12 Orientation et ajustement

La disponibilité de Joe aux enseignements du Groupe AUM était totale, et il faisait des progrès énormes dans ses ajustements à sa nouvelle vie. Se soumettre au processus de la traversée de la Vallée de l'Ombre, lui avait dessiller les yeux, au point qu'il savait, d'un savoir au-delà de l'intellect, qu'il se trouvait ici à sa place d'épanouissement. Ici se trouvaient des gens – et ici était l'endroit – où il pouvait faire confiance, se donner sans réserve ; il n'avait pas besoin de se préserver.

Joe plongeait dans sa nouvelle vie avec un rare enthousiasme et une énergie sans limite. Par bien des aspects, il était globalement encore le même Joe, tenancier de bar, qu'il avait été. Si le concept de 'diamant brut' lui était applicable, on pourrait alors affirmer qu'en tant que diamant il restait certes brut. Il avait besoin d'être sérieusement poli. Il était encore brut de décoffrage, sa façon de parler et sa commande de la langue laissaient à désirer, et la force de ses muscles et de ses poings lui servait encore d'argument.

Il participait de temps en temps à des réunions du groupe AUM, leur faisait part de ses progrès mais il était trop occupé pour rester très longtemps.

Leonard Worthington lui demanda un soir ce qu'il faisait maintenant, à quoi il répondit : 'Je travaille avec des gars qui sont comme j'étais, j'les secoue et j'les mets au garde à vous pour les faire marcher droit, c'est ça que j'fais. Mais on est un groupe super maintenant. Et savez quoi? J'ai trois assistants. Ils m’obéissent! Je les fais marcher droit, et je veux voir qu'une seule tête. J'avance!'

Après le départ de Joe, Aramias commenta : 'Notre ami est tellement occupé et travaille si dur qu'il peut à peine se maîtriser. Il ne prend plus le temps de s'arrêter et de s'examiner. Il veut être partout à la fois. Il finira par apprendre un peu de diplomatie. Mais il fait le travail d'une demie-douzaine d'hommes. Et j'en profite pour vous dire qu'il n'a pas encore questionner ses idées sur la façon de traiter les gens. Il peut être patient et gentil et aimable mais s'il n'obtient pas les résultats rapidement alors il veut – comme il dit – leur cogner la tête. Son interprétation est que Dieu retire Ses gants quelque fois. Et peut-être, quelques uns méritent-ils le traitement qu'il leur réserve. Il m'a dit l'autre jour : 'j'vous dit, chef, faut pas épargner les ch'vaux ici.'

Ces choses étaient néanmoins superficielles, et il était évident qu'un processus de raffinement était à l'oeuvre. Souvenez-vous que lors de sa seconde visite au groupe AUM, il mentionna son désir d'améliorer son langage. Mais surtout, et c'est le plus important, les motivations de Joe étaient entièrement transformées. Il avait conscience d'un désir dévorant dans deux directions. Il voulait tout apprendre sur son nouveau monde, aussi vite que possible. Et, dans un renversement d'attitude complet dans ses rapports avec les gens, il se découvrit une urgence à aider ceux qui se trouvaient dans l'état qu'il avait connu, et à les convaincre de faire le premier pas vers une amélioration de leur condition. Ceci est en total accord avec l'intention prédominante de ce côté, qui est d'aider aussi bien les personnes encore sur le plan terrestre que celles qui ont quitté la terre mais non pas pu compléter leur transition.

Un des récits ultérieur de Joe au groupe Aum fut le suivant : 'Savez ce que je fais maintenant? Je peux parler à ceux qui sont dans la même panade que j'étais. Sûr, y'en a qui m'dise que j'suis cinglé. Et plein aiment pas que le prêtre m'aide, et s'ils aiment pas les catholiques, ils dégagent et s'trouvent leur propre pasteur et qu'il les aident. Mais y'a plein de gars qui veulent avancer plutôt que de glander comme moi j'faisais. Aramias m'a fait une promesse. Vous savez que j'ai donné un coup de main à plein de gars du coté où vous êtes encore. Sûr, je connaissais pas tous ceux qui venaient au bar; ils allaient et venaient. Mais y'en a plein que je connaissais et je garde un œil sur eux. Et quand ils arrivent ici, Aramias va me laisser les rencontrer et je vais essayer de les aider à rester ici plutôt que d'avoir envie de retourner sur terre. C'est mon boulot.'

Chaque personne est accueillie à son arrivée de l'autre côté, et toujours par un semblable. Les personnes que Joe devait accueillir étaient comme lui; il avait été un des leurs. Il était donc probable qu'ils l'écouteraient plus volontiers que quelqu'un qui n'avait pas d'expérience personnelle de leur besoins et de leur mentalité.

L'intense désir de Joe d'apprendre, allié à un instinct grégaire, lui permit de recueillir des informations sur toutes sortes de sujets auprès de presque chaque personne côtoyée. De ses conversations, il glana que les gens qui arrivaient ici, avaient de multiples expériences, croyances et degrés de conscience, qui conditionnaient leur départ dans leur nouvelle vie. Joe se renseigna sur les hôpitaux et leur rôles, n'y ayant jamais beaucoup pensé au fils des années mais croyant plutôt qu'ils ne seraient pas nécessaires ici. Il lui fut répondu : 'Nous avons besoin d'hôpitaux, nous avons toutes sortes d'équipements pour chacun. Chaque arrivant apporte sa personnalité terrestre avec lui; et chaque personnalité a certains besoins, certains sont aigus et nécessitent une attention immédiate. Beaucoup d'individus font leur transition dans les hôpitaux de la terre. D'autres, privés de soins avant leur transition, en sentent le besoin. Toutes ces personnes apportent avec eux leur conscience d'un besoin de soins et pour répondre à ce besoin, nous avons des hôpitaux. Des assistants qualifiés leur prodiguent les soins avec une attention pleine d'amour. On leur donne des 'tranquillisants' spirituels qui les guérissent. Les soins leur sont donnés aussi longtemps que nécessaire – jusqu'à ce qu'ils soient revigorés et ayant retrouvé leurs forces, ils puissent découvrirent les merveilles de leur nouvelle vie.'

Joe et son enseignant visitèrent alors un hôpital. Joe pensa qu'il était très similaire aux hôpitaux terrestres, si ce n'est que l'édifice était plus beau que ce qu'il avait jamais vu, une beauté inconnue à des yeux tri-dimensionnels du plan terrestre.

Il se tenait dans le couloir, muet d'étonnement devant la taille et la beauté de l'édifice et sa fonction cruciale dans la vie des nouveaux arrivants, et il remarqua une jeune femme occupée à des tâches bien modestes, mais qui semblait néanmoins être une personne avec beaucoup de charme, d'intelligence et des manières courtoises. Le paradoxe apparent fit que Joe s'en ouvrit à son compagnon.

'Je ne suis pas surpris que tu remarques sa dignité et son maintien. Elle s'appelle Frances. Elle était très connue sur terre. Je vous ai dit que tous les individus quittent le plan terrestre avec certains besoins. Certains veulent d'abord des soins dans un hôpital comme celui-ci. D'autres ont simplement et profondément besoin d'amour. Les besoins varient grandement et nous pouvons répondre à tous. Quand Frances est arrivée, elle était hautaine et méprisante. Il lui fallut beaucoup de temps pour réaliser – ou admettre – qu'elle devait tout d'abord apprendre l'humilité. Elle a choisi ce travail, avec ses tâches subalternes, dans ce but. Elle apprend vite et bientôt elle pourra se consacrer à d'autres tâches qui rempliront d'autres buts.'

Tandis qu'ils quittaient l'hôpital, l'enseignant approfondit avec Joe la question des différentes catégories de nouveaux arrivants. En plus de ceux qui nécessitent des soins hospitaliers, beaucoup d'individus (en fait, pratiquement tous ceux qui ne sont pas malades) ont besoin de repos. Peut-être y a-t-il eu une période de santé fragile avant la transition; peut-être y a-t-il eu de la fatigue du corps et de l'âme. Dans tous les cas, les personnes apportent les effets de leurs vies sur terre et elles sont fatiguées. Même une période courte – comme dans le cas de Joe - est nécessaire pour pouvoir assimiler et comprendre ainsi que s'acclimater aux nouvelles circonstances. Et Joe était une personne pleine d'une énergie sans limite. Il ne voyait pas pourquoi quiconque voudrait se reposer plutôt que d'explorer ce merveilleux nouvel environnement. Gyril les avaient rejoints et intervint.

'Je comprends que tu dises cela. Tu pourrais penser qu'en tant que prêtre, j'aurais été préparé pour la vie de ce coté. A mon arrivée, j'ai vécu des expériences fascinantes en revoyant d'anciens amis. Comme toi, j'étais en extase devant toutes ces beautés et j'étais avide de tout voir d'un coup. Mon ami, plein de sagesse, m'a suggéré de me reposer après la longue maladie que mon corps avait souffert. Je n'en avais pas envie, mais mon ami a insisté et je me suis plié à sa volonté. Je pense que je me suis reposé plusieurs mois en temps terrestre. Le temps nécessaire varie avec chaque personne, selon leur besoin et leur état de conscience. Cette période de repos sert aussi à continuer le processus de la rupture des liens d'avec la terre, commencé lors de la traversée de la Vallée de l'Ombre'.

'Cette période sert un autre but aussi', ajouta leur autre compagnon avant de les quitter. Certaines personnes, à leur arrivée, vont dormir simplement à cause de leur niveau de conscience. Elles ont quitté le plan terrestre persuadées qu'après leur transition, la seule chose normale à faire est de dormir. Et c'est donc ce qu'elles font, comme elles s'y attendaient.'

Joe demanda ce qui arrivait après cette période de repos.

Gyril lui répondit que cela dépend beaucoup de ce que l'on veut. 'Certaines personnes ne veulent rien, et elles ne font donc rien. La plupart des gens commence à se préparer pour la 'carrière' à laquelle ils veulent se consacrer. Cette 'carrière' peut, ou pas, être en relation avec leur occupation passée.

Un qui aurait toujours voulu étudier la musique mais n'aurait pas pu, soyez certain qu'il en aura l'occasion ici. Il pourra y consacrer tout son temps. Un autre qui voulait être professeur, aura ici toutes les opportunités. Ce n'est pas comme c'était sur le plan terrestre. Là-bas, à un certain âge, si vous vouliez étudier la musique ou devenir un professeur, vous vous disiez 'je suis trop vieux pour apprendre', ou vous n'aviez pas le temps de retourner à l'école pour acquérir de nouvelles compétences. Ici, vous n'êtes jamais trop vieux. Le temps ne se compte pas en années, comme sur terre. Et, de plus, il n'y a aucun besoin de longs apprentissages ici. Quand vous souhaitez apprendre quelque chose, il n'y a pas les distractions du monde pour vous en empêcher, et la connaissance semble se dérouler devant nous quand notre désir d'apprendre se manifeste. Le désir est la clef.'

De nombreuses personnes, après avoir trouver leur orientation, se rendent compte que leur souci principal est celui du bien-être des gens encore sur terre. Ce souci peut concerner un nombre spécifique d'individus, ou concerner l'humanité souffrante en général. De plus, ce souci peut concerner le champ spirituel, ou le domaine médical, scientifique, ou encore le champ des relations humaines; tout ce qui intéresse les humains.

Joe voulut savoir si ces personnes retournaient alors travailler sur le plan terrestre.

'Oui, elles le font. Beaucoup d'assistance et d'aide réciproque sont échangées entre les deux plans. Tu auras l'occasion d'observer ces échanges et, si tu veux, d'y participer.'

Joe savait qu'il n'était pas encore en mesure d'aider dans ce rôle entre les plans, mais il savait qu'il pouvait parler avec ses semblables qui avaient besoin de réassurance et d'encouragement. C'était sa voie et il s'y engageait.

Joe continua à réfléchir à ces échanges entre les plans, puis demanda : 'Ce groupe qu'Aramias m'avait fait rencontrer à la Fondation – ils ont pu me parler alors que personne d'autre ne m'entendait. J'ai jamais compris, pouvaient-ils aussi me voir?'

'Certains le pouvaient', lui répondit Gyril

'Mais ils pouvaient tous m'entendre quand je parlais à travers la dame?'

'Oh, oui'

'Mettons que l'un d'eux veuille me parler à un moment. Pourrait-il me contacter ici?'

'Il est possible aux gens du plan terrestre d'appeler les personnes qui sont de notre côté quand ils veulent un contact, mais ce n'est pas toujours une bonne idée. Certains habitants de la terre nous appellent juste pour avoir un mot de réconfort et être réassurés quant à notre présence, juste pour regonfler leur conviction chancelante d'une vie après la mort. Aucun ami à la Fondation ne ferait ça, car ils savent que cela peut retarder le progrès des individus ainsi contactés. Beaucoup qui sont ici ne sont pas prêts à retourner, et ne devraient pas être interrompus dans leur recherche d'orientation et dans leur développement, par des actions dues à un manque de connaissance. Votre famille, Joe, aurait pu vous faire du tort en vous pleurant trop longtemps et en refusant de vous libérer de leurs champ de conscience. Cela vous aurait retenu sur le plan terrestre et aurait rendu votre progression plus difficile.

'Je sais,' dit Joe, 'mais supposons, que quelqu'un dans ce groupe voudrait avoir une sorte d'amitié avec moi, ou que je voudrais y aller et leur parler?'

Gyril lui dit alors : 'Dès que tu sauras comment traverser seul l'atmosphère terrestre, tu seras libre d'aller et venir à ton gré. Mais souviens-toi que la plupart des gens, même à la Fondation, ne peuvent ni te voir ni être conscient de ta présence. Beaucoup peuvent nous voir et ressentir notre présence mais ils doivent souvent se former; ils s'y sont entrainés par la méditation et ont développé une capacité à augmenter leur réceptivité au-delà du champ des cinq sens. Donc, dès que tu auras reçu des instructions pour retourner et que tu pourras le faire sans dommage pour toi, et dès que l'ami que tu veux contacter sur terre aura développé sa réceptivité à ta présence, une relation d'amitié enrichissante sera possible.'

'Mais je peux parler à travers cette dame quand je veux, n'est-ce pas?'

'Oui, tu peux te manifester et elle saura que tu es là. Mais, bien sûr, tu ne vas pas aller lui parler juste pour te prouver que tu peux; et une personne comme elle ne va pas te rappeler juste pour prouver qu'elle le peut. Elle sait que voyager entre les deux plans n'est pas une mince affaire. Il y a beaucoup à apprendre. Quand chacun d'entre nous arrive de ce coté-ci, et je pense que c'est vrai, nous avons tout à réapprendre.'

SUITE : 13 La maturité