Mouton Rotschild 1959, Latour 1959, Yquem 1959, je vous ai compris !

Je l'avoue, pendant longtemps, c'est un millésime que j'avais du mal à cerner. Je trouvais 1961 tellement meilleur, tandis que 1947 et 1945 restaient mes chouchous...

Je pense aussi que la chance n'avais pas tellement été de mon côté entre un Montrose tendance vinaigrette, un Haut Brion bouchonné ou encore un Pichon Comtesse sur le déclin....Fort heureusement il y eu par la suite le seigneur Lafite, en rouge puis en blanc, Lynch Bages le mouton du pauvre, mais aussi Margaux la dentellière etc.. Malgré cela, j'ai continué de penser que ce millésime était, dans son ensemble, surestimé à Bordeaux . Après cette dégustation, mes convictions vacillent, mais mon coeur reste pris par la magie de 1961 et la puissance inégalable de 1945. Je ne suis sur Paris que pour quelques heures, mais je sais pourquoi et je n'oublie pas ma chance, jamais !

Comme souvent dans ce genre de dégustation, je suis stressé. Je sais qu'il y aura peu de vin dans le verre, et il faudra donc être concentré pour le comprendre , imprimer les sensations dans sa mémoire afin de revivre à souhait le moment, et surtout se laisser aller au plaisir. Quelques centilitres pour autant de choses, c'est bien peu allez vous me dire ; Certes, mais c'est déjà pas mal !

CHÂTEAU BOUSCAUT 1959 Niveau LB

Je suis immédiatement surpris par la couleur à peine tuilée du vin. Je sens que cette soirée va être inoubliable. Le nez possède encore une belle fraîcheur de menthol, de cèdre avec une pointe de cuir. Michel Bettane demande si quelqu'un sait en quoi on reconnaît un Bordeaux de la vieille époque, rustique. Il précise ici que l'exemple est parlant. Silence. Timidement j'ose " le tanin sèche un peu et la trame acide est dominante" . Bettane reprend des couleurs et remercie "ce jeune ami ". Il est indéniable que ce flacon pourtant bien conservé n'est pas un charmeur et manque cruellement d'élégance. On prendra plus son pied sur les vins actuels... 88/100

CHÂTEAU HAUT BRION 1959

Je l'attends depuis tellement longtemps, Top 10 Bettane, 100 Parker, 5 Stars Broadbent, bref un mythe. La seule bouteille que je n'ai jamais dégustée avant était bouchonnée, un des drame de ma vie !

Au départ le nez timide déçoit forcément. Puis après 20 longues minutes, il se précise sur le caramel au lait, le cuir usé, et les plus patients,auront même droit à de sensationnels arômes de cendre, de mégot, et de truffe. Je serais le pire des menteurs, si je n'osais pas dire qu'une trace de vieille barrique et de fourrure a aussi accompagné, tous ces arômes. Je crois donc que ce vin a malheureusement dépassé son pic absolu en entamant lentement son déclin. La bouche est élégante, grâce à la mûre, au cassis fumé et au zan. La finale de havane et de cuir nous rappelle encore une dernière fois que le vin est grand. Pas mythique. 1945 le dépasse largement. Après 1953, 1961,1975, je suis à nouveau un peu déçu par Haut Brion. La Mission, lui, ne m'a jamais trahi !  94/100

CHÂTEAU MARQUIS DE TERME 1959

Le nez est fort élégant grâce à ce parfum agréable de pollen de lys. Le côté animal me plaît aussi. Bettane parle d'une grosse acidité volatile ; Elle est pour moi subtile et met bien en relief le tout. Le tanin est accrocheur, alors que la griotte puis le chêne ancien nous régalent. Une bien belle allure ma foi. 90/100

CHÂTEAU RAUZAN GASSIES 1959

Tout le monde le préfère sauf moi. Je le trouve moins élégant. La bouche est plus complexe sur la mûre, les épices et les herbes humides, mais le nez m'emballe moins. 89/100

CHÂTEAU RAUZAN GASSIES 1959 MAGNUM

Ce vin est bu plus tard dans la soirée, mais je le place volontairement à la suite du format normal : La comparaison est intéressante. Cette fois le nez est plus pur et surtout plus complexe. On note tour à tour de l'anis, du cassis, du jus de viande, et des herbes grillées. La bouche est au même niveau. Il gagne logiquement 1 point. 90/100

CHÂTEAU MARGAUX 1959

J'ai la chance de l'avoir déjà bu l'an dernier ; Il était magnifique de précision et d'élégance. Une fois n'est pas coutume, supérieur au 1961 ! Cette présente bouteille m'emballe beaucoup moins et ce, dès la première seconde. Le nez est touché par un stade trop avancé à mon goût : Vieux fût, herbes humides et champignon frais. Pas la moindre trace du fruit et de fleur que j'avais en mémoire. En bouche, le vin est bien là, soyeux tout enrobé de griotte et de tabac. Seule la finale un peu courte me confirme dans mon jugement de départ. Cette bouteille est moyenne... Margaux ne supporte guère une conservation approximative. 91/100

CHÂTEAU BEYCHEVELLE 1959 Reconditionné

Je suis surpris, personne ne bronche. Moi je rugis de plaisir ; Je sais immédiatement que l'on tient là un immense 1959. Le nez arrive comme un printemps, en chantant la rose, la fraise des bois fraîche, la brindille de cassis et la griotte épicée. Je vérifie la bouteille car j'ai un doute. Bettane a du lire dans mes pensées puisqu'il précise que ce n'est pas un DRC. On nage pourtant dans le Pinot, le grand ! La bouche est une dentelle avec une puissance de parfums qui me rappelle certains Côte de Nuits 1934. Fraises, framboises, essence de rose, et finale interminable de tabac et de groseille. Somptueux ! Haut Brion et Margaux sont KO... 98/100

CHÂTEAU LEOVILLE LAS CASES 1959

Tout ceux qui me connaissent le savent, je m'emporte parfois avec ce vin, allant même jusqu'à penser que les échantillons présentés aux critiques en 1982 et 1990 étaient spécialement conçus pour eux. En effet, comment expliquer autrement les vins plus que passables bus à plusieurs reprises et de différentes provenance ? Bref là n'est pas le sujet... Je dois reconnaître que celui-ci est plus que correct. Il me fait penser à un 1986 sans les moyens techniques actuels. Il a été vinifié par Peynaud ceci expliquant peut être cela. Nez rustique de cuir, de sous-bois, et d'anis étoilée. La bouche offre un beau tanin râpeux, avec des parfums de cappuccino, de réglisse et de cerise épicée. Belle prestation ! 93/100

CHÂTEAU MOUTON ROTSCHILD 1959

C'est également la deuxième fois que je bois celui-ci. La première fois, il m'avait déçu à cause de son côté rustique. Il avait également eu la malchance de se trouver dans la même soirée qu'un certain Clos De Tart 1934... Ce soir, il se présente sombre comme un nouveau né. Si Beychevelle était une soprano, ici nous avons un ténor. Cèdre, réglisse, menthol, épicéa, nicotine ; Quelle belle déclinaison ! A l'aération il devient cassis juteux, mûre, on a l'impression d'être au dessus de la cuve. Etrange sensation ! Bien plus tard il lâchera même quelques parfums d'étable, et de cuir frais qui me rappelleront un peu ma 1ère expérience. La bouche est superbe, d'une richesse incroyable. On retiendra la truffe, la menthe poivrée, la fève de cacao, le pralin . La finale est noueuse comme un vieux chêne gainé de cuir. Trop jeune ! 97+/100

CHÂTEAU LATOUR 1959

Il est aussi sombre que Mouton. Immédiatement je suis à latour ! Pour moi, ces arômes entêtants de crème fouettée aux noisettes, de menthe fraîche et de truffe sont la marque de ce terroir unique. C'est tellement plein et onctueux... La bouche est d'une ampleur colossale avec un tanin pesant et rugueux digne de 1945. Les fruits noirs compotés, le tabac, le cuir de Russie, et le sous bois étouffent les papilles. Mouton est un poil plus long en finale, mais il est déjà touché par un élevage technologique qui rappellent trop les vins actuels. Ici, c'est un vin d'instinct, qui sent la mémoire humaine. Il est totalement indompté. L'équipe de Latour prétend que c'est le dernier élaboré dans ce style. Une pièce de musée !! 99/100

CHÂTEAU CAILLOU Crème de tête 1959

Le seul Barsac vinifié par Peynaud. Il transcende le terroir ! Un nez somptueux de figue confite, de biscuit au miel, de sésame grillé et de crêpe Suzette. La bouche offre une structure et une puissance sublime. Et magie de Barsac, c'est élégant et ciselé. Palette de peintre au palais grâce aux parfums de céréales, de tarte Tatin, d'amande et d'orange amère. Cadeau suprême, le côté tranchant et calcaire du sol énergise le sucre. Ce 1959 surpasse sans forcer le 1947 bu l'an dernier. Il a la classe d'un grand Climens. 97/100

CHÂTEAU YQUEM 1959

La couleur est plus ambrée que le précédent. Le nez dégage la même magie que Caillou, mais il est plus porté par le chêne noble et la réglisse. L'acidité volatile est plus appuyée que 1921 et 1945. Cela lui donne un poil de classe en moins, mais plus de puissance olfactive. La bouche est un mammouth ! Je suis submergé d'émotion. Il est aussi grand que les deux millésimes mythique cités plus haut. Est ce cet assemblage particulier de moitié passerillage, moitié pourriture noble spécifique à 1959 qui lui donne cet éclat et cette force de Tsunami ? je ne saurais le dire... En tout cas il rentre dans mon top 30 en fanfare ! La bouche est grasse, et volumineuse ; La vache, quelle onctuosité et quelle sucrosité ! La prune, le noyau de pêche, les épices avec une finale à se rouler par terre de pop corn au caramel salé, et de barbe à papa. Inoubliable. 100/100

A noter que Michel Bettane préfère le Caillou. Il est dingue de Barsac, ça n'est pas un secret !

CHÂTEAU DE MONBAZILLAC 1959

Celui- ci est bu sur le foie gras. C'est une première expérience avec ce cru. Le nez droit dans ses bottes rappellent les agrumes confits, l'amande, et le parquet ciré. La bouche est proche de son terroir que j'associe habituellement à la bougie, et à la mandarine impériale. La sucrosité est plus grossière, mais ne soyons pas trop sévère, car c' est un liquoreux magnifique ! 93/100

CHAMBERTIN 1959 Léonce Bocquet Magnum

Au nez l'acidité volatile est prononcée. On perçoit aussi la vieille cave, la prune, la tarte aux myrtilles et framboises. Agréable... En bouche il lorgne trop du côté du Rhône pour mon goût. Olive noire, airelles, épices, cuir et touche de sucre résiduel. Typique de son année et ayant certainement bénéficié d'un ajout d'Hermitage. C'est bien fait quand même.90/100

RIVESALTES 1959 Gérard Bertrand

Le nez s'étale sur les fruits rouges et noirs macérés, le cuir et le sous bois. La bouche impeccable, très solaire, se marie bien sur notre dessert grâce au chocolat noir, à la coco, et au café torréfié. J'aime. 92/100

ARMAGNAC Laubade 1959

Le nez de figue , de caramel au lait et de fût neuf termine bien la série ! La bouche manque de finesse mais les épices et le zeste rappellent que cet alcool est au niveau du reste. Il est par contre à des années du fameux Lot 29... 91/100

Quelle dégustation ! Toutes les bouteilles étaient dans l'ensemble très bien conservées, ce qui est en soi un exploit ! Michel Bettane a mené la soirée comme un chef d'orchestre aguerri. Un vrai plaisir pour l'admirateur que je suis. Bernard Burtschy est un peu timide, c'est dommage, car en discutant à la fin avec lui, nous sommes tombés d'accord sur un classement des 3 grands vins de la soirée. Notre avis n'avait pas l'air d'être partagé par tous et c'est mieux ainsi. Vivement la suite. Cette fin d'année 2009 risque d'être inégalée ...Est ce possible ?