Faire le tri dans une polysémie...
Il y a le peuple, et les peuples...
Le peuple s'oppose aux classes dominantes, et donc sans (plus, ou toujours) constituer une classe lui-même, au sens marxiste, défini par des rapports de production. On se rappelle que la lutte des classes a été perdue, ainsi que le constatait Warren Buffet. Donc, il reste les masses laborieuses, mais ont-elles besoin d'être laborieuses?
Rancière aussi définit le peuple par la négative, comme les sans-part qui n'ont en propre que la liberté (et sont en cela égaux selon Rosanvallon), et Lordon dit que c'est le nom qu'on donne au sujet de l'histoire ex-post, tel qu'on l'a constaté quand l'histoire s'est faite.
Et puis il y a les peuples... Ou plutôt il n'y a pas, du moins pas souvent, pas longtemps. Je suivrais là Oswald Spengler qui constate que les grands événements de l'histoire ont produit des peuples. Le peuple américain, par exemple, doit son caractère au bouleversement psychique de 1775 et surtout à la guerre de Sécession de 1861-1865. Mais combien de temps cela a-t-il duré?
Valmy a créé un peuple français en même temps qu'une nation, qui a connu des péripéties et n'existe plus à l'heure qu'il est. La langue est bien entendu un élément fondamental, et l'accumulation d'une culture, dont quelquefois des religions... Paradoxalement, la destruction du temple par les Romains participe à la création d'un peuple juif dans une diaspora, peuple qui se dissout pour près de 2000 ans, avant d'être recréé par les nazis; mais qui n'est pas le peuple israélien qui lui a succédé, réduit à une nation dans les limites d'un état.
L'état est lui-même une invention relativement récente. En France, on peut le dater à Philippe IV le Bel. Mais les limites des trois concepts sont floues. On voit qu'on peut concevoir un peuple sans nation ni état, une nation sans état, un état sans peuple...
Keywords: people state language
19 octobre 2025