Le Grand Tasting du 22 novembre 2008 à Paris

J'ai eu envie de m'offrir cette dégustation prestigieuse bien qu'il y ait quelques vins qui ne soient pas particulièrement dans mes petits carnets. Je trouvais intéressant justement, d'avoir l'avis de leurs créateurs et de dégustateurs professionnels que j'admire. Nous avons droit à une petite ration et il faut donc être très concentré pour saisir le vin en si peu de gorgées.

DOM PERIGNON OENOTHEQUE 1962

La couleur dorée, encore très jeune, est magnifique. Le nez n'est pas très puissant au départ, mais immédiatement complexe : La fleur d'oranger, Les agrumes primeurs, avec une touche de torréfaction, de pralin et de sous-bois. Il compense aisément son manque de puissance par cette étourdissante fraîcheur. La bouche est la plus sublime œuvre de finesse que j'ai jamais gouté. On mâche de la craie puis de l'amande. La finale somptueuse m'évoque quelques grands crus secs d'Alsace : la bergamote, l'écorce d'orange et ce côté salin qui n'en finit pas. Un Champagne aérien et désaltérant qui donne envie de boire toute la bouteille, seul. 97/100

RIESLING CLOS SAINT HUNE VT 1989 Trimbach

A écouter son géniteur, nous avons apparemment la même philosophie du Riesling. Ils ne veulent pas de VT mais que du sec, c'est donc pour eux un accident qui a été vinifié pour devenir sec sur le très long terme. Vous savez que j'aime surtout ce cépage en sec ou en Grains Nobles. A de rares exceptions près, la VT me passionne moins. Ici, nous sommes dans l'exception ! Magnifiques senteurs de litchi, de poire, de caramel mou et touche subtile de pétrole. La bouche est un peu plus réservée avec une attaque sucrée de citron confit puis de petits minéraux. Si effectivement un jour il devient sec, je pense qu'il sera immense. 92+/100

CHATEAU PAVIE 1998

Il est servi un peu frais, attendons. Le nez est inattendu, fin et précis sur la mûre, le cassis, les épices d'Orient ; le tout subtilement fumé. La bouche offre un gros volume avec un tanin crémeux et écrasant qui me fait penser à un futur 1947. Contrairement aux idées reçues il n'est pas lourd et se boit facilement : La régilsse, les fruits noirs, le chocolat et le cappuccino sont autant d'arômes qui nous émerveillent. Je pense que c'est une légende en préparation. 95+/100

CHATEAU LEOVILLE LAS CASES 1985

C'est le château du Bordelais qui m'a donné mes plus grandes désillusions de ma jeune carrière de dégustateur. Il en a accumulé un nombre incroyable : 1982, 1988, 1990... Seul le 1986 m'a beaucoup plu. Le 1985 m'avait intéressé la première fois que je l'ai goûté et cette fois-ci, c'est le même verdict. Le nez est ouvert et agréable sur le chêne caramélisé, la mûre puis une touche de branche verte qui lui donne une belle fraîcheur. La bouche joue dans le registre de la finesse avec un tanin poli et un milieu de bouche parfumé auquel il manque juste de la longueur. Je ne comprends pas vraiment le choix de Messieurs Bettane et Desseauve car sur la Rive Gauche et dans cette même année, il existe de nombreux crus aussi fins mais bien meilleurs. 92/100

VOLNAY CAILLERETS "ANCIENNE CUVEE CARNOT" 1959 Bouchard Père & Fils

La couleur brune ne m'inspire pas confiance. Le nez est fin, assez élégant sur la fumée, les épices grillées et les minéraux. La bouche offre une belle attaque sauvage de cuir et de clou de girofle. Le milieu de bouche manque cruellement de corps et de complexité. Comme l'on si bien dit mes voisins de table,"c'est un vin intellectuel". Nous avons l'oeuf, à nous d'imaginer les mouillettes ! Je ne suis pas très fan de ce style de Bourgogne et en tant que grand admirateur de Bettane, je ne comprends absolument pas ce choix. Je suis sûr qu'en privé, il serait d'accord avec moi. Ce vin n'est pas le moins du monde représentatif de ce qu'est un très grand et vieux Bourgogne. Je me range donc du côté de Monsieur Meadows. 91/100

CHÂTEAU DE BEAUCASTEL 1981

Là encore, un vin qui m'a donné de grandes déceptions hormis les cuvées "Hommage à Jacques Perrin". A ce propos, le créateur nous informe que ce vin serait le premier essai de la cuvée "Hommage..." car il est composé à 60% de mourvèrdre. Je suis excité ! Le nez agréable de poudre de fleurs, de fruits rouges avec une pointe de poivre m'intéresse. L'attaque en bouche est mûr mais immédiatement la sucrosité enrobée me dérange. Je le trouve grossier. Certes les arômes de réglisse, de fourrure sont là pour sauver le vin, mais je suis extrêmement déçu. Oubliez ce Domaine, et ruez vous sur les vieux Marcoux et Clos de l'Oratoire des Papes. Cette fois encore, je décroche et ne comprends plus mes Maîtres. Ils souhaitaient nous montrer ce qu'était l'accomplissement du mourvèrdre ; dans ce cas pourquoi ne pas proposer un vieux Bandol ? C'est d'un tout autre niveau  !  89/100

CHÂTEAU GILETTE CREME DE TETE 1975

Vous l'avez vu dans mes précédentes dégustations, Gilette est un beau vin mais il existe nettement mieux. Cette fois, il se goûte bien et je le trouve très supérieur au 1976. Le nez rappelle la cire, le parquet lustré, l'amande amère et la noisette. La bouche glycérinée, offre un bon rôti qui reprend en fanfare les parfums du nez en y ajoutant l'orange amère. 93/100

PORTO TAYLOR'S 1985

Je n'ai malheureusement que peu de références à part le 1992 considéré par beaucoup comme un monument. Le nez diabolique m'évoque la prune, un éther qui serait subtil puis les fruits rouges compotés. En bouche, c'est encore plus complexe avec de la figue, du caramel brun ,de la réglisse, du menthol ainsi qu'une touche de cèdre. Mon Dieu, quelle jeunesse ! 94+/100

Un petit bonus, chez notre ami Frédy Vifian qui, une fois encore, me fais perdre tout repère. A peine arrivés (je ne sais pas encore qu'il m'a reconnu), il nous fait goûter une bouteille de la table voisine qui n'a pas été appréciée.

DOMAINE DE L'AIGUELIERRE "COTE DOREE" 2000.

J'avoue à Monsieur Vifian que ce vin me plaît. Il me la pose sur la table et m'annonce en riant comme un enfant : "90 euros. Je vous la laisse à 50 euros. Mon ami derrière voulait un Languedoc fin, et il n'a pas aimé. Je suis fâché !" Le problème est que je n'avais pas envie de boire un Languedoc ce soir-là. Mais je n'ose pas trop le dire. Il sent peut-être que je suis mal à l'aise et m'apporte un verre de Gevrey 1er Cru 1988 de Philippe Leclerc puis un autre de Mas Daumas Gaussac 1989 et enfin un SGN 1993 autrichien. Je suis beaucoup plus détendu et je crois que j'aime vraiment ce mec ! Il me bouscule, m'oblige à aller où je ne veux pas. Est-ce de l'instinct ? En tout les cas, c'est la deuxième fois qu'il a raison. Après une longue aération, cette "Côte Dorée" offre un superbe nez de mûre caramélisée, de figue et de truffe. En bouche, sa finesse et son équilibre sont rares en Languedoc : Des arômes de sous-bois, de fruits noirs compotés enrobent ma langue de longs instants. Très nettement supérieur au Mas Daumas Gaussac 1989. 92/100