« On ne vote pas les lois scientifiques. »
En effet. Mais le vote n'est qu'un instrument, surévalué, contingent dans l'histoire des sociétés occidentales. Utile à certaines époques et dans certains contextes ; dévoyé et délétère à d'autres.
La science est elle aussi un instrument, qu'on peut également utiliser à contre-temps, à contre-emploi.
Et pourtant, dans notre société postmoderne, qui se caractérise donc par une complexité organique, faite de propositions indémontrables et d'effets-rebond, dans laquelle le meilleur critère de rationalité est la « réfutabilté », selon une théorie elle-même non réfutable, société dans laquelle la politique ne se conçoit que comme « démocratie », avec tout ce que ce mot a de désespérant, science et démocratie, donc, ont beaucoup en commun.
L'une et l'autre reposent non pas tant sur un contenu, des certitudes, que sur une méthode : le débat, la transparence, la mise en commun, non des conclusions, mais des données, des expériences, des conjectures, des théories : ce qui encourage la confrontation, la divergence... dans l'espoir sans doute que celle-ci se résorbe tendanciellement, mais non qu'elle disparaisse.
Un autre point de départ sur ce parallélisme : dans la pensée « moderne », on découvre des lois immanentes, puis on les applique ; dans la pensée « postmoderne », on les invente (les infère), elles sont transcendantes. La démocratie moderne est essentialisée, toujours déjà morte. En postmodernité, et comme dit Latour : « la science est morte, vive la recherche ».
On ne vote pas les lois, mais on les choisit. Cela paraît choquant quand il s'agit de l'Intelligent Design (qui rejette la théorie de l'évolution) ou de la platitude de la Terre, mais Poincaré faisait déjà remarquer comment la science choisit les faits, et Kuhn comment les paradigmes se forment autour de problèmes et d'hypothèses, créant quelquefois sur de longues périodes des noyaux incompatibles et qui peuvent paraître irréconciliables.
L'arbitraire anti-sciences est à son apogée dans la critique du wokisme, qui disqualifie a-priori toute expertise dès que celle-ci peut affecter certaines attentes idéologiques. Celle-ci puise ses sources dans les stratégies utilisées par les industriels de l'amiante, du tabac, et de l'agro-chimie pour protéger leurs intérêts et détourner la recherche des conséquences délétères de leurs activités commerciales.
septembre 2023