Dialogue entre Vincent et Lanarcam sur le caractère inné ou acquis de l'art.
Vincent :
C'est qu'en fait il y a autant d'art que d'artistes et que de « spectateurs ». La notion d'art ressortit à un esthétisme personnel qui n'a pas à être sanctionné par un formalisme quelconque, à la différence de la science. Autrement dit, la science est universelle au sens où chacun pratique la même, l'art est universel au sens où chacun pratique le sien. Cependant, j'ai personnellement des limites au-delà desquelles je range les œuvres dans la catégorie « foutage de gueule » ou « escroquerie » plutôt que dans celle d'art. Mais bien sûr, je garde ce jugement pour moi et n'essaie pas d'en convaincre les autres.
Lanarcam :
Je ne vais pas vous en vouloir, concernant le « foutage de gueule », je partage votre avis. Certains se font de l'argent facile. Pourtant, je barbouille un peu avec des amis le samedi et je peux souvent dire qu'une forme ou une tache a une qualité artistique et en général, les autres partagent mon avis. Il existe un goût partagé par beaucoup et qui tient de l'universel.
Vincent :
Difficile dans ce cas de séparer l'inné de l'acquis. On a depuis longtemps tenté de justifier une certaine forme d'inconscient collectif artistique par un penchant inné pour des invariants. Mais est-on bien sûr qu'il s'agisse là de goûts innés, ou bien de penchants transmis, plus ou moins volontairement, par les générations antérieures ? Ne dit-on pas aussi que les goûts s'éduquent ?
Lanarcam :
Je pense qu'il existe des formes en peinture ou des harmonies en musique qui font « vibrer » nos récepteurs de façon à produire une sensation de beauté, celle ci est peut être inscrite dans nos gènes, dans notre inconscient ou ailleurs, mais elle est en tous cas partagée par beaucoup. La beauté peut se définir alors en dehors du ressenti d'un individu particulier.
Vincent :
Je suis d'accord en ce qui concerne la musique. Il y a effectivement des accords qui paraissent harmonieux en raison de lois physiques, comme la coïncidence d'harmoniques, sans parler des notions de timbre. Pour la vue, la situation est plus complexe, parce que l'ensemble des paramètres perçus est plus important. Il y a des questions de forme, d'agencement, de couleur voire même d'illusion. Mis à part les formes les plus élémentaires dont la reconnaissance est codée dans les colonnes de neurones des zones V2 et V3 du cortex, la perception consciente de la vision reste un mystère.
Il est possible que certains patterns visuels complexes activent des groupes de neurones particuliers qui sont eux-mêmes reliés à certains centres du plaisir (esthétique). Mais là-dedans interviennent certainement des facteurs linguistiques (mais bon sang, qu'est-ce c'est ?) qui modulent les appréciations et interviennent en retour sur la perception. Les mécanismes cérébraux sont circulaires. En ce qui concerne cet aspect, l'expérience la plus connue est celle de présenter une manchette de journal à un observateur juste à la limite de sa portée visuelle.
On lui lit ensuite le titre, et la ligne devient subitement claire.