejoins...c'est presque parfait....maintenant que j'ai bu le 69 quelques mois plus tard, je peux confirmer , qu' effectivement il n'etait pas encore parfait....Luc le trouvait trop jeune, et il avait raison!Lolive n'en demord pas , pour lui c'est Le monstre du jour...Papa est du meme avis et Tchitch qui aime tant les cote rotie est au comble du bonheur!

Le nez" envoie grave" de la tourbe, de la cendre, de la viande fumée, et de la morille truffée....En bouche c'est une puissance à descendre de la chaise....canard, mûre, lard fumé...c'est luxuriant, avec un alcool qui ecrase litteralement la langue....c'est immense mais trop jeune! 98+/100

CHATEAU AUSONE 1982

La encore un vin du père....cela ne va pas manquer, il le massacre!Luc aussi!mais comme toujours ils sont dans l'excès...c'est quand meme un beau vin , mais dans la queue de peloton des 82....finalement , Bob parker qui lui baisse sa note d'année en année a peut etre raison une fois de plus....

Le nez peu plaisant de poivron, s'affine heureusement par la suite sur la fraise et le cèdre...Par contre en bouche le vin semble incrompréhensible...le tanin est fin , mais l'amertume domine, et la complexité est bien pauvre..que se passe t'il?Libe le defend, mais d'un autre coté , il na jamais eu de chance avec Ausone, alors celui ci lui remonte le moral...tant mieux!!! 89+/100

CHATEAU BEAUSEJOUR DUFFAU LAGAROSSE 1990

Celui ci vient de la cave de mon frère...c'est une rareté,difficile à trouver....alors on ne l'ouvre pas comme ça !!!!d'ailleurs c'est une 1ere!depuis le temps qu on voulait le gouter!

Tout le monde connait le commentaire de Paker sur ce vin....c'est l'un des plus dithyrambique, qu il n'est jamais fait sur un jeune millesime....donc j'oublie tout ceci, prend du recul et ne m'attache qu à ce qu'il y a dans le verre...

Pour un vin aussi jeune, le nez est parfait, plein et complet.....Le zan, la truffe, la mûre et la fumée...

En bouche, on est limite de la larme à l'oeil....une puissance inégalée ,meme par Tertre roteboeuf....le tanin est digne d'un futur 47...mais ce qui me frappe le plus , c'est qu'apres cette puissance , la mineralité arrive en milieu de bouche, lui conferant un equilibre magistral....confiture, fumée, craie,animal....on passe toute la gamme en revue, avec une finale hallucinante de longueur....Le plus grand Bordeaux jeune que je n'ai jamais bu avec Le Pin 90...Bob parker était le seul à l'epoque à avoir tiré ce vin de nul part avec un 98/100 au fut....finalement on comprend mieux pourquoi, il s'est imposé dans le monde entier , devenant le critique le plus influent, tout domaine confondu....a une epoque , ou il est de bon ton de le denigrer, je n'ai pas honte de le defendre...et j'ai les arguments pour en debattre avec n'importe qui! 99+/100

CHATEAU SUDUIRAUT 1899

Un des vins de rêve pour n'importe quel amateur de liquoreux....je l'ai cherché longtemps, le loupant d'une longueur aux enchères sur Paris....c'est un amateur Luxembourgeois qui me l'a enfin cedé....Bettane le venère, et Parker ne l'a jamais bu...je suis anxieux , j'ai peur d'etre deçu....

Ouf, le nez est pur , comme un jeune homme....L'amande , la frangipane, la noix de coco, les oeufs en neige, l'abricot, avec une touche magique de reglisse et de fumée...divin!!!!!!

La bouche est extraordinairement equlibrée et douce, typée demi liquoreux...mais pour moi le plus grand tour de force par rapport à un rieussec 1921(93/100)par exemple, reside dans le fait que le sucre digéré, ne laisse pas place à un vide....il se transforme rappelant ainsi Lavoisier..."rien ne perd, rien ne se crée, tout se transforme"Le sucre digeré devient de la longueur comme certains loire tres vieux....de la longueur de mandarine, de chocolat orange, d'orange sanguine finement amere, d'abricot, et de zan....c'est tellement preservé, et tellement different de tout autre liquoreux....un cachet inoubliable! Libe subit une emotion ,un choc gustatif, tout comme Tchitch...Mais c'est quand même un vin tres special,et pour etre honnête, certains sont moins transportés....un vin qui fait debat.100/100

Bonus, pour les plus courageux!!!!c'est difficile de mettre un vin apres tout cela il faut etre original...mais quoi!?Lolive veut des bulles...je choisis donc un vin rare, legende de Michel Dovaz..et pour etre parfait dans une degutation , il faut être eclectique...alors sortons de nos frontière que diable!!

CA DEL BOSCO Anna Maria Clementi 1996

Soit disant le seul mousseux à pouvoir lutter avec nos Champagnes...

Un nez de brioche, d'anis, de cacahuète, de pomme au miel, avec une touche exotique...En bouche, le cordon est tres intense, avec de l'agrume et des epices delicates..pas de lourdeur et un terroir maitrisé...tres sec en final, c'est effectivement grand!j'entends de grands noms de Champagne....l'aveugle est une epreuve terrible! 93/100

Bonus ultime pour quelques assoiffés

RIESLING ALTENBERG 1983 Deiss

Les vieux alsaces surtout de Deiss sont quasiment introuvables de nos jours...je veux pour finir un vin desalterant, leger, mais tres terroir...Le nez est superbe et fin sur l'abricot , le citron, et le petrole...en bouche ce riesling est tres fin , sec , comme je les aime!!!! l'ecorce d'orange et une tres belle trame minerale....impeccable pour terminer cette journée tant attendue...92/100

Et voila , la cave en a pris un serieux coup, mais je pense dejà à la prochaine degustation , c'est bon signe!