Brane Cantenac 1921, Cheval Blanc 1971 + Haut Brion 1966 et Cie chez J.C

Commençons tout d'abord par le compte-rendu d'une très belle dégustation organisée par J.C. Il s'est cassé la tête pour nous ouvrir des vins anciens, et surtout il a fait preuve d'une audace impressionnante en sélectionnant des appellations rares que l'on ne goûte habituellement pas au-delà de 30 ans. Les Vieux flacons sont une loterie, donc classiquement il y a eu des gagnants, mais aussi des vins morts qui n'avaient pas résisté. C'est le jeu !

CHARLES HEIDSIECK Brut ( 50 ans environ )

Le nez est très évolué, mais absolument pas dérangeant. On note de la fourrure, des fruits macérés, et des champignons. En bouche le fruité est presque pourri tant il est mûr, tandis que la finale est mangée par l'acidité du déclin. 83/100

MUMM Cordon Vert ( 50 ans environ )

Un demi-sec que j'adore, et qui vieillit sans jamais prendre de rides. On ne peut oublier le même vin âgé de 80 ans bu avec François et qui était génial !

Celui-ci ne déroge pas à la règle. Le nez de silex, de poudre à canon, de fruits d'été confits, de cidre et d'amande est un régal pour les narines. La bouche offre une liqueur imposante avec un gaz fin, mais bien là. L'abricot, le citron meringué et le caramel tapissent les papilles un long moment. Belle introduction ! 94/100

SANCERRE Années 20

Bouchonné ! Dommage car on sent qu'il aurait pu nous raconter une bien belle histoire... NN

POUILLY FUISSE 1962 Ferret

 Décomposé. Il est mort. Quel dommage ! J'ai bu des Ferret jusqu'aux années 50 avec parfois des notes à plus de 95/100. Bon OK c'était des "Hors Classe Tournant de Pouilly"... NN

HERMITAGE CHANTE ALOUETTE grande Cuvée 169 Chapoutier

De belles senteurs de croûton, de miel et de noix s'échappent du verre. En bouche il possède l'alcool sec d'un digestif, mais les épices fines et le citron doux donnent tout de même un beau cachet au vin. Grande longueur. 93/100

CHÂTEAU TALBOT Caillou Blanc 1994

Le nez très élégant tranche avec le précédent. On note de l'anis, du fenouil, de la cacahuète et de l'écorce d'orange. La bouche est assez puissante, mais le registre étriqué d'agrumes et d'herbes l'empêche de vraiment briller. 90+/100

CHÂTEAU BEAUSEJOUR 1959 Montagne St Emilion

Il est servi frais et c'est heureux, car cela met en valeur le peu de fruité qu'il conserve encore... Malheureusement l'étain et l'aluminium, ainsi que le chêne humide deviennent vite envahissants. Le nez est mieux. 75/100

CHÂTEAU CARONNE SAINTE GEMME 1947 Haut Médoc

Le nez de fourrure, de cuir, de prune et de poivron se tient encore plutôt bien. La bouche se limite à du sous-bois humide, et à des petits fruits rouges, avec une acidité somme toute assez rafraîchissante. 84/100

CHÂTEAU HAUT BRION 1966

Autant le dire, cette année  classique du Bordelais ne m'a jamais tellement convaincu. Je garde en mémoire un superbe Château Lafleur, mais à part ça, même les grands crus classés ne m'ont pas souvent donné de plaisir marquant.

Cette fois-ci Haut Brion brille, démontrant ainsi qu'aucune bouteille ancienne n'est jamais tout à fait la même... Il faudrait pouvoir goûter au moins 3 fois le même vin pour donner un avis valable.

Le nez pur et classe dévoile des parfums d'anis, de gibier, de cèdre, de tabac, et de fleurs. La bouche évoque un vin des années 80. Les herbes grillées, le havane, dominent, puis le cacao et les baies terminent un ballet étourdissant ! 95/100

CHÂTEAU LIOT 1929 Haut Barsac

Le nez de café, de tabac, et de caramel brun est malheureusement pollué par un relent de vieille carne peu agréable. En bouche il n'a plus grand chose à offrir hormis le citron et et le quinquina. Je dois reconnaître que les fraises font office de défibrillateur... 79/100

CHÂTEAU RIEUSSEC 2003

Le palais prend une charge de sucre étouffante après le précédent ! Café Valdotain, caramel, miel et abricot confits sont au programme. Le nez n'est pas en reste grâce à la réglisse, aux agrumes et au thym... Trop jeune ! 92+/100

Libe vient d'être victime d'un cambriolage... Il se faut se remonter le moral au plus vite ! Je veux lui faire plaisir, car il n'a jamais bu de 1921. De son côté il amène Cheval Blanc 1971 ; Incorrigible ce garçon !

CHÂTEAU BRANE CANTENAC 1921

Une belle bouteille mise château, avec un niveau proche du "haute épaule", et un bouchon sain. Dès l'ouverture les parfums jaillissent du flacon. Cela me donne le sourire !

Le nez est à se damner : Une perfection de truffe, de morille, de fumée, d'amande, de sucre candy, et de nuances épicées d'un vin chaud. Il  donne du baume au coeur... L'attaque en bouche est l'exacte réplique du nez avec en plus de belles notes chocolatées et mentholées. Je suis ravi et je confirme que 1921 est bien une année plus charmeuse et même mieux conservée, à mon sens, que 1928. Le même vin parfait de 1928 bu l'an dernier avait tout le caractère strict de l'année, sans le cachet envoutant de 1921 ou 1929. On ne pourra donc reprocher à ce vin que son acidité galopante une fois le quart d'heure passé. La fin de bouteille est divine, tout comme les premières minutes. 93/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1971

On voit bien l'importance de la température de service ici. Cette notion fondamentale est pourtant oubliée par la plupart des amateurs et des professionnels, été comme hiver.

En effet, dans certaines dégustations, ou même dans les restaurants étoilés, je vois la plupart du temps le vin rouge servi à température ambiante, c'est à dire aux alentours de 22 °, voire plus. Et cette température est bien plus préjudiciable au vin que trop de fraîcheur. On imagine pas comme un vin servi frais se réchauffe vite dans le verre, alors que l'inverse est irréversible si on ne possède pas d'eau fraîche à proximité. Testé et approuvé de nombreuses fois par votre serviteur !

Encore une fois, ce soir là, le cheval est aux environs de 22°, lors de l'ouverture. La plupart des gens ne crierons pas au scandale

(puisque c'est à cette température que le vin est servi 2 fois sur 3) pourtant je peux vous assurer qu'en baissant sa température de 3 ou 4°, nous n'avons plus le même flacon sous le nez ! A méditer donc, thermomètre en main !

Le nez flamboyant semble vouloir détruire le verre : la feuille d'oranger froissé, les fruits noirs juteux, le tabac, le citron frais, la noix de muscade, le civet, le cacao, le cèdre.... Je n'arrive plus à suivre cette folie douce !

En bouche, le vin est d'un exotisme rare qui m'évoque certains vins de garage comme Le Pin. La violette, l'abricot, l'argousier, et le chocolat nous offrent un récital qui peut légitimement nous laisser imaginer qu'il égalera un jour le 1947. Oui vous avez bien lu !

 La finale de mûre, de charbon et de zan dépasse la minute. Je vous rappelle que Parker ne lui attribue que 84/100. Voici donc le tuyau de l'année ! 97+/100

La période estivale va bientôt prendre fin, et les choses sérieuses vont pouvoir reprendre !

C'est bon, c'est une blague. Difficile en effet de faire mieux ...