09. Luttes indépendantistes

Malgré la fin de la révolte des lettrés à la fin du XIXe siècle, les opposants à la colonisation ne désarment pas et, bien que se situant désormais hors de la cour de Hué, maintiennent des contacts avec elle. Un lettré originaire du Nord Annam, Phan Bội Châu, inaugure une nouvelle phase de l'insurrection, qui se base sur les milieux de l'émigration et des sociétés secrètes. En Chine puis au Japon, il prend contact avec des personnalités comme l'ancien régent Tôn Thất Thuyết et le réformateur chinois Kang Youwei et, par eux, s'initie aux idées des Lumières. Phan Bội Châu publie au Japon un pamphlet contre la France, Lettre écrite d'outremer avec du sang; par la suite, galvanisé par la victoire du Japon dans la guerre russo-japonaise, il revient secrètement en Annam et s'allie avec un révolutionnaire républicain, Phan Châu Trinh, et un jeune prince royal, Cường Để. Ce dernier fonde à Formose une société secrète, le Viêt Nam Duy Tân Hoi (Association pour la modernisation du Viêt Nam) qui a pour but de former au Japon des étudiants annamites et de préparer la libération du Viêt Nam. À Hong Kong, des nationalistes vietnamiens achètent des armes pour les envoyer au Đề Thám. En 1906, le Gouvernement général réagit à l'attrait des nationalismes asiatiques en créant l'Université indochinoise, destinée à dispenser aux étudiants annamites une instruction comparable à celle qu'ils peuvent trouver au Japon.

Une crise politique donne aux nationalistes l'occasion d'agir. Les Français doivent en effet gérer la personnalité particulière de l'empereur Thành Thái, personnage «fantasque» dont le comportement scandalise les milieux conservateurs de la cour impériale; en outre, les ministres de l'empereur s'efforcent de préserver les prérogatives politiques. En 1907, les adversaires du roi parviennent à le faire taxer de folie et à obtenir son abdication et son exil; il est remplacé par son jeune fils, alors âgé de huit ans, qui prend le nom de règne de Duy Tân («réformes nouvelles»). Déjà dévaluée politiquement, la monarchie vietnamienne est cette fois avilie, le fait de remplacer un père par son fils constituant en outre un viol de l'éthique confucéenne. L'évènement, qui se conjugue aux mécontentements dus à la fiscalité, provoque une très forte tension au sein de la société vietnamienne. Le Viêt Nam Duy Tân Hoi passe alors à l'action et, en 1908, déclenche une série d'insurrections dans le Centre-Annam, à Hanoï et en Cochinchine. Le Đề Thám participe également à la lutte armée, jusqu'à sa mort en 1913. En 1908, des tirailleurs indochinois sont arrêtés à Hanoï pour avoir tenté d'empoisonner la garnison française et permettre aux troupes du Đề Thám de prendre la ville. Dans l'ensemble, les complots et soulèvements sont vite découverts ou maîtrisés; une intense répression policière s'abat sur les milieux nationalistes. L'Université indochinoise, bien que n'étant pas liée aux troubles, est fermée. À la demande de la France, le Japon ferme les écoles où étudient les Vietnamiens et expulse Cường Để et Phan Bội Châu. Les indépendantistes, réfugiés en Chine et revigorés par la révolution chinoise de 1911, animent un gouvernement provisoire présidé par Cường Để et agissent en Indochine par l'entremise de sociétés secrètes. Les idées nationalistes gagnent même le jeune Empereur Duy Tân qui, en 1916, s'enfuit du palais royal pour prendre la tête d'une insurrection fomentée par les sociétés secrètes. Repris, il est déposé et exilé auprès de son père, près d'Alger, puis à La Réunion, Khải Định lui succède sur le trône.