Margaux 1945, Chambertin 1934 Grivelet, Harlan Estate 1997... Est-ce le week-end d'une vie ? Opus 3

J'étais impatient de goûter le fameux "Petrus Américain" Harlan Estate ! Mais j'étais loin de me douter que cette dégustation serait un échauffement et que Sébastien allait nous faire partir dans les étoiles grâce à quelques magnums d'anthologie, et surtout que j'allais ensuite partager un moment avec un sorcier des temps modernes, pour découvrir ce que je nommerai volontiers l'antichambre des terres pures. Comprenne qui pourra...

HARLAN ESTATE 1994

Le nez nous emporte directement à Bordeaux, en rive gauche. Le cuir et le tabac côtoient le pruneau, le gibier et la citronnelle.

La bouche massive, gorgée de fruits noirs, de gibier et agrémentée d'une touche animale ressemble à un Latour des années 90.

Un clone de 1er grand cru Français, un peu plus ouvert peut-être.... Je regrette juste la touche d'originalité qui lui permettrait de marquer plus durablement les esprits. 95/100

HARLAN ESTATE 1997

Le nez puissant offre de beaux arômes de pain d'épices, d'amande, de kirsh, et de brownies aux cassis.

L'attaque en bouche est une liqueur de chocolat noir et de cacao amer, avec des notes subtiles et pures de cèdres et de griottes qui lui amènent de la fraîcheur. Une fois encore il lui manque une réelle identité pour mériter son prix ( 1000 euros environ ). 96/100

HARLAN ESTATE 1998

La couleur rouille et le nez oxydé ne me donne pas envie d'approfondir cet exemple-ci. Dommage...NN

HARLAN ESTATE 1999

Je ne suis pas du tout d'accord avec Parker qui donne 100 points aux 97 et 94 et seulement 93 points à celui-ci. C'est le premier millésime, où l'on sent que le vigneron ose se démarquer de son enseignement Bordelais. Des parfums inconnus font leur apparition. Le plus équilibré et complexe de la série donc...

Le nez jaillit du verre sur le clou de girofle, la truffe noire, le caramel et les fruits noirs confiturés. La bouche est une explosion de truffe, de zan et de cassis avec une pointe heureuse d'acidulé apporté par la groseille. Les papilles sont noyées sous cet exotisme "pomerolesque". Pour moi, ce vin est un peu la frontière entre le Bill Harlan qui copie ses maîtres et celui qui tente de créer son propre style. 96+/100

HARLAN ESTATE 2001

Le registre est semblable, forcément, mais l'ensemble est moins fruité, moins pur aussi.... Par contre la bouche plus stricte semble plus minérale et donc plus fraîche. C'est un bel exercice de style, vu et revu chez nous par contre ! 93/100

HARLAN ESTATE 2002

En suivant le parcours de ce domaine, j'ai l'impression de suivre le parcours d'un grand peintre. Petit à petit le style et l'originalité s'affirment  et avec ce 2002, le vigneron semble avoir enfin lâché prise, en partant dans le côté obscure, déroutant, mais totalement unique.

Des arômes entêtants de truffe noires, de gelée de cassis, de myrtilles confites manquent de me faire tomber de ma chaise. La bouche reprend les parfums du nez, en fanfare. Il offre l'épaisseur d'une huile digne d'un 1947, avec le même tanin pesant, ainsi qu'une longueur superlative. Un flot de fruit truffé et mentholé ! La très longue aération me fait douter un peu, car je le trouve moins complexe et moins original.

Mais c'est un vin immense, quoiqu'il en soit... 98/100

HARLAN ESTATE 2003

On retrouve curieusement les même excès que dans notre pays : Une année folle avec des notes phénolées assez soulantes. Le reste de la gamme aromatique ressemble au précédent, avec moins de précision cependant. La bouche m'apparaît brûlante, et un peu déséquilibrée ; On a l'impression que le vin est devenu un véritable cheval fou... A revoir dans 10 ans. 91?/100

HARLAN ESTATE 2004

Il offre un nez explosif de ganache pralinée, de truffe, d'eucalyptus et de fruits noirs très confits. La bouche est une sorte de VDN sans la grosse charge sucrée, heureusement... Je me demande juste si cette extraction de malade, cet excès absolu, pourra vieillir des dizaines d'années. Comme pour le 2002, je trouve que la longue aération l'affadit un peu. 96+/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1976

La couleur rouille m'inquiète un peu, pourtant le nez de silex, de buis et de fruits rouges se laisse faire. Certaines personnes craignent énormément le côté pipi de chat du buis.

La bouche est un peu maigrelette, et on est en droit d'attendre autre chose d'un Cheval Blanc, mais si l'on oublie le prix d'un tel flacon, mon dieu, il reste buvable et absolument pas déplaisant. 80/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1953 Mg

C'est la troisième fois que je bois cette légende, et à chaque fois il m'est apparu différent. Une fois très décevant, une fois colossal ; Cet exemple-ci est entre le deux. Très bon, mais manquant de patine et de charme pour atteindre la stature d'un mythe.

Le nez de noix de coco, de tabac blond, de chocolat noir et de fumée est superbe, mais pas assez fruité pour mon goût. La bouche est encore jeune, un peu stricte au départ, puis à la longue aération, elle s'affine sur les baies et les herbes sèches. 94+/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1950

Le nez de banane, de fruits rouges, et de sirop de cassis est une sacrée bombe ! La bouche est surprenante, car diaboliquement fine et subtile. On perçoit des notes de fleurs séchées, de réglisse, de myrtille avec une finale incroyable possédant la pureté inégalée de la confiture de groseille de Bar-Le-Duc.

97/100

CHÂTEAU LA MISSION HAUT BRION 1952 Mg

Le nez met plus de 30 minutes pour sortir, mais de beaux arômes de foin, de paille, d'ambre et de feuilles de havane finissent par arriver en fanfare. L'attaque en bouche totalement fumée est aussi agrémentée d'un puissant goût de poivron et de charcuterie. Une minéralité finale très puissante me perturbe, et donne un aspect immature au vin. Les crus qui donnent un visage d'éternelle jeunesse ne sont pas forcément ceux qui me passionnent le plus, car j'aime justement la complexité aromatique d'un vieillissement réussi. Un vin parfait est pour moi celui qui réussi comme Jayer à marier la palette aromatique d'un vieux vin à la fraîcheur du fruit. Ici on a juste l'impression d'être face à un bébé qui ne vieillira jamais. 95+/100

CHÂTEAU BEAUSEJOUR DUFFAU 1990

L'un des trois plus grands vins jeunes que j'ai jamais bu. Quelques années plus tard, je reste toujours autant persuadé que ce St Emilion est une véritable légende en préparation.

On retrouve le même genre de nez surpuissant et explosif qu'Harlan Estate 2002. La différence se fait sur la bouche qui ne présente pas la moindre trace de sucre, mais plutôt une fraîcheur saisissante, et une minéralité de graphite parfaite combinée à un fruit confit exotique à souhait. Quelle perfection ! 99+/100

CHÂTEAU MARGAUX 1945

La bouteille est parfaite avec un niveau dans le goulot ! Le nez est une véritable folie; Ca fait longtemps que je n'ai pas humé une telle perfection : La violette, la rose, la feuille de havane froissée, les fraises écrasées et les épices tournent dans le verre et me semblent presque irréels. La bouche offre une attaque incroyable de ganache au clou de girofle que Richart ne pourrait pas renier !

La suite est une succession de café noir, de caramel salé et de groseilles acidulées, avec toujours ce tanin accrocheur unique du millésime. La finale de cassis et de roche est à se damner. Le plus grand Margaux, et de loin, qui surpasse même sans forcer le mythique 1953, et qui écrase les 1961, 1928 et autre 1929.

100/100

CHAMBERTIN 1934 Grivelet

Le nez nous fait reculer tant il est puissant. Je peux compter sur les doigts d'une seule main, les fois où j'ai eu le sentiment d'être bercé dans les bras du divin. La puissance et la complexité sont quasiment indescriptibles ici. Le bonbon à la violette, la chair de cerise noire, l'amande, la poudre de rose ou encore les épices orientales sont quelques-uns des arômes que j'arrive à saisir sur le vif.

La bouche offre une extraction dingue mais tellement équilibrée. Un vin étranger réussira t'il un jour un tel tour de force ? J'en doute un peu quand même.

La langue est noyée sous la petite fraise des bois du Louis XV, puis la violette revient hanter le palais avant de céder sa place à dame ronce et sieur zan. On m'aurait dit Jayer 1978, j'aurais acquiescé immédiatement. C'est aussi la première fois que j'assiste à un accord vin-vin : Ce 1934 fait revivre le fruit du Margaux 1945, si bien qu'on ne sait plus trop à la fin, lequel on boit ! Une légende absolue et le plus grand Chambertin de ma vie !!! 100/100

CLOS VOUGEOT 1955 Prieur

La couleur brille comme un Rubis de bijouterie. Est ce possible ? Le nez est aussi parfait que le précédent, un peu différent certes, mais tout aussi grand. La rose, la pomme granny, le menthol et le café grand cru cognent les narines comme des centaines de petits poings. La bouche est une douce liqueur de caramel salé, de groseilles, de cassis et à nouveau de café grand cru. Un sentiment d'équilibre et de plénitude se dégage de ce vin, et la finale saline et pure comme un cristal nous emmène au coeur de la terre sacrée des moines. Merci maître Jayer d'avoir dit un jour que les Clos Vougeot de Prieur étaient les meilleurs avant les années 60. Une leçon et le plus grand Clos Vougeot de ma vie. 

Vous aurez une petite idée de la conservation des vins en regardant l'avant dernière photo : Niveau sous le bouchon!!!100/100

BONNES MARES 1970 Roumier

Encore un Roumier des années 1970 ? Heu difficile de dire non je crois. Quelle continuité mes amis ! La couleur brunie dans la masse est moins excitante, mais le nez de consommé de champignon à la Marcon agrémenté de truffe, de rose, et de groseille est carrément pas mal dans son genre !

La bouche est aussi gourmande sur le fruit que les précédents, et rappelle la griotte, la rose et le sous-bois, entre autre. Comment un 1970, année modeste s'il en est, a t'il pu atteindre un tel niveau ? Les mystères Roumier et Jayer resteront, je crois, définitivement impénétrables...

97/100

Bon, il va me falloir au moins dix jours pour digérer de telles émotions. Je sens que la fin d'année va réserver de grosses surprises !