Chevalier Montrachet 2000 d'Auvenay, Calon Ségur 1953, Musigny Roumier 2001 et Cie...

Plusieurs repas, dont l'anniversaire de François, ont été l'occasion de déguster quelques bouteilles fantastiques dans des formats hallucinants ( magnum, jéroboam...). Quelques surprises nous ont donné le sourire, mais une déception immense notamment, a été encore une fois, l'occasion de se poser la question de la fiabilité des dégustations organisées pour la critique. Le vin disponible sur le marché et consommé par l'amateur lambda est-il réellement le même que celui testé par nos chers guides Français ou Anglo-saxons ? Je n'ai pas la réponse, mais je sais néanmoins que le cru légendaire que j'ai eu dans le verre était bien loin de mériter 98/100 ou 19,5/20 et encore moins de valoir près de 1000 euros !

Y D'YQUEM 1988

Habituellement, je trouve que les meilleurs Y sont plutôt issus des millésimes modestes pour le roi liquoreux. Exception confirmant la règle : Yquem est génial en 1988 et son frère sec Y est aussi grand.

Le nez jaillit du verre et dévoile des parfums entêtants de truffe, de coco et de chêne grillé. La bouche est envahissante, mais totalement ciselée... Les agrumes confits et le pain toasté se marient parfaitement avec la coquille d'huître. Quand la finesse et la puissance arrive à s'entendre, le dégustateur vit un moment de joie intense... 95+/100

NUITS St GEORGES "les boudots" 1978 Charles Noëllat Mg

Le nez immense s'ouvre sur la truffe, la morille et le musc, puis s'affine à l'aération sur la rose et la groseille. La bouche offre juste ce qu'il faut d'arômes giboyeux et sanguins pour le coup de fouet, puis les petits fruits rouges, la fleur et le tabac nous emportent dans une longue valse lascive. Lalou Bize Leroy a été bien inspiré de racheter ce domaine à la fin des années 80 ! En même temps j'imagine que si elle a goûté ce genre de vin, comme je l'ai fait, jusqu'aux années 40, elle savait exactement où elle allait :) 95/100

CÔTES DU RHÔNE 1943 Bouchard P&F ( double magnum )

Un double magnum avec un niveau parfait, presque intimidant. J'ai peu d'espoirs sur la qualité de ce vin....

Pourtant le nez explose sur la braise, la coco, la mûre et les épices. Une magnifique synthèse de grenache et de syrah, sans la moindre trace d'oxydation. La bouche est parfaitement préservée, et ressemble à s'y méprendre à un Châteauneuf ancien.

Grosse surprise ! Quel Côtes du Rhône peut prétendre à une telle garde actuellement ? 92/100

CHÂTEAUNEUF BEAUCASTEL 1998 ( double magnum )

Le format donne une fraîcheur très intéressante au nez. Des arômes purs d'eucalyptus, de fruits noirs, de fumée, et d'épices tourbillonnent sous nos narines. La bouche est malheureusement nettement en retrait. C'est indéniablement bon, mais on a l'impression que le minimum a été fait sur cette année mythique pour l'appellation. A priori toute la table semble d'accord sur la qualité générale de ce vin, avec néanmoins la même unanimité concernant quelques bémols redondants : Manque de charme, d'originalité, et de cachet. Pour moi, c'est la phrase habituelle qui tourne dans ma tête. " Comme d'hab, bien maquillé, mais impossible de faire de ce terroir un cheval de course". 92/100

HEIDSIECK & Co " Diamant Bleu" 1989

Nez très pur de craie, de fruits jaunes, de fumée et d'herbes fraîches. La bouche offre le tranchant, que je crains parfois, d'un Mumm René Lalou, mais sa puissance confite et son onctuosité finale me redonne le sourire. Impeccable. 93+/100

MEURSAULT PERRIERES 2000 Comte Lafon

Le nez raffiné de caramel, de fruits exotiques, et de noisette grillée est un vrai bonheur. L'attaque minérale et crayeuse décoiffe les papilles. La suite est une succession de parfums tous plus frais les uns que les autres. Ce domaine est parfois inconstant, mais ce soir nous assistons à l'entrée dans l'adolescence d'un blanc remarquable. 95+/100

BATARD MONTRACHET 2000 Domaine Leflaive

Le nez est dans la continuité du précédent : Noisette grillée, foin, et fruits de la passion. Tout est ciselé, et j'avoue que cette note de fleurs d'oranger m'envoie direct sur un petit nuage. La bouche est puissante, mais totalement fraîche grâce à l'anis et au fenouil. On croque des fruits jaunes et des épices. Immense !! 97+/100

CHEVALIER MONTRACHET 2000 Domaine d'Auvenay

Je suis tellement impatient de goûter cette rareté mondiale. La Romanée Conti des blancs !

Après 1H30 de carafe, le nez sort timidement. Des notes d'amandes amères, de poire et de financier chaud s'échappent du verre. La bouche offre une finesse caricaturale. La table est unanime : Il manque de complexité, de longueur et de cachet. Cette note de caramel mou est tellement grossière. Il faut lire ce qu'en dit la critique pour comprendre ma colère. "Les blancs de Lalou dominent toute la concurrence"

"Quel éclat, cristallin".  Heu, on a pas goûté le même vin, il me semble. Après 1H de plus dans le verre, il s'affadit, malheureusement. Bien fait, mais banal, désespérément banal... Lalou passe du sublime, au moyen voire même au scandaleux parfois. Qui sait ce qui se passe au coeur des caves ? Ce qui connaissent la Bourgogne comprendront où je veux en venir... 86+/100

MONTRACHET 1997 Baron Thénar

Le paria de la critique se paie le luxe de dégommer le Chevalier de Lalou. Pourtant il ne brille pas par sa classe, mais sa fougue et sa lourdeur miellée, nuancée d'amande et de torréfié ont raison de la banalité du précédent. 91/100

POUILLY Vers Pouilly 2005 Cordier

Le nez de mangue, de fumée et de toast est déjà très plaisant. La bouche est lourde et grasse, mais un peu étouffante quand même. Il a l'esprit d'un Bâtard, mais pas la fraîcheur des plus grands. A découvrir d'urgence... 92/100

MUSIGNY 2001 Roumier

Quel bonheur d'avoir la chance de goûter le Musigny de G.Roumier pour la deuxième fois. Celui-ci n'a pas tout a fait le génie du 1990, mais c'est un immense Pinot, c'est certain.

Le nez unique de roses, de groseilles, et de poivre de Séchuan fait son oeuvre. Tout le monde a le sourire. La bouche est une essence de fruits rouges et de baies, avec la belle tension minérale de l'année. On ne retrouve pas tout à fait l'extravagance du père dans cette vinification, mais diable que c'est bon ! 96+/100

CLOS DE LA ROCHE 2001 H.Lignier

Le nez plus "moderniste" que le précédent s'étale sur le cassis, la tarte aux myrtilles et le gâteau sec. C'est très séducteur, mais un peu vu et revu tout de même. La bouche est gourmande et se marie divinement au consommé de réglisse. Il en a sous la pédale le bougre. La finale pure et bourrée de cachet m'impressionne plus que le nez. 92+/100

CHÂTEAU CALON SEGUR 1953

Comme on peut le voir sur la photo, cette bouteille est parfaite. Je l'ai achetée une fortune ; 1953 est un millésime colossal, mais fragile, alors je voulais un exemplaire impeccable. C'est cette conservation remarquable que j'ai accepté de payer...

Le nez d'une extrême douceur, me semble même presque langoureux... La crème fouettée au cassis, la truffe noire, le cèdre, le caramel et le havane se disputent les faveurs de nos narines. La bouche offre un tanin d'une épaisseur surprenante, quasiment granuleux. La violette, la rose, la réglisse et les herbes sèches pèsent sur la langue, tandis qu'une touche acidulée vient donner du punch à l'ensemble. Encore un nouveau visage pour ce terroir complètement irréel ! Plus qu'un vin, c'est une boisson lascive ... 97/100

CHÂTEAU YQUEM 1985

Le nez d'une pureté inouïe de coco, d'agrumes et de mangue est un dessert à lui tout seul. La bouche offre une sucrosité délicate, largement compensée par la complexité. Certains convives semble bouder le roi, mais moi j'avoue être tombé complètement sous le charme de ce diable élégant et parfumé. 94/100

MUSCAT DE SAMOS Années 40

Le nez est une pure folie de pulpe de framboises, de groseilles et de bananes flambées. Quelle originalité ! La bouche très puissante m'évoque une sorte de décoction de fruits rouges, à la finale interminable. J'adore ! 95/100

RUSTER AUSBRUCH  "Pinot Cuvée" 1995 Feiler Artinger

C'est la deuxième fois que je bois celui-ci. Le mois dernier c'était la grande cuvée "essenz", et je me rends compte que celle -ci est aussi bonne, moins puissante certes, mais plus équilibrée aussi et surtout moitié moins chère.

Le nez emballe toute la table, grâce aux parfums de pruneaux, de raisins de corinthe et de fumée. La bouche est une douce liqueur de caramel, de coulis d'abricot, avec en nuance, l'acidité d'une réduction d'agrumes. Je préfère l'élégance du Yquem 1985, mais par contre pour 35 euros, ça vaut le coup de faire des pieds et des mains pour s'en procurer. 93/100

NUITS St GEORGES 1980 Henri Jayer

Un bonus qui arrive dans nos vies, comme un signe. Il ne pouvait en être autrement. L'impulsion dans le monde subtil est devenu tsunami, prenant la forme d'une bouteille vinifié par un sorcier. Ce nez de rose de Damas, de géranium et de roche est un peu le trait d'union entre le ciel et la terre. La bouche réussi l'impossible mariage de la force et de l'élégance, du féminin et du masculin. On croirait goûter un vin d'avant guerre, avec ce tanin râpeux, ces parfums lourds de fruits noirs et de fleurs. Pourtant,ce boisé élégant lui donne un air de 1996... " Jeunes, mes vins font vieux, mais âgés, ils font jeunes" avait dit le maître. La démonstration est ici frappante. C'est la première fois que je ressens autant la force et la sucrosité d'un VDN chez Jayer, et c'est ce petit bémol, qui l'empêche de frôler la note parfaite. Mais ça n'est "qu'un Nuits générique", ne l'oublions pas... 97/100