Côte Brune 1933...Un Côte Rôtie peut-il vraiment se bonifier sur 70 ans ? Mais aussi Malvoisie 1810, Muscat 1877...

Marten est de passage en France, Luc décide donc de mettre sa cave en Open Bar. Les dégustations improvisées sont toujours les plus marquantes. J'ai du mal à m'organiser au dernier moment, mais une invitation chez des amis, qui comme moi, n'ont pas de limites ne se refuse pas , c'est dit ! Il est  21H et après avoir bataillé avec le bouchon quelques minutes, Luc ouvre les hostilités.

TAITTINGER COMTES DE CHAMPAGNE 1964

Le nez offre un bel éventail de senteurs, dont le caramel au lait, l'amande, le bois de luxe, et les agrumes. En bouche je le confonds avec un 1966 à cause de sa finesse, mais rapidement l'aération lui donne du volume. Il devient plus crémeux sur les fruits secs et les épices avec une finale superbe d'écorce d'orange. On aurait aimé un cordon plus intense pour être totalement sous le charme. 94/100

MONTRACHET 1996 Ramonet

Le nez est au départ un peu muet malgré l'heure de carafe. Puis lentement il se réveille et s'ouvre sur la noisette, le cèdre fumé et la pomme fraîche en nuance.

La bouche est une autre histoire. Une attaque digne d'un liquoreux sec et surtout une finale éléphantesque qui me fait presque grimacer, de citron confit, de citron vert glacé et de bois fumé. Il semble même crépiter sur la langue comme les bonbons de notre enfance. Je lance immédiatement 1996 à l'aveugle et bien que le nez soit différent je me hasarde sur Coche Dury... Je n'imaginais pas un Ramonet d'une telle fraicheur. Pas la moindre trace de lourdeur et d'oxydation que l'on trouve souvent sur ses Chassagne des années 90. Un futur géant et la confirmation d'être en présence du plus grand millésime du 20ème siècle. 96+/100

CHÂTEAU FIGEAC présumé 1904 - 1906

Le niveau est limite de la vidange, et pourtant...

Il offre la même couleur brique dépigmentée que le Lafite 1907 qui suivra. La provenance est la même que ce dernier . C'était un lot allant de 1904 aux années 20. D'après la couleur, la puissance et la sensation assez typique des années avant 1910, on peut raisonnablement penser qu'il se situe sur une grande année, certainement 1904 ou peut-être 1905 ou 1906. Au départ le nez est préservé, mais un peu trop humus. C'est alors que 5 minutes plus tard il explose. Je n'avais jamais assisté à une telle résurrection. La truffe, le cuir ancien, les légumes grillés, et le gibier saignant. C'est vraiment l'éclate ! En bouche pas la moindre trace d'acidité avec un côté classe qui m'évoque un grand Pauillac. Réponse négative. Je rectifie alors rapidement en disant que seul le cabernet franc a pu donné ce cachet. Et je penche pour le moins célèbre des deux : Figeac. Bingo ! Par contre pour le millésime je suis plus évasif... On perçoit tour à tour la griotte, la réglisse, le cuir et la fumée. La douceur exquise me rappelle un Pinot. La finale est une ode à sa terre d'origine : Une touche fraîche de menthe-eucalyptus inoubliable. 97/100

CHÂTEAU LAFITE ROTSCHILD 1907

On peut clairement lire l'année sur le bouchon d'origine. Le nez m'impressionne et reste très précis, malgré l'âge et la qualité médiocre du millésime. On retrouve le jus de viande, le cèdre, le graphite, et l' épicéa nuancé d'une pointe de café et d'odeur pharmaceutique. La bouche, une fois encore, sans la trace acide des vins très anciens, n'est pas en reste grâce aux arômes usés de truffe, de cèdre et de cassis. Un beau témoignage qui mérite à coup sûr d'être bu sans se forcer. 92/100

NUITS CAILLES 1948 Morin

Le nez ne peut cacher longtemps la chaptalisation excessive de ce vin. Une touche de rose et d'herbes humides le rend tout de même agréable. En bouche la conservation est impeccable, mais le côté sucraïon domine trop l'ensemble. C'est bien le genre de pinot ancien qui ne m'intéresse pas du tout. 81/100

NUITS CAILLES 1947 Morin

Le nez un peu laiteux, lourd ne m'amuse pas longtemps. En bouche on est à nouveau sur un vin de conservation parfaite. Il faut dire que le niveau n' a pas bougé... Par contre la vinification est ratée. Le maître de chai n'a pas su contrôler ce millésime infernal ! L'alcool est brûlant et les fruits noirs sucrés, ainsi que le boisé de luxe ne suffisent pas à rattraper ce vin hors de prix. Au secours ! Après 1962, 1945, 1948 et 1947 je désespère de boire un grand Nuits Cailles. J' en déduis que le producteur a été bon à un moment, étant donné la qualité démentielle du Richebourg 1923, mais il me semble que seules les années avant guerre sont grandes... 83/100

Après de pinots catastrophiques, direction le Rhône...

CÔTE RÔTIE CÔTE BRUNE 1933 Joseph Champinot Propiétaire

Le nez est une bombe qui éclate du verre. Quelle précision et quelle race ! Le lard fumé, la résine de pin, la truffe et le pollen sucré des fleurs printanières. L'attaque en bouche me fait grimper au rideau. Une crème truffée, chocolatée, avec une évolution sur le bois de noyer, la burlat et la prune épicée. La classe du terroir est là, mais je n'aurais jamais imaginé qu'un côte rôtie puisse se bonifié 70 ans. Il me semble que ce vin bu 10 ans plus tôt aurait été moins accompli que ce jour. Comme un Cheval Blanc 1947 ou une Mouline 1969, ce monument méritait d'être bu après ses 40 ans ! C'est tellement grisant de constater que même après 15 années de dégustation de vins anciens, on a encore tant à apprendre ! Et pour ceux qui se posent la question, je ne vois pas comment la plupart des Côtes Rôties actuels, pourtant délicieux, pourront vieillir autant ... Je suis curieux de savoir qui a racheté ce domaine disparu depuis... 99/100

HERMITAGE 1929 Chapoutier

Quelle rareté ! Le nez très expressif est également fortement marqué d'acidité volatile: La prune, le pain grillé et la rose régalent 5 ou 6 minutes nos narines...Ensuite, il devient moins intéressant. La bouche ressemble à un Pinot grâce à ses parfums de tabac et de framboise. Il ne tient pas très longtemps, car l'acidité monte vite, mais l'espace de quelques minutes, c'est un sacré beau moment. Par contre je pense que les "Pavillons " actuels peuvent espérer se défendre aussi longtemps... 92/100

CHÂTEAUNEUF DU PAPE 1921

C'est la première fois que je remonte aussi loin sur ce terroir. Luc en avait déjà bu une bouteille et l'avait trouvé monumentale. Cette fois il sera juste bon.

La conservation est épatante, car l'acidité est absente contrairement au précédent. On perçoit la cacahuète, les fruits noirs macérés, ainsi qu'une touche florale. La bouche est fortement marquée par son terroir grâce à l'olive noire, aux épices et au kirsch. Il manque juste la magie ! Bu pour ses 30 ans, ce vin aurait eu les même qualités. Le long vieillissement ne lui aura rien apporté de plus. Ca ne marche pas à chaque fois, quand même !  90/100

MALVOISIE 1810

Napoléon n'est pas encore parti en Russie ! Je ne pensais pas boire un jour un vin de 200 ans encore en vie ! Celui ci n'est bien sûr pas bu à l'aveugle... Le bouchon était un peu fuyant, mais la vie s'accroche, bien que le plaisir gustatif n'y soit plus. Au nez on est sur un cendrier froid avec des nuances de vielles caves et de caramel brûlé. La bouche est typée liquoreuse avec une acidité de vin défectueux. On peut encore le boire, mais c'est plus pour se dire " J'y étais ! ". Quand on pense à ceux qui l'ont produit et au concentré d'histoire qu'il représente, on ne peut que sourire et être heureux ! La bouteille en verre soufflée est un pur monument.  NN

MUSCAT DE SAMOS 1877

Encore un 19 ème siècle ? Si tu insistes Luc, alors c'est OK !!!!

Le nez ressemble à une pression à froid de noix, puis viennent les odeurs de figue et de noisettes grillées. La bouche offre une attaque sucrée salée, puissante qui ressemble à un grand vinaigre balsamique de Modène. Pour ceux qui n'ont jamais goûté, c'est assez différent d'un balsamique de grande distribution. Le vrai vinaigre de Modène est plutôt agréable à goûter sans accompagnement, car il a une douceur caramélisée - fruits secs très agréable, sans acidité agressive aucune.

Bien sûr pour apprécier ce vin il faut ouvrir un peu son esprit, mais le jeu en vaut la chandelle. 89/100

Cela ne m'arrive pas souvent, mais je me rend compte que j'ai sous estimé ce vin,... Regoûté le lendemain il offrait encore les même qualités, sans défauts !!! Il mérite donc 92/100

Des bulles avant un dessert, cela vaut tous les "trous normands" du monde non ? ça remet en jambe ! Marten m'aide à convaincre Luc qu'un Champagne trop jeune serait un peu le cheveu sur la soupe de cette dégustation. Nous sommes entendus...

CRISTAL ROEDERER 1979

Le nez distingué, est d'une grande finesse. On perçoit le pain grillé, l'abricot frais de la Drôme, puis le chocolat et l'anis. La bouche est épaisse et exotique à souhait. Je suis un peu plus dur que le reste de la table, simplement parce que je le trouve encore trop jeune ! A part ça, c'est un vin somptueux qui va défier les années.  94+/100

VIN DE PAILLE 1986 Chave

Une superbe rareté pour le dessert ! Luc tu n'es pas raisonnable ! Il faut dire qu'on ne t'aide pas vraiment à l'être ! Le nez complexe rappelle la truffe, les agrumes nappés d'amande, le miel, ainsi que la noix d'un vin jaune. En bouche la sucrosité est tellement délicate qu'on a l'impression de boire un vin sec. Il ressemble à certains Condrieu. La gamme aromatique est restreinte, et tout comme le 1990, ce vin est une déception. Le prix stratosphérique ne se justifie pas ; 2 années décevantes ne sont plus un hasard. Méfiance donc. Seul le 1989 a trouvé grâce à mes yeux. D'après mon frère en qui j'ai toute confiance, le 1986 était bien liquoreux quelques années auparavant ; Il se peut donc que le vin devienne sec plus tôt que prévu...  92/100

Encore un très grand moment que je n'oublierai pas de sitôt. La revanche est en préparation !