Ausone 1959, Mouton Rotschild 1982, Latour 1990... Faut'il vraiment que l'année 2009 se termine ?

Allez, direction l'Alsace pour voir mon frère et goûter quelques bouteilles mythiques ! L'an dernier, je me souviens de ma peur de ne jamais pouvoir refaire une année aussi riche en émotions. Pourtant, alors que l'année suivante, 2009 donc, touche à sa fin, je réalise combien celle-ci est jalonnée d'immenses flacons ! Unique !

BOLLINGER R.D 1982

Mon frère est dans une forme olympique, quel choix pertinent ! Le nez de pêche, de silex, d'agrumes et de noisettes est frais et développé. Pourtant on sent qu'il en a encore sous la pédale le bougre ! La bouche, pleine de bulles, est d'une précision diabolique d'herbes fraîches, de citron vert et de minéraux. On départ elle tranche comme une lame, mais la seconde partie est plus volumineuse, avec des arômes de fruits d'été confits et de guimauve. La finale trainante de craie en dit long sur le potentiel énorme de ce vin. 94+/100

BIENVENUE BÂTARD MONTRACHET 1973 Carillon

Libe est du voyage. Il a pris la peine d'amener un vin de l'année de naissance de mon frère et de sa femme. Et pas n'importe lesquels, car un Bienvenue de Carillon est une rareté bien connue des amateurs, mais sur l'année 73, vous imaginez ? Pour ma belle soeur, ça sera Ausone 1970. Vous vous rappelez peut être de l'humoriste Muller sur Canal + et de sa fameuse phrase " fallait pas l'inviter ! "? Hé bien Libe, lui, il faut l'inviter !

Après un moment d'ouverture préalable, le nez original, sort fier et enthousiaste : Miel, amande, fruits jaunes pochés, menthol et whisky. La bouche est, quant à elle, tourbée à souhait avec des parfums de cèdre et de citron piquant. Encore un magnifique exemple percutant de grand 1973 en Chardonnay. 95/100

PAVILLON ROUGE CHÂTEAU MARGAUX 1990

A l'aveugle, on est immédiatement sur un très grand vin. Le nez est un éventail de parfums : Violette, fleurs de printemps, zan et fruits noirs confiturés. Il ressemble étrangement à Pichon Baron 1989. La bouche puissante et crémeuse est équilibrée à merveille par l'acidité subtile de la griotte et du cassis. Un second vin, encore jeune, qui est presque au niveau de son grand frère Margaux 1990. Grosse surprise. 94/100

CHÂTEAU AUSONE 1970

C'est ma première expérience avec Ausone dans ce millésime. Le nez est expressif et curieusement austère en même temps. On perçoit des fruits rouges, du cuir et des herbes grillées. La bouche est elle aussi toute en retenue, avec du sous-bois, et des notes giboyeuses associées à la fraîcheur de l'eucalyptus. Je ne l'attendais pas à ce niveau, mais je reste malgré tout plus dur que mon frère et Libe. 91/100

CHÂTEAU MARGAUX 1982

Le nez ouvert de chocolat noir, de café, de menthol et de poivron est très agréable. La bouche offre un tanin poli et accompli.Cependant, les arômes jeunes de cuir, de réglisse et de fruits noirs indiquent que le vin est encore en progression. Par contre je suis un peu plus étonné par ses notes de poivrons et son côté un poil sec en toute fin de bouche. Un beau 82, mais qui ne me semble pas en mesure d'égaler le légendaire 1953. 95/100

CHÂTEAU HAUT BRION 1982

La couleur est nettement plus claire, pas très rassurante. Le nez fermé peine à délivrer quelques notes de gibier écorché, et d'anis. La bouche offre une certaine ampleur alcoolique, mais le fruité est aux abonnés absents. Une petite astringence en finale termine de me convaincre. Haut Brion 1982 est raté, et le prix est un scandale ! Dans l'absolu, c'est un flacon plus qu' honorable, mais je vous conseille plutôt de vous tourner vers certains crus Bourgeois meilleurs et plus abordables. C'est ma seule expérience Haut Brion sur cette année, mais à priori, mes sensations semblent assez proches de certains critiques professionnels. A revoir tout de même. 88/100

CHÂTEAU MOUTON ROTSCHILD 1982

Cette fois, le vin est noir. Les senteurs somptueuses frappent les narines comme des poings toniques. On perçoit tour à tour la fève de cacao, le café concentré, la noisette, l'amande amère, puis la prune et le cassis frais. L'attaque en bouche est massive, offrant un tanin énergique, digne d'un futur 1959. Les arômes sont crémeux et l'on se régale sans fin de cappuccino, de baies sauvages, de jus de viande, et de cèdre. Un immense 1982 à ranger aux côtés de Pichon Comtesse, de Petrus et Latour. 98+/100

CHÂTEAU MISSION HAUT BRION 1982

Je l'avais goûté il y a dix ans , le trouvant fermé au nez mais proche de la perfection en bouche. Ce soir, il se présente tel que dans mon souvenir, incroyable, mais pas encore prêt. Le nez s'est patiné, mais il reste encore timide. La menthe fraîche, la truffe et le cèdre sont pourtant là pour nous faire miroiter un avenir radieux... En bouche le grain de tanin est émouvant, granuleux et indompté comme celui de 1945. La fumée, les fruits macérés, le cuir et les herbes aromatiques envahissent le palais plus de 45 secondes. Un concurrent sérieux au 1929 ! Soyez patient... 97+/100

CHÂTEAU LAFITE ROTSCHILD 1982

Le nez est admirable, mais subtil et nuancé comme la palette de Sisley. C'est loin d'être le plus puissant, mais c'est sans doute le plus complexe de la série. Le cèdre, la menthe, le graphite, les herbes sèches, le pain d'épices, et la fumée tournoient sous nos narines comme une valse de salon. La bouche est une dentelle. mais cette fois je suis plus réservé, car elle manque quand même de puissance pour réellement nous embarquer ! Il me semble qu'on a voulu refaire un 1953, sans la même grâce malheureusement. C'est la deuxième fois que je le bois, et mon sentiment reste inchangé. Grand vin, mais pas de magie. A ce prix ( fou actuellement ) je préfère largement le 1959 ! N'oublions pas non plus que Pichon Comtesse est presque 5 fois moins cher et très supérieur !!! 96/100

CHÂTEAU COS D'ESTOURNEL 1959 Magnum

j'adore ce nez antique ! Il explose sur le cuir de Russie, les herbes grillées, les fruits rouges, et le café vert. Vraiment impeccable. L'attaque en bouche est puissante, tannique, avec des parfums de quetsches, de cassis et de mûres. La seconde partie du vin est un peu moins brillante, car rustique et dure comme la plupart des St Estephe de cette époque. Il me plaît néanmoins beaucoup et se classe bien parmi les autres grands vins de cette année. 94/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1962

Le nez à point n'offre pas beaucoup de complexité : Fruits rouges et sous bois. La bouche est tendre, mais manque cruellement de corps. Il est encore bien vivant, mais à ce prix là, mieux vaut fuir ! 86/100

CHÂTEAU PICHON COMTESSE 1945 Magnum

Ceux qui me lisent se souviennent certainement de l'émotion que j'avais ressentie avec ce vin, quelques mois auparavant. Je suis donc très excité de le goûter sur un grand format. C'est la catastrophe, il est mort. Heureusement que ma mémoire est intacte ! NN

CHÂTEAU AUSONE 1959

Finalement, le vin de remplacement m'excite encore plus, et je vois que Libe m'observe en souriant. Il sait comme je suis impatient ! WOW ! Le nez est une bombe : Le cuir, l'anis étoilée, la garrigue, la feuille de havane, ainsi qu'une touche iodée manque de mettre à terre. La bouche réalise le mariage parfait de la fraise des bois et du gibier saignant. Ensuite la cassis et la fumée nous entraînent dans la valse. C'est enivrant ! La fin de bouche est puissante, mais droite comme un Lafite. La réglisse et le cèdre jouent un morceau en boucle ; Repeat...  Peu connu de la critique, il saute pourtant en fanfare sur le podium des 1959. 98/100

CHÂTEAU HAUT BRION 1961

Je m'excuse sincèrement auprès de ceux qui vont me lire. J'ai presque honte d'avouer que c'est la troisième fois que je bois ce vin mythique en 2 mois. 

Je pense à ceux qui en rêvent , et c'est ce qui me motive à écrire de nouveau mes impressions sur cette bouteille tant convoitée. J'éspère que vous rêverez encore longtemps, autant que j'ai pu le faire pendant de nombreuses années...

Le nez est d'une incroyable plénitude, débordant d'arômes de caramel au lait, de tourbe, de sous-bois, de fleurs séchées et de fruits noirs compotés. La bouche est onctueuse comme un 1947, un vrai porto ! Plus qu'un vin , c'est une douceur sucrée, un chocolat épicé aux pruneaux. Pourtant, il n'aura encore une fois pas la note parfaite, car je le trouve trop propre, trop romantique peut être ! Il me manque un parfum plus original, un caractère plus marqué, plus exalté ! Mais cela ne regarde que moi, car pour la plupart c'est indiscutablement un vin parfait ce soir là. 99/100

CHÂTEAU PICHON COMTESSE 1989

Le nez très rive gauche est axé sur la réglisse, la mûre, et le cacao. La bouche reprend ce superbe thème en fanfare. Il commence à sortir, mais je pense que quelques années de patience supplémentaires lui donneront encore plus de complexité. 94/100

CHÂTEAU CALON SEGUR 1970

L'année 1970 a été longue à se faire, mais elle s'est enfin décidée à atteindre son plateau de maturité. Dans l'ensemble, j'ai bu en 2008 et 2009, de superbes exemples de ce millésime classique pour Bordeaux. Les fruits rouges, le tabac et les fleurs se disputent les faveurs de nos narines. Il ressemble étrangement à un Pinot... La bouche est plus rustique avec des parfums de cuir, de baies et de bois humide. 90/100

CHÂTEAU CLINET 1989

Ce Pomerol reste l'un des plus grands Bordeaux jeune que je n'ai jamais bu. Malheureusement, ce soir il n'est que l'ombre de lui même. Le sommelier m'a versé tout le dépôt, et je me demande si ce n'est pas ça qui durcit à ce point la bouche. Certes, il est bon , mais loin de la perfection que j'ai en mémoire. Le nez de menthol, de réglisse, et de cèdre est agréable, tandis que la bouche truffée est dure, avec un tanin un peu sec. La finale de chocolat noir, et de baies adoucit tout de même l'ensemble. Je sais que je ne le boirai pas cinquante fois, alors je suis en rage. 92/100

CHÂTEAU CHEVAL BLANC 1975

Le vin est agréable, et je suis assez étonné par ses qualités. Pourtant, un ami soutient qu'il peut être bien supérieur à cela. Miraculeusement, une seconde bouteille arrive à la table. Je dois dire que je suis bluffé, car la première bouteille était bonne, mais cet autre flacon est incroyable : Une bombe ! Je n'aurais jamais imaginé que Cheval ait pu atteindre un tel niveau sur ce millésime. Le nez explose sur la cacahuète, le bacon, la truffe et les fleurs. En bouche, c'est la première fois que je goûte un rouge subtilement salé. On a l'impression de boire du caramel beurre salé ! Viennent ensuite des parfums de mûres, de cèdre et de fraises des bois. Superbe !  96/100

CHÂTEAU GRUAUD LAROSE 1964

Au nez, il a conservé une certaine jeunesse, avec des senteurs de cèdres et de cassis, mais la bouche est austère, avec un alcool agressif et un tanin dur. Je n'aime pas vraiment ce style de vin qui ne s'ouvrira jamais et qui ne tient que sur l'acidité et la rigidité de la structure. 84/100

CHÂTEAU HAUT BRION 1990

Je l'avais beaucoup aimé le mois dernier, mais cette fois, il est carrément monumental ! C'est le nez qui fait la différence ; En effet ce soir il jaillit du verre sur la cendre, le Jabugo, les mûres et les myrtilles sauvages. La bouche est d'une jeunesse foudroyante avec des arômes de cappuccino, de noisettes, de tabac et de viande fumée. La  finale est crémeuse, et là je n'ai aucun doute sur sa capacité à égaler un jour le 1961. Il est actuellement aussi grand que le mythique 1989... 97+100

CHÂTEAU LATOUR 1990

Le vin est noir comme de l'encre. Le nez est plutôt bien ouvert comme une botte aromatique composée de phosphore, de fumée, de cèdre, d'orgeat, et de fruits noirs très mûrs. La bouche est colossale, un vrai bulldozer ! Il démonte le palais grâce à des tanins qui piétinent la langue comme un troupeau de mustang au galop... Les baies, les herbes sèches et le cèdre nous régalent un long moment tandis qu'une subtile minéralité force le respect en finale. Un immense vin en préparation. 97+/100

CHÂTEAU LATOUR 1970

Je le retrouve en tous points identique au mois dernier : Un nez incroyable de " Black wine " associant les fruits noirs ultra macérés et le zan au cèdre et à l'épicéa. C'est un vrai gamin.

En bouche il est d'une colossale puissance avec de la réglisse, de la brindille de cassis et du pruneau lardé. Les 1970 s'annoncent grandioses depuis peu. Ils commencent à bien se boire et risquent de nous régaler encore 30 ans sans problème ! 95+/100

LA TÂCHE 1993 D.R.C

Alors là, j'ai bien peur que mon commentaire fasse encore du bruit. La Tâche est presque autant adulée sur cette année que la 1990. Légende du Top 100 RVF, immense pour Allen Meadows, et le Wine Spectator...

 Avec Libe, on en attend beaucoup ! Après 2 heures de carafe, le nez sort bien sur la framboise, la griotte, la fraise des bois , ainsi qu'une subtile nuance de roses. La bouche est une catastrophe : Austère à souhait, avec un fruit fantôme, et une trame acide qui ferait presque grimacer. J'en vois déjà certains qui vont me dire qu'il était fermé, point.

 Peut être, mais en tout cas, je n'ai jamais eu de vin à ce point moyen,qui s'ouvre un jour en devenant papillon. Il sera bon, je le souhaite, mais jamais exceptionnel comme on voudrait bien le faire croire. 1990 était une grande Tâche, mais pas monumentale non plus. Celle-ci frôle la correctionnelle. Je vais me faire des ennemis, mais tant pis, je commence sérieusement à douter des compétences des vinificateurs ! J'ai bu des Pinots légendaires en 1993 : Leroy, et autre Ponsot... Comment expliquer cette supériorité écrasante ?

Nous étions presque sous terre avec Libe, mais il m'a convaincu d'aller jusqu'au bout de notre logique, non pas pour tester les amis, mais pour être certain qu'on ne se trompait pas en critiquant cette légende. Je n'en dirai pas plus , pour que personne ne soit embarrassée, mais j'ajouterai juste que mon commentaire est gentil à côté de ce que j'ai entendu ensuite...

C'est sûr qu'il y a de très grands vins dans l'histoire de DRC, mais il semble que cela soit un peu anarchique... Dommage que cette vérité reste un tabou ... Heureusement, le terroir prend toujours le dessus même lorsque le maître de chai se " foire". La grande Rue est un exemple frappant. Avec le vieillissement, la terre prend le dessus sur la main humaine. Et la terre du " Domaine " est la plus grande c'est incontestable. Où est le problème alors ? Je n'ai pas la réponse, mais peut être que le Maitre l'avait lui...

En effet, plus je grandis et mieux je comprends le sens caché du rêve d'Henri Jayer. Il voulait vinifier une fois La Conti. Etait-ce son rêve, ou seulement une envie de montrer le vrai potentiel du domaine ? On ne le sera jamais malheureusement...

88/100

RIESLING BEERENAUSLESE 1976 Freiherr Heyl Zu

Le nez ressemble à s'y méprendre à un grand Alsace : Pétrole, amande, agrumes confits et craie. La bouche est concentrée, mais tranchante en même temps. On reconnaît facilement le citron, l'orange amère, et une superbe finale iodée et minérale. Impeccable. 93/100

Libe mérite bien une petite surprise pour son anniversaire ! Il arrive chez lui, et tout est prêt, mais il trouve le moyen d'ouvrir quand même un vin qui sera le roi de la soirée ! Pas étonnant...

JACQUESSON TERRE ROUGE Rosé 2004

La couleur grenadine vaut son pesant de moutarde ! Au départ il ne m'emballe pas trop, puis au fur et à mesure de son aération, ce Champagne trouve ses marques et offre un plaisir certain. Le nez devient framboises, groseilles et kirch, tandis que la bouche un peu trop amère, reste dans le même registre. A revoir dans 15 ans... 88/100

MACON PIERRECLOS 1er JUS 2006 Guffens

Le nez rappelle le beurre fondu, le foin, et les agrumes très mûrs. La bouche offre une acidité piquante agréable, et un goût de  noisette et de citron digne d'un grand cru Bourguignon... Vivement la retraite pour voir ce qu'il sera devenu ! 92/100

CLOS VOUGEOT 1964 Engel

Libe rêvait, tout comme moi, de boire un vieux René Engel. Seulement c'est assez dur à trouver sur un grand millésime. J'essaie donc de lui faire plaisir avec cette bouteille parfaite. Le nez est intéressant grâce aux parfums d'anis, de café, et de bonbons batna, mais il manque de netteté : Les arômes viandés sont trop présents... La bouche est très puissante, mais le côté sucraïon la rend lourde et sans réel intérêt... Caractéristique des années 60 dans le genre gonflant... 87/100 A revoir sur les années avant guerre...

VOUVRAY HAUT LIEU MOELLEUX 1947 Huet

Après un liquoreux de 1945 ( Arche en Côtes de Bordeaux ?? ) en fin de vie, Libe s'énerve et sort l'artillerie lourde. J'avais été déçu par le manque d'ampleur du même vin en 1959, mais cette fois la puissance de 1947, le rend magique et pas très loin du mythique Bonnet Rouge de son concurrent direct Foreau.

Le nez éclate comme une bombe sur la truffe, le caramel brun, la pêche confite, et le silex. L'attaque en bouche est un bonheur de truffe blanche avec une sucrosité puissante et délicate à la fois. La suite est un festival d'écorce d'orange, d'abricot confit et de citron. Il dépasse sans problème les 30 secondes. 97/100

L'année n'est pas encore terminée, je crois même qu'il reste de belles choses. 2010 peut attende, je ne suis pas pressé !