Mouton Rotschild 1898, Latour 1918...Enfin la rencontre !

Cela fait des années que je rêve de rencontrer François Audouze. Cette fois ça y est , le rendez vous est fixé. Je ne suis pas certain de posséder des vins du calibre de ceux qui seront ouverts ce jour là, aussi , je laisse François choisir parmi uns liste que je lui propose... Si dans le pire des cas mes vins ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, je lui demande de ne pas hésiter à m'en faire part. Les choses doivent être claires du départ pour éviter tout malentendu. Je pars le vendredi tôt afin d'être vers 10h30 chez "Laurent" restaurant 1 macaron Michelin, non loin des Champs Elysées. Je peux ainsi ouvrir mon vin quelques heures en avance pour qu'il s'aère tranquillement.

 François a choisi Latour 1918 dans ma liste. Le niveau est mi épaule+. C'est un Top 100 Bettane. A l'ouverture, le goulot a l'air d'offrir un nez prometteur. Je préfère ne pas goûter. Je suis très stressé, et à ce stade, cela ne changera rien.

 Après une petite balade chez Laduré, je reviens pour l'heure dite. Nous faisons connaissance, enfin ! Un autre convive est présent, il a débouché au petit matin un Petrus 1936 ! Constatant que celui-ci est faux, il a décidé d'ouvrir à la place un Mouton Rotschild 1898 , pensant que François apporterait un Pichon Baron 1898. En fait François a choisi un Pichon 1904... Je transpire, ces vins valent une fortune et je me sens mal à l'aise, même si je sais au fond de moi que mon Latour est tout aussi prestigieux et rare ... François décide que tous les vins seront goûtés en même temps, c'est à dire dans 4 verres alignés. Je n'ai pas l'habitude d'un tel exercice ; Un par un me convient mieux. Avec le recul , je suis encore plus arrêté sur mon idée. On s'y perd un peu lorsqu'il faut passer d'un vin à l'autre. Ce n'est pas grave, je sais m'adapter !

CHÂTEAU PETRUS 1936

Le bouchon est celui d'un vin jeune et aucun millésime n'est indiqué après le nom de Petrus. Curieux de faire un faux sur un millésime si médiocre !

Immédiatement, je perçois une odeur subtile de liège. Je suis intimidé et pas vraiment certain de mon jugement, je préfère ne rien dire. Quelques minutes plus tard, François fera une remarque au sujet d'une odeur liègeuse. Elle s'accentue de plus en plus. Je suis en colère contre moi de n'avoir rien dit, j'ai peur de passer pour un débutant. Le vin est donc totalement inintéressant et j'avoue ne pas comprendre d'où vient l'idée qu'il s'agirait d'un Petrus 1979. Il est vrai qu'au delà du liège il me semble percevoir une origine noble , et le 1979 était effectivement dur , astringent comme celui-ci  ; Mais beaucoup d'autres crus autre que Petrus pourraient donner une telle sensation. Enfin bon, lorsqu'on a en face de soi un monsieur qui a bu 115 années de Petrus et plus de millésimes de Lafite que Broadbent, on la ramène pas trop !!! François et moi buvons littéralement les paroles de ce collectionneur. Lafite 1848, 1789, Yquem 1811, et tant d'autres ! C'est le palmarès le plus impressionnant que je n'ai jamais rencontré, et pourtant je décortique celui de chaque dégustateur célèbre ou non. NN

CHÂTEAU MOUTON ROTSCHILD 1898

Un vin qui vaut une fortune, même si le millésime n'est pas immense en Bordeaux. Le nez se tient, aristocratique, animal avec du cuir et une touche de cassis. Pour moi, c'est la bouche qui pêche un peu. Il ne reste qu'une ossature acidulée. Je me fais discret, car ça n'est pas évident de savoir quelle position adopter. On ne se connait pas encore. Ce sera le préféré de François et Il est vrai qu'il s'améliore et prend de la densité à l'air ; Quant au grand collectionneur qui l'a apporté, il est dur et ne trouve pas vraiment d'intérêt à ce vin. Il nous explique qu 'un Lafite 1848, explose du verre alors qu'ici on est juste content qu'il soit buvable ; Ca n'est pas suffisant ! Je comprends et je vois ou il veut en venir. Mon avis est plutôt entre les deux ! 88/100

CHÂTEAU PICHON BARON 1904

C'est un peu étrange pour moi, car chaque millésime que nous goûtons est un baptême, hormis celui que j'apporte. J'ai déjà bu un Haut Bailly 1918...

Pour celui-ci, le nez est superbe et original grâce à ses parfums de fleurs, de maquillage et de poudre de riz, puis de bonbons aux fruits. La bouche possède encore un fruité acidulé agréable, mais à nouveau, l'acidité est trop prononcée pour vraiment partir dans les étoiles. Au delà de ça, ce vin est un magnifique témoignage de début de siècle et je dois dire que la conservation impeccable m'impressionne. Il va désormais décliner tout doucement. 91/100

CHÂTEAU LATOUR 1918

Le nez est expressif, mais les arômes ne sont pas très engageants au départ : Viande macérée et champignons un peu trop vieux. Plus il va s'aèrer, et plus il va s'améliorer gommant de plus en  plus ces arômes de déclin. On pourra percevoir ensuite des notes de poivrons et de café. François pense qu'ouvert plus tôt il aurait été meilleur, mais pour ma part, je ne le pense pas, car au bout d'une heure, il s'était stabilisé et n'a plus rien gagné à l'air. La bouche est animale, avec quelques touches de cuirs et de cassis. A mon palais, c'est le moins acide de la série , mais Pichon reste plus complexe et réjouissant. Ce 1918 se tient et je trouve mes compagnons bien trop durs avec lui.  Une légende qui n'en est plus une , mais qui se boit encore avec plaisir. 88/100

KLEIN CONSTANCIA 19e Siécle ( Présumé première moitié)

Le nez est encore très puissant sur la noix et sa peau toute fraîche, puis l'eau de mer et la réglisse. Même si la complexité n'est pas à tomber, je suis heureux, car ce vin sort de l'ordinaire. La bouche est toujours subtilement liquoreuse, toute en finesse, offrant encore des parfums de zan, de peau d'orange et de noix. Cette fois, j'ai l'impression d'être le seul à saisir cette délicatesse qui n'est habituellement pas ma tasse de thé. François parlera quelques semaines plus tard d'un petit défaut. J'avoue que je ne vois pas... C'est sûr qu'il n'est pas immense, loin de là, mais bon, ça oui. 93/100

Nous n'avons malheureusement pas eu de grands vins ce jour là, mais la passion nous a animé tous les trois, et cette rencontre restera dans ma mémoire comme mémorable ! Les témoignages de dégustations et l'expérience de ces 2 personnes hors du commun ont contribué à élargir mes connaissances sur les vins qu'il faut avoir bu dans sa vie. Je n'en attendais pas moins !