En 2005, Michel Onfray prétendait mettre à jour une phrase de Sartre en affirmant : « le libéralisme est l'horizon indépassable de notre temps ».
Il n'avait pourtant pas compris que le libéralisme lui aussi (c'est-à-dire, comme le marxisme avant lui) était déjà dépassé (Deleuze faisait remarquer qu'on n'a pas besoin de franchir l'horizon pour le dépasser) ! Ça faisait pourtant déjà longtemps qu'on parlait de « capitalisme rhénan » et de « libéralisme américain » pour distinguer deux tendances divergentes de ce qui avait, depuis Adam Smith jusqu'à Ricardo et Marx (Marx, avec son accumulation primitive, n'était déjà plus dupe), été une seule et même idéologie, un seul et même système, inscrit dans des rapports de production.
Un historien, Arnaud Orain, dans une émission de radio de Sylvain Bourmeau, plante pour moi le dernier clou dans le cercueil du libéralisme. Le libéralisme des origines était bel et fondé sur l'espérance d'une croissance infinie des richesses, qui permettrait à tous de profiter de l'activité de chacun, mais il y a belle lurette que, n'en déplaise à Kenneth E. Boulding, même les économistes (peut-être encore les fous ?) ne croient plus en cette croissance sans fin.
Margareth Thatcher était déjà souverainiste, et n'avait pas attendu Trump et Musk pour défendre des privilèges acquis nationaux. L'État n'est démantelé que pour être privatisé ! C'est le cas à Francfort, mais aussi à Paris, et maintenant au grand jour à Washington. L'abandon du mythe libéral est bien sûr un aveu de faiblesse, devant la peur de perdre la compétition face à la Chine.
[Barbara Stiegler parle de néo-libéralisme, avec Walter Lippmann comme figure centrale, pour ce que j'appelle ici capitalisme, et d'ultra-libéralisme pour mon libéralisme, en mettant Thatcher avec des réserves dans le second]
Bien entendu, les limites du monde se resserrent, et même si the winner takes all, ce tout ne permettra sans doute pas au capitalisme de survivre à l'essoufflement de sa capacité à motiver les acteurs d'une économie à la dérive.
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février 2025