Petrus 1961, Roederer 1928, Richebourg 1923, Réserve des Célestins 1970... Est-ce le week-end d'une vie ?

C'est une dégustation que j'ai mis de longs mois à mettre au point. Comme vous avez pu le voir dans le premier semestre 2008, la première grande dégustation de l'année avait été une ballade dans le siècle. Pour celle-ci, je voulais la perfection ! Je ne souhaitais que des vins anciens, sûrs et, si possible, des bouteilles qui m'avaient déjà donné de grandes émotions sur de bons millésimes et dont j'attendais ici une illumination sur les millésimes les plus rares et les plus encensés.

J'avais lancé une invitation à François Audouze car j'avais hâte de le rencontrer et de lui faire découvrir certains vins qu'il n'avait peut-être jamais bu. Il n'a malheureusement pas pu venir, mais je suis persuadé que ce n'est que partie remise...

Je ne le savais pas mais Marten, mon ami suédois, grand copain de Richard Juhlin, avait prévu de me faire l'incroyable surprise de le convier à notre table. Un empêchement de dernière minute l'aura retenu dans son pays, mais nous avons eu la consolation de recevoir son dernier livre dédicacé. Quand j'y repense, avoir le Pape du Champagne à sa table, vous imaginez la pression ?

Les deux premiers champagnes sont ouverts avec précaution et Luc est là pour m'assister. C'est une immense surprise, le Moët & Chandon est encore sous gaz. Vite !

MOET & CHANDON Fin 19ème siècle

Le nez est encore puissant sur l'orange confite, le zeste et le caramel. C'est la première fois que je goûte un ovni pareil. La bouche est typée demi-liquoreuse avec un cordon très fin mais qui équilibre à merveille ce vin d'un autre monde. Là encore, on retrouve l'orange saturée de caramel. 93/100

LOUIS ROEDERER 1928 Magnum

Le millésime du siècle dans un format presque introuvable de nos jours. Ce flacon provient de la même cave que le précédent. Je n'ai aucun doute sur sa grandeur. Cela va enfin être mon premier 1928 sous gaz. Mais ce ne sera que l'une des pires déceptions de l'année ! Il est encore parfaitement buvable dans la droite lignée du Pol Rger 1928, mais le gaz est totalement absent. Tranchant sur le citron vert et les coquillages avec une énorme trame minérale. On imagine ce qu'il a du être au top de sa forme. 87/100

Lorsque j'ai ouvert tous mes rouges au petit matin, j'ai cru entrevoir que mon rêve serait peut-être réalisé. Hormis un point d'interrogation sur le vin de Leroy, tous les vins semblaient parfaits. Il n'y avait aucun doute, "j'avais la main". Or, c'est mon ami Luc qui avait amené ce Roederer et j'ai donc décidé sur un coup de tête, d'ajouter au dernier moment un autre champagne de 1928. Comme je m'y attendais, la chance était bien de mon côté.

JOSEPH PERRIER "La Royale" 1928

Le nez est encore magnifique sur le beurre fondu, les fruits d'été poêlés, la frangipane et le chêne ancien nuancé d'iode et de pétrole. La bouche est encore sous gaz. Enfin, mon premier 1928 parfaitement préservé ! On perçoit des arômes ahurissants de griotte, de cerise noire, d'agrumes et d'hydrocarbures. Il est aérien et encore d'une étonnante vivacité. Le cordon ne vit qu'une dizaine de minutes mais c'est largement suffisant pour boire le verre. 96/100

Mon papa réclame "plus de bulles" ! Je comprends à demi-mots qu'il souhaite un champagne plus jeune avec un cordon vif. Cette fois encore, ce vin n'était pas prévu au programme.

PHILIPPONNAT "CLOS DES GOISSES" 1975

Ce champagne figure dans le Top du siècle de Michel Dovaz. Il est encore d'une incroyable jeunesse comme beaucoup de 1975. Les critiques ont tendance à comparer 1928 et 1996 mais je crois que 1975 est également dans ce style. Le pendant est donc intéressant. Il offre un nez superbe de fumée, de lard, de fraise et de café. La bouche nerveuse est plutôt dans le registre de la bergamote, du jus de citron et des herbes humides. Il est encore trop jeune. 94+/100

HERMITAGE "CHANTE ALOUETTE" 1945 Chapoutier

Le vin est préservé mais il n'atteint pas la perfection du 1955. Il offre un nez de cire, de figue et de miel qui manque un peu d'envolée. La bouche très sèche, un peu monolithique, est plutôt axée sur l'hydromel et les agrumes confits. 92/100

BATARD-MONTRACHET 1976 Ramonet

Les senteurs sont d'une incroyable précision sur le pain grillé, le caramel au lait, la truffe et la pomme au four. La bouche est d'un équilibre remarquable et s'étale comme un éventail sur la langue. On perçoit des arômes de paille, de citron alcoolisé, d'écorce d'orange et de petits minéraux. Quelle fraîcheur !  Ramonet a réussi à prendre uniquement le meilleur de ce millésime irrégulier. 98/100

Nous commençons à présent le festival des rouges.

DOMAINE DE CHEVALIER 1947

La bouteille est haute épaule. Le nez, ouvert et élégant, nous promet un vin en pleine forme. On note de la cendre, de la fourrure, des champignons et même une touche truffée. La bouche est malheureusement stricte avec l'acidité subtile d'un vin qui vient de commencer lentement son déclin. C'est donc une bonne introduction à ce qui va suivre. 89/100

RICHEBOURG 1923 Morin

J'ai décidé de mettre l'un des clous du spectacle dès le départ pour redonner du rythme à la dégustation. J'aime voir tout le monde s'exciter autour de la table. Le nez est la perfection de ce bas monde : Explosif sur l'essence de rose, la truffe, la ronce et le jus de cassis frais. L'incroyable jeunesse s'est mariée à la maturité de la vieillesse. La bouche est une petite liqueur de fraise des bois, d'épices d'orient où l'on perçoit aussi des arômes entêtants de fleurs fanées. Comme le dit si bien Marten, c'est l'une des plus belles confitures qu'il ait jamais bu. Un des monuments de mon palmarès bourguignon. 100/100

CHÂTEAU PAVIE 1929

Le nez, à point, s'ouvre sur le sanglier en sauce, le cuir puis la mûre et le cèdre. La bouche, parfaitement conservée, est toute de cassis, de brindilles du même fruit avec une touche de fer et de chêne. Il lui manque juste la puissance de son frère le 1928. 93/100

CHÂTEAU MARGAUX 1928

La bouteille est parfaite. Bas goulot. Lorsque j'avais ouvert ce vin plusieurs heures à l'avance, j'avoue que les battements de mon cœur s'étaient accélérés car la complexité et le corps du vin n'étaient pas au rendez-vous. Mais comme c'est souvent le cas avec Margaux (1959), il faut laisser le temps faire son œuvre. Tout le monde a l'air emballé par le nez subtil et tout en dentelle : Le charbon, le civet, le tilleul avec une pointe de céréales et de baies. En revanche, l'assemblée est plutôt divisée sur la bouche. Libe, Lolive et moi-même sommes assez circonspects. Certes, il n'y a aucune acidité et la conservation est parfaite, mais le corps et la longueur sont aux abonnés absents. Pour d'autres, c'est une œuvre tout en finesse, très intellectuelle. J'aurais pu éventuellement comprendre leur raisonnement, mais c'est oublié trop vite que j'ai déjà bu de nombreux millésimes sur ce cru y compris le petit frère de 1929, bien plus accompli. Sans vouloir être prétentieux, je suis donc certain de mon jugement. 92/100

CHÂTEAUNEUF CLOS DE L'ORATOIRE DES PAPES 1949

Depuis que Libe m'a fait goûter le monumental 1952, j'ai fait des pieds et des mains pour me procurer un flacon des années 40. La bouteille est comme neuve avec un bouchon qui n'est pas totalement imbibé. Incroyable ! En me penchant au-dessus de mon verre, j'ai l'impression d'être au-dessus d'un confiturier : La mûre, le cassis semblent inviter pour une danse, l'olive noire et le laurier. Somptueux ! La bouche est colossale mais s'oppose au 1952 qui était très bordelais. Cette fois, on nage dans le grenache. C'est une véritable essence de fruits noirs macérés et de framboise épicée. Je garde malgré tout un petit faible pour le 1952. 97/100

CHAMBERTIN 1955 Leroy

Madame Lalou Bize Leroy considère ce flacon comme la perfection même. C'est le plus grand que le domaine n'est jamais réalisé. Le niveau est à 3,5 cm mais la couleur pelure d'oignon ne m'inspire pas confiance. Il est encore buvable mais n'offre vraiment aucun intérêt.La perfection ne sera pas pour cette fois.Je suis désespéré, car je ne suis pas certain de pouvoir remettre un jour la main sur ce mythe... NN

CHAMBERTIN 1947 Vandermeulen

J'avais choisi ce vin pour remplacer le 1955. Preuve de mon incertitude quant à ce dernier, mon 1947 était déjà ouvert depuis plusieurs heures. Le nez est encore très pur avec des parfums de griotte, de myrtille, de lys et de fourrure. Quelle fraîcheur ! La bouche, très équilibrée reprend en fanfare tous les arômes perçus au nez en y ajoutant la liqueur. Wineterminator avait donné à ce vin la note de 99/100 tandis que Monsieur Meadows ne lui attribue que 88/100. Je me positionne donc plutôt au milieu car je le considère comme une très agréable surprise. 95/100

CHATEAU FIGEAC 1955

Bouteille parfaite avec un niveau bas goulot. Le nez d'une rondeur sublime s'envole sur la cerise, la framboise, la cendre et l'anis. J'adore ! La bouche, comme toujours avec Figeac, est un subtil mélange de Rive Droite et de Rive Gauche. On perçoit le cèdre, le zan, le menthol puis la brindille de cassis et la mûre crémeuse. C'est un vin d'une droiture à couper le souffle. Supérieur au 1964. 97/100

CHATEAU PRADEAUX 1966

Libe a tenu absolument à apporter cette incroyable rareté. A l'époque, lorsque les propriétaires ont découvert un lot de demi-bouteilles murées dans le château, tout le monde s'est emballé sur ce 1966. J'imaginais sans peine ce que pouvait être ce vin sur un format bouteille. Après une longue aération, le mourvèrdre, macho latin, délivre ses classiques notes de tabac, de fourrure, de sang et de mûre. La bouche n'est pas usée et s'offre sur le bœuf en sauce, le noyau de cerise et le kirsch avec une touche poussièreuse tout de même. Il souffre un peu derrière le Figeac, car bien que bon, il lui manque le corps, la puissance et la longueur... Je crois que ce n'est pas le plus grand de ce domaine mais il faudrait pouvoir le regoûter dans un autre contexte. 91/100

CHÂTEAUNEUF RÉSERVE DES CELESTINS 1970 Henri Bonneau

Un vin que je ne pensais pas boire un jour dans ma vie. Je l'ai trouvé par hasard sur un grand site internet ! Honnêtement, certaines personnes sont vraiment folles de vendre de telles raretés. Les vins de Bonneau antérieurs à 1978 devraient être inscrites au Patrimoine Mondial de l'humanité tant il doit en rester peu dans le monde... A nouveau, la table s'agite dans tous les sens, car c'est monumental. Des senteurs de cèdre, d'herbes grillées, de rhum arrangé, de cerise-griotte et de fleurs nous sautent au visage. La bouche d'une incroyable fraîcheur possède une ampleur colossale qui éclate au palais comme une bombe. La cerise noire, la mûre fraîche, le cassis, le chêne ancien ainsi qu'une étonnante minéralité semblent ne jamais vouloir se terminer. Quel monstre ! Je n'imagine pas qu'il puisse un jour s'éteindre.Je réserve mon dernier point pour le moment où il atteindra sa pleine maturité ! 99/100

POMMARD RUGIENS 1947 F. Gaunoux

Cette fois encore le niveau est parfait. C'est un vin quasiment introuvable qui se vend une fortune. Je ne savais pas si j'allais le servir car quelques heures auparavant son odeur de champignon m'avait fortement dérangée. Il m'avait semblé, par contre, que la bouche était encore intéressante. J'ai donc décidé de le mettre à la fin des rouges ne sachant pas à quoi il allait ressembler. Le nez déroutant crée une véritable polémique : On perçoit le champignon de Paris et le rose des prés. C'est vraiment étrange. Immédiatement, Lolive hurle : "C'est monstrueux. C'est un Pommard." Et il a raison ! Je suis donc forcé d'admettre que ce vin a une personnalité puisque mon ami a reconnu à l'aveugle sa provenance en moins de deux secondes. La bouche n'est pas du tout dans le même registre puisqu'elle rappelle plutôt la griotte et les petits minéraux avec une touche laiteuse que j'apprécie moins. Ce vin est un peu comme la loi du tout ou rien : On l'aime ou non. Pour information, le même sur 1959 est nettement supérieur ( 95/100).   89/100

CHATEAU LAFITE ROTSCHILD Blanc 1959

J'en vois déjà qui lisent le titre avec des yeux ronds ! En effet, très peu de gens savent que ce vin existe puisqu'il n'était vinifié, au départ, que pour le château lui-même. Ce n'est plus une rareté, mais un trésor ! J'étais forcé de le placer à la fin comme introduction au dessert, car à l'ouverture il offrait du sucre résiduel qui n'allait ni avec les autres vins blancs, ni avec le plat. Le nez incroyable emballe tout le monde : On perçoit de la noix de coco séchée, du beurre frais, de l'amande et une touche de citron. La bouche ressemble un peu à une grande VT d'Alsace car elle alterne sans cesse entre le sec et le sucré. Les agrumes, la dragée, le lait de coco signent un vin au cachet inoubliable. C'est une vraie curiosité. 94/100

VOUVRAY "GOUTTES D'OR" 1947 Foreau

Il n'y a que des connaisseurs très érudits à la table mais pourtant, une fois que je dévoile le nom du vin, personne ne semble savoir que cette cuvée a déjà été faite avant la fameuse 1990. Je suis un peu surpris car au départ, le nez est timide et peine à jaillir comme je l'espérais. Il dévoile des arômes de sirop d'érable, de thé, de miel et de sous-bois en nuance. La bouche est très puissante mais parfaitement équilibrée. On distingue nettement la truffe, la figue, la meringue et les agrumes acidulés en finale. C'est superbe mais contre toute attente, il manque à cette cuvée introuvable la race et la magie de sa soeur moins célèbre : La cuvée Bonnet Rouge 1947 du même producteur (99/100). 97/100

Je sais que tout le monde m'attend au tournant, et souhaite "des bulles" pour finir. C'est le seul vin que je n'ai pas encore choisi, car je n'ai pas réussi à me décider au petit matin. Je descends donc à la cave, et laisse mon instinct me guider. Il y a bien ce Mumm rosé qui m'appelle mais je n'ai jamais cru en cette bouteille car elle est marquée d' une coulure sur la collerette. De plus, depuis que nous l'avons bu à l'état de mort clinique chez Lolive, je suis encore plus sceptique. Je n'arrive pourtant pas à résister au chant de cette sirène.

MUMM ROSE 1955

Le bouchon m'échappe des mains sous la pression du gaz. Incroyable ! Je remonte en courant à table, excité comme un gamin. Le nez violent saute du verre et nous offre des parfums de framboise, d'écorce d'orange et de fumée. Le cordon est magnifique donnant au vin une force et un volume qui le font passer pour beaucoup plus jeune. On perçoit la grenadine, l'orange et le caramel avec une touche subtile de tonneau. L'un des tout premier rosé de mon palmarés. 96/100

Je suis heureux, car cette première manche a vraiment été à la hauteur de ce que j'en attendais. Je suis juste un peu perturbé car je sais qu'il sera très dur de faire aussi bien la prochaine fois... C'est de plus en plus difficile de trouver des vins vieux et rares, et les prix sont en marche pour dépasser ce que je peux m'offrir. C'est rageant !

Enfin bon , je chasse vite ces idées noires pour me concentrer sur le lendemain, car j'ai encore deux vins à ouvrir le midi pour fêter en famille la première bougie de ma fille. Ensuite, je passe le relais à Luc en soirée. Et ma foi, je trouve que c'est également bien agréable d'être détendu, dans la position du dégustateur qui se soumet au difficile, mais excitant, exercice de l'aveugle.

KRUG "PRIVATE CUVEE" début années 60

Ce vin provient d'un lot de champagnes acheté à Luc. Toutes les bouteilles que j'ai ouvertes ont toujours tenu leurs promesses et je n'ai donc aucun doute pour celle-ci. Le nez explose sur le miel, l'orange confite et le maïs soufflé. En bouche, nous avons une explication claire de ce qu'est le terroir champenois : La craie, le citron confit, le zeste avec une touche subtile de chêne. Le summum des champagnes non millésimés. 95/100

CHATEAU PIBARNON 1985

Un vin très difficile à trouver actuellement. J'avais pu me le procurer auprès d'un barman de Bandol. Le nez d'une complexité digne d'un grand Bordeaux, s'ouvre sur le tabac blond, la réglisse, les baies et la tapenade en nuance. En bouche on perçoit le zan, le poivron, le charbon de bois, les épices et même un parfum presque floral. Il y a tout ce que l'on peut attendre d'un grand vin : L'épaisseur, la richesse et la longueur. Sur le podium des plus grands Bandol que j'ai dégustés. 94/100

Le samedi soir, après la fin de la dégustation, j'ai senti que Luc et Denis avaient déjà la tête à leur dégustation du lendemain. Ils étaient très excités et m'ont promis en partant un immense moment en perspective. J'avoue avoir paniqué l'espace d'une seconde : Lors de leurs précédentes dégustations (La Tâche 1945, La Tâche 1990,...), ils ne m'avaient pas paru aussi enthousiastes. Je n'osais même pas imaginer ce qu'ils préparaient.

VOUVRAY PETILLANT "GRANDE RESERVE" Début 20ème siècle Monmousseau

Le nez puissant m'évoque le nougat, les agrumes macérés et l'écorce d'orange. La bouche est encore sous gaz et j'ai l'impression de boire à nouveau le Moët & Chandon du 19ème siècle. Le caramel au lait et le citron avec une touche liquoreuse. Seule la finale, très vive, rappelle que ce vin provient du chenin. Incroyable ! 92/100

SALON 1928

Certainement le Champagne le plus rare du siècle. Je ne connais aucun dégustateur célèbre qui l'ait goûté. C'est un drame : Il est mort ! NN

MUMM CORDON ROUGE Début 20ème siècle

On a l'impression de boire un vin des années 60 : Le cordon est en pleine forme et la bouche offre une superbe nervosité crayeuse. Il lui manque juste un peu de complexité. 91/100

CHÂTEAU LAVILLE HAUT BRION 1952

Le niveau est mi-épaule et cela ne trompe pas : Le vin est mort. NN

MONTRACHET "MARQUIS DE LAGUICHE" 1964 Louis Latour

Ce vin n'était pas prévu et Luc l'a ouvert à la volée. C'est un traitement brutal pour un tel bijou auquel j'avais attribué un 100/100 il y a quelques années. Le nez est puissant et très ouvert mais ne délivre pas toute la complexité que j'avais en mémoire. C'est un peu le même problème que le Meursault Perrières 1985 de Pierre Morey, bu la seconde fois. Il est trop jeune.Il me manque l'accomplissement truffé de la 1ére fois. La bouche est d'une ampleur colossale avec des parfums d'agrumes confits, d'amandes, de caramel et de foin. Quel vin massif ! 95+/100

Luc nous informe qu'il est temps de passer aux rouges...

CHÂTEAU MISSION HAUT BRION 1943

A l'aveugle, je suis persuadé d'être sur un vin plus jeune de 20 ans. C'est vraiment un millésime qui gagne à être connu...Le nez est sublime, offrant des parfums de fumée, de truffe et de figue. En bouche, je suis cette fois sur une année plus froide avec des arômes strictes de chêne, de mûres et de zan. Seule la finale un peu courte trahit le manque de soleil. 93/100

CHÂTEAU MOUTON ROTSCHILD 1943

Cette fois encore je suis loin de me situer dans cette décennie...Le nez moins enjôleur est par contre plus aristocratique: Le poivron, les herbes humides et le chêne caramélisé. En bouche on est bien chez Mouton avec ces notes classiques et pures de cèdres, de menthol et de vieux cassis. La finale froide est un peu courte, dommage.Les avis sont partagés, certains préfèrent Mouton mais d'autres ont un faible pour Mission... 92/100

CHÂTEAU MISSION HAUT BRION 1950

Je suis un fan inconditionnel de La mission, mais ce millésime que j'avais déjà goûté une fois ne m'avait pas particulièrement impressionné. Cette fois il est somptueux ! Le nez éclate sur la noisette crémeuse, la fumée, le goudron, le laurier, le lys et la réglisse. La bouche est une essence de graves, d'une douceur extrême qui réunit des arômes de cerise noire, de mûre et de tabac. Très grand. 97/100

CHÂTEAU PETRUS 1970

Le nez prodigieux semble vouloir me clouer sur place. C'est atomique ! La cerise noire tombée de l'arbre, la menthe poivrée, le caramel brun et le bâton de réglisse. La bouche me fait suffoquer ! Une puissance presque insupportable. La réglisse, le menthol, l'épicéa et le cèdre. Je m'écrie "c'est Petrus ou quoi ?". Je ne crois pas si bien dire... Je tiens à signaler qu'après 1971, 1945, 1982, 1979, 1976, j'ai réussi la plupart du temps à identifier Petrus à l'aveugle. Je trouve ça incroyable. C'est indéniablement Le  vin qui mérite malheureusement son prix... Le milieu de bouche offre une liqueur et un tanin épais comme le 1945, puis la finale est toute de crème fruitée. Un monument. Je ne le dirais qu'une fois, car je considère ceci comme un tuyau: Si vous ne devez boire qu'un Petrus, misez tout sur celui ci, car on peut le trouver à moins de 900 euros et pourtant il fait jeu égal avec son lointain ancêtre de 1945, dans le même registre brutal qu'on ne retrouve plus dans les années 80. 99+/100

A ce stade de la dégustation , je sais qu'il reste encore un vin. Mais que mettre derrière ce mythe ? Je questionne Denis et Luc. Ils m'annonce fièrement que le suivant est leur maître à tous ! Mon coeur bat à 100. C'est dur de rendre justice aux sensations qui vont suivre. Ce sont des flashs qui s'éprouvent et aucun mot ne peut traduire un tel moment. Au dessus de mon verre et à l'aveugle, je pense Lafleur 1947, puis Petrus à nouveau... Et je vois mon père qui goûte en pleurant...Seul Latour à Pomerol 1947 l'a mis dans cet état; Je frissonne... La vie vaut vraiment le détour, merci la Terre, merci les Hommes et merci le vin !

CHÂTEAU PETRUS 1961

Le nez jaillit du verre sur la truffe, la morille, la réglisse, le pollen de lys et cette incroyable odeur que je n'ai senti qu'une fois dans ma vie: l'edelweiss du volcan Bromo en Indonésie...(une sorte de parfum floral enduit de caramel). La bouche s'ouvre sur la cerise poêlée, le lard fumé, la tarte à la myrtille, la mûre sauvage et la menthe épicée mâtinée de cèdre. Le milieu s'envole même sur le litchi. On retrouve cette incroyable puissance du 1970, mais avec la sérénité de l'âge ainsi qu'un unique kaléidoscope de parfums. La finale est d'un incroyable équilibre, une crème de chocolat et de cappuccino qui semble ne jamais vouloir finir. Cadeau ultime: Une minéralité à tomber... Lorsque je relis mes notes , je constate que c'est l'un des rares vins à être aussi exhaustif. La perfection avec une prétention pour la seconde place de mon palmarès voire même la première ex aequo... Une anecdote incroyable: ce vin ne possédait pas d'étiquette et fut acheté pour un Petrus 1964...malheureusement pour l'expert de la vente aux enchère Luc a vu par la suite que ce n'etait pas un 4 mais un 1 sur le bouchon. Nous avons effectivement pu lire clairement "1961 mis en bouteille château" ! 100/100

HAUT SAUTERNES 1869 Maison Lallée

Si l'on oublie les vins étrangers comme le Chypre 1845, c'est le 1er vrai pré phyloxérique de ma vie...maintenant que j'y repense je me dis que c'est incroyable pour un vin modeste d'avoir conservé une telle jeunesse et un telle précision. Le nez rappelle le caramel, le pain d'épice, la cire de parquet, la prune et l'orange amère. La bouche offre une sucrosité digeste avec des agrumes, du miel, de l'écorce et de l'extrait d'amande. Quelle liqueur douce et équilibrée ! 94/100

CHÂTEAU LAFAURIE PEYRAGUEY 1921

C'est une mise château parfaite...Le nez complexe virevolte sur le pain d'épice, le caramel au lait, le sirop d'érable et l'amande amère. En bouche on note du coing caramélisé et de l'orange sanguine avec une belle finesse et une longueur supérieure au précédent. La classe, mais pas de magie. 96/100

 

En terminant ce compte rendu, je crois pouvoir répondre à la question que pose le titre: Oui c'est le week-end d'une vie. Mais comme je me disais toujours au temps du sport de haut niveau: Il doit être possible de rééditer cet exploit !