Cheval Blanc 1948, Cheval Blanc 1949, Mission Haut Brion 1961... La quintessence de Bordeaux.

Direction la Suisse dans un superbe complexe hôtelier, près de Montreux. Nos amis ont orchestré une dégustation magistrale avec des Bordeaux légendaires. Tous les vins sont servis en magnum, et viennent d'un lieu mythique et hautement symbolique : La Tour d' Argent. La conservation des flacons est idéale, forcément !

CHÂTEAU AUSONE 1959

C'est un vin qui m'avait marqué l'an dernier. Cette fois encore, il ne déroge pas à la règle. Il offre un nez de folie, d'une race incroyable, mêlant des parfums entêtants de goudron, de cuir, et de Chartreuse, à des notes plus subtiles de cèdre, d'épicéa, de coco, de violette et de framboises. La bouche est d'une précision redoutable, et d'une fraîcheur irréelle dans ce millésime, pourtant si chaud. L'attaque nous gratifie d'une sublime déclinaison de menthe, de réglisse et d'anis. Le tanin est épais, mais la minéralité du terroir de côte ressort, et donne ainsi l'équilibre souhaité. Un des tous premier de 1959. 99/100

CHÂTEAU AUSONE 1955

Je le répète souvent, ce millésime est à mon sens, supérieur à 1959 ; Tout au moins actuellement... Une fois n'est pas coutume, cet Ausone est loin derrière son cadet. Le nez plus grossier, est aussi bien plus animal. On perçoit des arômes de café, de bois vert, et de lard typique d'une Syrah. Curieusement la bouche est plus chaude, et plus alcooleuse, donc plus molle aussi. On retrouve tout de même la folie épicée du cru, et sa belle minéralité. C'est un très beau vin, qui souffre juste de la comparaison avec le précédent. 94/100

CHÂTEAU AUSONE 1953

Cette fois le nez est bien dans l'esprit du 1959, mais son côté un peu doucereux, ne lui permet pas d'être aussi complexe. On reconnaît le caramel au lait, l'eucalyptus, l'humus et la groseille. La bouche est soyeuse avec une salinité incroyable, qui me fait penser à l'esprit des pré-phylloxériques. Une caresse de mûre, de framboise, d'herbes humides, et toujours cette minéralité parfaite. 96/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1964

C'est la deuxième fois, que je goûte celui-ci. La première était bouchonnée, et j'attendais donc ce moment depuis plusieurs années. Il lui faut absolument au moins une heure de carafe, pour délivrer toute sa superbe complexité. Des arômes puissants de fruits rouges confiturés, de mûres, de myrtilles, de pralin, et d'herbes sèches signent un futur géant. La bouche est puissante, onctueuse, avec un grillé sensationnel, et une finale caramélisée qui nous ramène en enfance. Il est encore bien trop jeune, et je lui préfère pour le moment le bien moins célèbre 1971... 96+/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1953

Le nez fin, pas vraiment expressif, rappelle la noix de coco, la cendre, et le pruneau. Il me fait l'effet d'un Bourgeois dans un habit étriqué... En revanche, la bouche est d'une élégance rare, très caractéristique du millésime. La salinité ressemble étrangement à celle d'Ausone. Le fruit rouge est plus piquant, tandis que le la noblesse du Lys, et de l'anis étoilée donne un cachet inoubliable à la finale. A revoir, car si le nez s'ouvre il peut prétendre à 2 points de plus. 95/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1949

Encore un magnum dans un état de conservation incroyable ! Cette fois le nez explose comme un feu d'artifice. On sent le jus de la récolte ; On a littéralement le nez au dessus de la cuve. Une sorte de Mouton 1959, mais plus gourmand : Lys, framboise, burlat et mûre sont au programme. L'attaque en bouche de rose est grandiose, et se poursuit sur la fraise des bois du Louis XV, et la liqueur de framboise. Il est totalement gorgé de soleil, et techniquement parfait. Mais on le verra plus loin, il ne peut suivre la totale folie de son ainé ! 99/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1948

Le nez est une gifle, un uppercut de fraîcheur. L'épicéa, l'eucalyptus, le café vert, et le menthol nous débouchent les narines, puis le cacao de Laduré, le chocolat noir brut, le cuir, et les fruits noirs prennent la relève. En bouche, nous sommes face à un fauve en cage. Ce cheval est totalement indompté, un vrai Mustang. La Chartreuse, la paille, l'after eight, et la mûre envahissent le palais et ne le lâche plus. Une minute plus tard, on est toujours prisonnier de cet enragé ! Autant le 1949 est un exemple parfait de maîtrise technique, autant celui-ci semble incompréhensible pour le mental humain. Le fiat lux ? 100/100

CHÂTEAU HAUT BRION 1949

C'est ma première expérience avec celui-ci. Encore une fois, la main de l'homme semble avoir dosé à la perfection les arômes. Le poivre gris, la cendre, le saucisson Lyonnais, la truffe, le cuir et le mousseron tourbillonnent sous nos narines. Quelle perfection. En bouche, il marque plus son âge. Il est gourmant, mais une acidité subtile semble chuchoter dans notre oreille : "C'est mon heure, ne tarde pas !". La finale est plus stricte, et n'a pas le soyeux de l'attaque. 95/100

CHÂTEAU HAUT BRION 1961

J'ai la chance de boire ce mythe pour la 5e fois. Trois furent parfaites, et deux autres bien plus faibles. Celle-ci est dans le lot des décevantes. Immédiatement, on sait que le vin n'est pas parfait. On sent le vieux cuir, le bouillon et le métal rouillé. Par contre la bouche est nettement meilleure. La densité est impressionnante, mais le côté toujours vieillot accompagne les parfums de fruits noirs et de fumée. 89/100 (Les meillleurs exemples sont à 99 ou 100/100)

CHÂTEAU LA MISSION HAUT BRION 1961

C'est la première fois que je goûe celui-ci. Après bien des péripéties, nous réussissons, grâce à Libe, à contourner la bouteille bouchonnée. L'autre est parfaite. Ce vin est d'une jeunesse à couper le souffle. Pour illustrer mon propos, il fait nettement plus fringant encore que le magique 1982. Laissons lui donc vingt ans de plus pour se bonifier !

Le nez est un concentré de cappuccino, de cacao, de feuille de caféier, de tabac blond, de tourbe, et de mûre. La bouche offre une liqueur d'une densité phénoménale, alliant des parfums entêtants de pruneau, de menthe, et de chocolat noir, à ceux plus nuancés de groseilles piquantes, de fumée, et de baies. Un monstre ! 98+/100

CHARTREUSE JAUNE "voiron" 1951

Après le flacon magistral de François la semaine dernière, nous continuons l'exploration de cet univers fascinant grâce à la générosité de Sébastien...

Cet exemple-ci délivre un nez somptueux de curry, d'anis, de fleurs, et de thym. La bouche sirupeuse à souhait, offre moins de complexité et de précision que la  Tarragone 1910. Cela reste néanmoins, une liqueur brillante, que l'on boît dans un silence religieux. La finale poivrée est inoubliable. Dommage que le prix soit devenu un grand n'importe quoi... 96/100

Merci à Sébastien et Dominique pour ce moment hors du temps ! Cette dégustation restera dans ma mémoire comme l'une des plus mémorable de ma vie. Quelle chance nous avons, bon sang ...