Paula Bara 1964, Carbonnieux 1949 et d'autres beaux acteurs lors d'un week-end en famille.

Avril, c'est le mois des anniversaires dans ma famille ; Chaque année, c'est donc l'occasion d'ouvrir quelques bouteilles rares. Dans ces moments là on aimerait être cinq ou six de plus autour de la table, afin de pouvoir déguster une douzaine de bouteilles au moins! La solution que nous avons trouvé est d'étaler sur plusieurs jours les festivités, ce qui permet quand même de vider un peu la cave !

PAUL BARA 1964

Ca fait longtemps que j'attends de savoir comment peut vieillir un 100% pinot noir. A part le mythique Bollinger Vieilles Vignes Françaises, il n' y a pas tellement d'autres exemples mono cépage Pinot en Champagne. Mon papa est donc ravi de satisfaire notre curiosité en ouvrant ce bijou de sa cave.

Il lui faut au moins 30 minutes pour s'ouvrir dans le verre. Le nez fin d'abricot se transforme rapidement en macho étalant sa virilité. En effet des effluves de musc, de sous-bois, de fumée et de cognac envahissent le Spiegelau. La bouche est vineuse comme on l'imagine, le gaz est fin, mais la trame délicate de framboises, d'airelles et d'oranges sanguines me surprend un peu. Dans l'ensemble, c'est un beau Champagne, mais je suis un peu plus sévère que le maître Juhlin. J'aurais préféré plus de puissance. 93/100

VEUVE CLICQUOT "Jubilée cuvée" 1970

Le bouchon m'échappe des mains et saute au plafond ! Ca me plaît bien... Le nez, jeune, délivre de nobles parfums de fleurs, de tourbe, de foin et de quetsche. La bouche est porté par un gaz d'une intensité incroyable. Elle est curieusement beaucoup plus vineuse que le précédent. Les fruits jaunes macérés, les herbes humides, et la finale crayeuse transforment notre palais en flipper pour quelques instants. Le plus grand 1970 que j'ai jamais bu... Je me demandais pourquoi Juhlin avait accordé 4 points de plus à ce vin, maintenant j'ai compris. L'affaire de l'année. 95+/100

JACQUESSON  "dégorgement tardif" 1990 Mg

Il offre un nez superbe de brioche, d'agrumes, de caramel et de petits fruits rouges. Le gaz est forcément brutal, mais la finesse de la bulle le rend équilibré.

La bouche est marquée par des notes herbacées, et par une énorme minéralité Chablisienne. Beaucoup trop jeune pour mon goût, mais potentiel immense en perspective. 91+/100

CHEVALIER MONTRACHET "Clos des chevaliers" 1993 Chartron

Il est totalement ouvert et gourmand grâce à ces parfums de frangipane, de noisettes torréfiées, de caramel au lait et d'herbes potagères. La bouche est d'une fraîcheur réjouissante dominée par des touches de pamplemousse, de fougère, et de truffe qui pianotent sur la langue une mélodie nerveuse et gaie. La finale saline et tranchante comme un rasoir me rappelle certains crus de Moselle. Quelle surprise ! 93+/100

CHASSAGNE MONTRACHET "Ruchottes" 1978 Ramonet

Le nez est une bombe atomique dans le territoire des 99/100. La truffe blanche, le croûton, la clairière humide, la pêche de vigne d'un grand Sauvignon Ligérien, et le beurre jaillissent du verre. L'attaque en bouche truffée et automnale devient totalement tranchante et jeune en deuxième partie. Le citron vert, le citron confit, et l'écorce d'orange picotent les papilles presque 30 secondes. A noter que mon papa est moins transporté que d'autres, et aurait aimé un peu plus de coffre. C'est sûr que ce vin est ciselé, plutôt que massif. 96/100

PULIGNY MONTRACHET "Clos de la mouchère" 1966 H.Boillot

Le nez très agréable d'amande amère et d'agrumes caramélisés rappelle un liquoreux. L'attaque en bouche reprend le thème du nez, en y ajoutant une note de rhum et de sucre résiduel plutôt étonnante. La finale acide-amère n'est pas vraiment plaisante. Il faut le boire d'urgence... 84/100

CHÂTEAU DE FIEUZAL 1978 Blanc

Le nez ressemble au précédent , avec un peu plus de réglisse. La bouche est plus complexe, mais avec cette même note qui m'évoque l'urgence. Pour mon goût, deux vins qui ont déjà allégrement dépassé le pic de maturité. 84/100

CHÂTEAU TALBOT 1961

On ouvre ce vin avec l'idée qu'il s'agit d'un 1953. En effet, il ne reste que la contre-étiquette qui indique le centenaire 1853-1953. Mais le bouchon fait office de juge de paix : Il indique clairement 1961. Le nez de cuir, de civet et de sous-bois, est aussi marqué par une note acide inquiétante. L'attaque en bouche est faite de fruits rouges, mais immédiatement il tombe et devient une sorte d'eau minérale parfumée. Le niveau était mi-épaule, ceci expliquant peut être cela.  78/100

CHÂTEAU GRAND LA LAGUNE 1955

Je ne sais pas si c'est le La Lagune qu'on connaît tous, ou un autre cru. En tout cas c'est une mise château, avec un très beau bouchon ; Il y a donc de fortes chances que cela soit bien La Lagune, car il fallait de l'argent pour sortir tout ça à l'époque.

Le nez précis, s'ouvre sur la truffe, les groseilles, le bonbon batna, et le chêne vanillé. La bouche est beaucoup moins à son avantage que le nez, car à nouveau, l'urgence de le boire s'impose. La framboise, et le sous-bois sauve l'attaque, mais la finale acidulée nous laisse sur notre faim. Bon pour 30 euros, rien à redire par contre... 83/100

CHÂTEAU GAZIN 1967

Ca fait des années que je ne me suis pas fait avoir comme un bleu à ce point. Toutes les bouteilles que j'achète sont vérifiées sous toutes les coutures, et habituellement la moindre supercherie ne me trompe pas plus de 3 minutes. Allez savoir pourquoi, celui-ci je ne l'ai pas vérifié, jusqu'à la semaine dernière, soit plus de trois mois après son achat.

Comme d'habitude, j'aime flâner dans ma cave, et bichonner mes bouteilles. Ce matin là donc, je prend ce Gazin 1937 en main, niveau bas goulot. Et là je me dis," mais ce verre et ce type de bouteille ne peut pas être d'avant guerre !!!!". Paniqué, je découpe la capsule et lis, résigné à l'avance, "Gazin 1967". Forcément...

Bon je me rassure en me disant que cela aurait pu être pire ! C'est bien un château Gazin et 1967 est une très bonne année en rive droite.

Le nez délicat délivre presque à regret des notes de caramel mou, de mûre et de bois humide. La bouche est une dentelle, un peu caricaturale pour mon goût. J'aurais aimé un peu plus de punch et d'âme, mais ce côté Pinot gouleyant est idéal pour une petite fête en amoureux... 85/100

CHÂTEAU PONTET CANET 1955

Mise Cruse. Bon en même temps les Cruse étaient propriétaires du Château... Niveau bas goulot.

Le nez de bruyère, d'herbes grillées, de vieux cuir, de cacao amer et de caramel brun, me rappelle un vin des années de 1ère guerre mondiale sur le déclin. La bouche confirme ce fait : Au delà des arômes de petits fruits rouges et d'épices, je ressens le goût amer de la faucheuse. Lolive n'a pas l'air de cet avis. Je suis peut être passé à côté. Très décevant. 84/100

CHÂTEAU SOUTARD 1950

Il faut bien gagner de temps en temps ! L'étiquette indique 1970, mais on a gribouillé par dessus 1950. Le bouchon confirme la bonne nouvelle : C'est bien un Soutard mise château de 1950, l'année légendaire pour la rive droite. La couleur est rouge sang, sans la moindre trace de rouille dans le disque.

Le nez plein, très fin, offre une belle palette allant de la groseille à la ronce et au tabac, en passant par la mûre. Tout est doux et crémeux.

La bouche est donc complètement déroutante, car l'attaque stricte et tendue rappelle plutôt un 1986. D'ailleurs Lolive part bille en tête dans cette décennie ! Imaginez un peu cette jeunesse...

Le seule indice qui peut éventuellement guider l'amateur, est peut être ce style de vinification antique, totalement hors du temps et des modes. Des parfums de griottes, d'épices, et d'herbes sèches se côtoient, sans jamais trouver de complicité, tandis que la finale sanguine et métallisée ne parvient pas à nous charmer complètement.

Soutard confirme sa capacité de garde légendaire, mais je crois que ce type de vin ne réussira jamais à s'harmoniser, et restera définitivement  adolescent, plein d'énergie et d'audace, certes, mais gauche et boutonneux aussi. Ne boudons quand même notre plaisir, car ce Bordeaux est grand. 92+/100

CHÂTEAU VIEUX CHÂTEAU CERTAN 1971

Je l'ai dit et redit, 1971 s'annonce comme l'égal de 1947 et 1950 pour la rive droite. Encore une fois, la qualité de ce vin confirme cette affirmation et enfonce le clou, même !

Le nez jaillit du verre : On en prend plein les narines. Même en le sachant, j'ai encore envie de partir sur du Pinot. C'est incroyable, un véritable clone de Roumier et autre DRC, surtout les dix première minutes. La framboise, la mûre, la rose, la fumée et le caramel forment donc une palette qui pourrait tromper n'importe quel amateur chevronné... Après une longue aération il devient Bordeaux, enfin ! Le gibier et les herbes sèches prennent en effet la relève.

L'attaque en bouche est quasi moelleuse, à force d'être mure. Le parallèle entre les 71 de la Gironde et de la Bourgogne est d'ailleurs étonnant. Un concentré de fruits, de tabac et de crème envahit le palais pour notre plus grand plaisir. La finale saline amène la finesse souhaitée. Quel grand vin ! Parker avec son 74/100 a dû vouloir faire une blague... Quoique, à priori, il est passé complètement à côté de ce millésime mythique. Ouf !  97/100

CÔTE RÔTIE "Les jumelles" 1967 Jaboulet

Le nez de fumée, de jambon braisé, de lys et de groseille est un cas d'école. La bouche s'étale sur le charbon et les petits fruits rouges. On peut lui reprocher son manque de puissance, mais il compense largement cette faiblesse par son élégance. Impeccable, comme toujours ! 92/100

CLOS VOUGEOT 1959 Charles Noellat

Le nez un peu discret au départ, finit par s'ouvrir au bout d'une vingtaine de minutes. La magie habituelle de Noellat officie : Fraise, ronce, réglisse, épices et olive noire imprègnent nos narines durablement. La bouche hyper mure rassemble un beau bouquet de goûts différents allant de la myrtille, à la mûre en passant par la rose et la roche. On croque du fruit, et seul le léger déséquilibre alcoolique de l'année lui fait manquer l'excellence. 96/100

CHÂTEAU CARBONNIEUX 1949

Le nez jeune, précis et impeccable évoque le poivron, le charbon, la cendre, la griotte et le chêne neuf. La bouche possède encore un tanin incroyable et mieux préservé que le magnum de Haut Brion 1949 bu l'an dernier ...

La tabac, la mûre, le cassis, et le bois sec constituent un bel archétype de Graves, à qui il ne manque qu'un poil de classe et de longueur. Un vrai bonheur ! 94/100

CHÂTEAU DE MONBAZILLAC 1928

J'avais hâte d'ouvrir cette formidable rareté. On trouve encore des Monbazillac de cette année, mais pour trouver le mythique Château dans les années 20, il faut chercher, croyez moi !

Le nez violent de morille, de verveine, de havane et de quinquina se tient bien. La bouche offre encore un gros volume avec un beau sucre résiduel, porté par l'abricot, le citron et le caramel au lait. A la hauteur de mes attentes ! 93/100