Le rôle du banquier

J'écoutais une émission de France Culture sur Keynes. On y rappelait sa métaphore des concours de beauté : le choix des marchés ne se porte pas sur les meilleurs projets qui leur sont présentés, mais selon une logique spéculative, sur ceux sur lesquels ceux-ci anticipent que se porteront les suffrages des investisseurs concurrents. Il en résulte une prophécie auto-réalisatrice, structurellement conservatrice.

Plusieurs collisions. Dans la logique libérale, les investissements sont guidés par l'anticipation du profit. La main invisible du marché récompense les investisseurs clairvoyants, ce qui est censé garantir l'intérêt général, par le processus du ruissellement. On voit comment la spéculation des concours de beauté entre en conflit avec cet idyllisme.

La logique dirigiste, planificatrice, socialiste, selon les termes qu'on voudra employer, oriente l'investissement directement selon une vision rationalisée de l'intérêt général. Cela engage bien sûr une grande responsabilité, et encourt des risques d'erreur. Par contre, la rationalisation assumée permet a priori de s'affranchir d'un asservissement à des instruments primitifs de quantification tels que le PIB, et son aveuglement aux externalités.

Enfin, à bien y regarder, la main du marché n'est pas si invisible que Smith l'envisageait. C'est qu'elle n'intervient pas seulement a posteriori, sur les résultats, mais aussi a priori, sur les prêts accordés par le banquier, et qui résultent dans la création monétaire. C'est bien la création monétaire qui favorise les anticipations de retours sur investissement, au lieu de favoriser l'intérêt général !