Gruaud Larose 1921 et Yquem 1969 pour un très beau déjeuner sur Paris

Je retrouve François avec plaisir sur Paris. Après une discussion en tête en tête très amicale et enrichissante, nous passons à table en compagnie d'amateurs éclairés. Le repas est monumental, et nous sentons vite que Gérard Besson ne mérite décidément pas l'injustice qui lui a été faite. Souhaitons lui de retrouver une étoile dès l'an prochain... Le repas se compose ainsi :

Pomme de terre Pompadour truffes, andouillette varoise 

Gâteau de topinambour

ris veau, truffe 

Lieu jaune,asperges du Lubéron

Crépinette de cochon de lait

Gigot d'agneau de lait, coco Tarbais, truffe de Bourgogne 

Tourte de caneton rouennaise

Long bec

Tarte confite, tarte à l’orange, cédrats et mignardises.

DOM RUINART 1990

C'est un champagne fantastique, mais qui est aujourd'hui un peu en retrait au niveau de la complexité. Laissons lui le temps de se développer !

Le nez fin d'agrumes, de linge propre, et d'anis ouvre l'appétit. La bouche est jeune, bien trop jeune, mais cependant pas dénuée d'intérêt ! On note tour à tour du pamplemousse confit, du citron vert et de la craie. La finale s'adoucit un peu sur le fenouil. A revoir dans 10 ans au moins ! 91+/100

MAURICE D' ARHAMPE Blanc de Blanc 1942

La couleur ambrée est belle, tandis que le nez de miel, et de fruits secs, le tout nuancé de senteurs automnales, me surprend en bien. J'ai plus de mal a être aussi enthousiastes que mes amis sur la bouche, car malgré une attaque encore fraîche, la gamme aromatique perd vite de sa complexité. De plus, le cordon a disparu. L'absence de gaz est pour moi aussi problématique qu'un liquoreux sans la moindre nuance de sucre. Dans 99 % des cas, cette absence s'accompagne toujours d'une bouche sur le déclin.

Alors certes, on peut se féliciter de percevoir des nuances de thé aux agrumes et de tertiaire dans un Champagne aussi vieux , et venant d'un producteur inconnu, mais cela ne suffit pas à me combler. Le milieu de bouche se simplifie à l'extrême, tandis que la finale est mangée par l'amertume. En résumé, le nez est bon et il reste parfaitement buvable, mais certains défauts sont trop visibles pour que je puisse mieux le noter... 87/100

MUMM 1959

C'est le Champagne que j'ai amené. Je sais qu'il est sous gaz, et j'ai donc une confiance sans faille en ce vin , car j'ai des souvenirs émus du 1955 par exemple...

Le nez de fourrure et d'aluminium ne procure aucun plaisir. Il semble s'améliorer un peu à l'air, mais cela ne suffit pas. En bouche la trame acidulée est importante, tanfis que l'effet millésime lui confère une force minérale importante. Il est même presque tellurique...La finale courte est encore épicée, sans grand intérêt. Je pense que le sommelier l'a ouvert trop tôt. C'est en effet ma seule exception en matière de vins anciens : Je n'ouvre jamais un Champagne de plus de 40 ans plusieurs heures à l'avance, car j'ai constaté que le résultat était presque toujours décevant. On peut éventuellement gagner une complexité plus aérienne au nez, mais on le perd en bouche à cause du gaz qui s'atténue aussi vite qu'une marée au Mont St Michel. Ici, le gaz était encore perlant, mais cette longue aération ne lui aura pas été bénéfique, j'en suis sûr. 83/100

CHÂTEAUNEUF Blanc 1977 Chapoutier (Magnum)

Le nez de vieux fût et de liquide vaiselle ne me donne pas envie d'aller plus loin. Curieusement, la bouche est pourtant nettement supérieure. Elle offre un côté doucereux, grâce au sucre résiduel subtil. L'alcool domine nettement l'ensemble. En somme, bourré de défauts analytique, mais buvable. 78/100

CHÂTEAU GRUAUD LAROSE 1921

Quelle rareté ! Merci François. Le nez superbe, me donne le sourire. On reconnait facilement le caramel au lait, la vanille Bourbon, le pruneau, le cuir, la framboise et le chêne noble. L'attaque en bouche de petits fruits rouges et de tabac est réjouissante, car elle me rappelle certains Pinots. Malheureusement l'amertume mange complètement la finale. Il marque rapidement son âge, et montre quelques signes de déclin évidents, mais reste grand. C'est un réel plaisir de goûter enfin un beau 1921. 91/100

CHÂTEAU MOUTON ROTHSCHILD 1972

Après une longue aération, des arômes de chêne sucré et de menthol, qui me rappelle certain crus Américains, montent timidement du verre. La bouche n'est pas très complexe, mais on perçoit une certaine classe, et un tanin bien poli. 86/100

CHÂTEAU BEYCHEVELLE ? Années 1900-1930 (Supposé)

Le premier nez est un peu poussiéreux, mais avec plus d'air il s'affine sur la cire de parquet, le pain grillé, l'amande et la groseille. La bouche suit un peu la même évolution: Au départ la moisissure domine, puis la complexité arrive au galop ; On note de l'hibiscus et des herbes grillées. Il manque de persistance et de puissance, mais les sensations sont bonnes. 90/100

BEAUNE 1955 Bouchard P&F (Négociants)

Alors là par contre, c'est une sacrée surprise, comme je les aime. Un Beaune générique à ce niveau de nos jours ? Impossible...

Le nez très pur, rappelle les fleurs fanées, et les petits fruits rouges acidulés. La bouche pulpeuse offre une belle déclinaison de framboises et de myrtilles, avec une touche épicée. Il ne lui manque que la longueur et un poil de puissance en milieu de bouche pour atteindre la note exceptionnelle. 92/100

CHAMBERTIN CLOS DE BEZE 1961 P. Damoy

Le nez dévoile de belles senteurs de baies crémeuses, d'olives et d'épices délicates. La bouche m'évoque un grand classique des années 60 en Pinot. Une touche heureusement subtile de sucre résiduel, associée aux parfums de roses , de violettes et de fruits rouges donnent un ensemble délicieux, mais un peu grossier. Lionel pense à un ajout de Grenache, et je trouve cet avis fort pertinent. Je penche plutôt sur une vinification typique de cette décennie, avec excès de chaptalisation. Quoiqu'il en soit je suis avec des connaisseurs qui n'ignorent pas les pratiques douteuses de la Bourgogne à cette période, et quelque part cela me met en confiance. Une belle bouteille donc,qui offrent suffisamment de qualités pour passer outre les petits "défauts"... 92/100

CHÂTEAU YQUEM 1969

Le nez à point et précis d'orange confite, de caramel brun, de financier et de prune donne le sourire. En bouche le rôti impeccable me surprend sur année aussi modeste. On retrouve les fruits confits,mais aussi de l'amande et du miel d'acacia. La finale est agréable et de belle longueur. Tout le monde semble surpris par mon classement, mais ce vin est le seul à ne présenter aucun défaut, une grande complexité et surtout de la longueur. Gruaud 1921 offrait plus de charme dans son bouquet, mais je ne peux raisonnablement pas classer ce vin premier du fait de sa finale courte et acide. La conclusion du vin est une partie essentielle de la dégustation. Donc je persiste et signe, n'en déplaise à certains, cet Yquem est le plus complet du jour. Il lui manque tout de même l'allonge superlative et la folle palette des plus grandes années. 93/100

Encore un repas très intéressant, jalonné de vins rares, dont la qualité fut un peu mitigée malheureusement. La générosité de François fait plaisir à voir, et j'ai hâte de peut être m'essayer à l'organisation d'un Casual friday dans quelques temps...