Rêves

Je relis en ce moment "Les Rêves et la Mort" de Marie-Louise von Franz; publié en 1984, c'est un livre précurseur toujours actuel, dont le seul objet est de répondre à cette question : Que disent les rêves sur la mort et le processus de la mort - que dit l'inconscient d'un être humain confronté à sa mort prochaine?

Je rappelle que l'inconscient jungien est créatif, il est source de renouveau de l'être, il est un interface entre le réel et le psychologique, un moyen de connaissance de ce qui est, et sa voie royale d'expression est le langage du rêve.

Marie-Louise von Franz était une brillante analyste jungienne et collaboratrice directe de Jung. Il s'intéressait vivement à ces rêves de fin de vie dont il disait qu'il n'était pas possible de les 'psychologiser'. Ils seraient des rêves métaphysiques à comprendre objectivement.

Les rêves donc parlent de la mort sans détour, l'inconscient peut prédire la mort et l'inconscient croit en une vie future; sans ambiguïté aucune, les rêves utilisent le langage symbolique pour annoncer la mort du corps physique et affirmer la continuation de la vie au-delà.

''L'analyse d'hommes et de femmes d'un certain âge fait apparaître dans leurs rêves une grande richesse de symboles, car ces personnes se préparent intérieurement à la mort qui approche. De fait, et C.G. Jung a insisté sur ce point, il est incontestable que la mort, en tant que fin abrupte du corps, n'a qu'une importance relative pour le psychisme inconscient. Tout se passe comme si la vie de l'âme, ou le processus d'individuation de chacun, se poursuivait normalement'', nous dit-elle.

Entrer en relation avec ses rêves permet de dépasser les oppositions croire/ne pas croire, de dépasser la fixité des dogmes; l'âme de la personne vit dans ce champ de force créatrice de l’inconscient en contact direct avec le réel. Le rêve, transformant les formes archétypales en expérience individuelle, se fait profonde initiation aux mystères de la vie, dans toutes ses dimensions. Contacter le rêve, comprendre son langage, offre le moyen le plus directe de se donner naissance hors de cette vie physique vers un état autre.

Marie Louise von Franz l'affirme : "Les rêves de personnes confrontées à la mort montrent tous que l'inconscient ne prépare pas la conscience à une fin totale, mais bien plutôt à une transformation et donc à un mode de continuation du processus vital que notre conscience ordinaire ne nous permet pas de saisir".

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Depuis mon analyse, les rêves font l’objet de toute mon attention; j’en ai rempli des cahiers entiers à une époque. Je ne les note plus de façon si régulière mais je m’efforce d’être consciente de mon état de rêve pendant la nuit.

Les ‘rêves de visitation’ sont différents, ils ont une qualité d’hyper-réalité qui les rend inoubliables et la rencontre avec l’être aimé est bien réelle.

Philippe est venu par deux fois et je lui en suis infiniment reconnaissante (ainsi que pour toutes les autres manifestations qui se sont déroulées sur une période d’un peu plus de deux ans). Ces visites apportent un immense réconfort car elles sont l’assurance que le lien perdure, que la mort ne nous sépare pas, et que l’être aimé va bien.

Lors de sa première visite, Philippe m’a transmis : ‘le chemin se déroule au fur et à mesure que nous avançons’. J’ai alors su qu’il nous appartenait de créer, d’inventer notre nouveau mode de relation. Nous étions chacun dans notre dimension propre, lui désincarné et moi encore dans cette matérialité, mais nous pouvions néanmoins continuer le chemin ensemble.

La deuxième fois, il m’est apparu magnifique, radieux, absolument vertical, il se tenait devant moi à une petite distance, me fixant dans les yeux avec son regard franc, un sourire plein de douceur aux lèvres, il pointait en un geste élégant son cœur avec sa main droite pour me signifier que tout allait bien, que tout était cicatrisé. J’ai compris qu’il s’était remis du choc de sa mort brutale et qu’il pouvait à présent s’ouvrir à son nouvel état.

Ma belle-soeur, quelques jours après sa mort, est aussi venue dans un rêve. Elle était très belle, presque hiératique, elle marchait/glissait vers moi. Je lui dis : ‘D...! Mais je te croyais morte’; en réponse elle me fit comprendre qu’on ne sortait pas de la vie par le même chemin que celui emprunté pour y entrer. Elle me transmit cette idée ‘d’un bloc’, télépathiquement et j’ai du mal à la transcrire en mots. Sans doute, sortons-nous de cette vie par le haut alors que nous y entrons par le bas, ce qui est vraiment un beau message plein de promesses.

Maman également, alors que notre relation n’était pas simple, s’est manifestée quelques temps après sa mort. Marchant dans des directions opposées, nous nous croisions de part et d’autre d’une paroi de verre. Elle me fit un geste qu’elle utilisait de son vivant pour dire que tout ça n’avait que peu d’importance, que ‘tout glisse sur les plumes d’un canard’. Il y avait quelque chose de résigné ou peut-être de désabusé dans son attitude, elle avançait sans s’arrêter dans une luminosité un peu voilée.

Quelques mois après la mort de mon père, je le rencontrais dans un ascenseur qui nous emportait au sous-sol et me tenant derrière lui, je l’entourais de mes bras pour l’aider à expirer. L’expir sortit de sa bouche dans un souffle sonore en même temps que son corps s’affaissait - le souffle vital avait quitté son corps et l’expression ‘rendre son dernier souffle’ prit pour moi alors tout son sens; j’éprouve encore le frisson sacré qui me parcourut. Ce rêve fut l’un des fils conducteurs qui me mena l’année suivante en Égypte - en effet, les rites mortuaires de l’ancienne Égypte comportaient un rituel de l’ouverture de la bouche.

Je pense vraiment que toutes les personnes endeuillées sont pareillement visitées mais malheureusement, dans notre culture extravertie, nous sommes trop enclins à négliger ou même à mépriser notre activité onirique; c’est ‘juste un rêve’, disons-nous, convaincus que seule la réalité extérieure est réelle. Nous écartons les messages et les visions comme des produits de l’imagination, des fabrications. Apprenons plutôt à discriminer entre l’imagination fantasmatique (répétitive et binaire) et l’imagination vraie; cette dernière est source de connaissance.

Le rêve est une des interfaces entre les dimensions, une voie empruntée par nos aimés pour nous contacter, une façon de se rencontrer à mi-chemin.

Que la rencontre se fasse au cours d’un état méditatif, ou onirique, ou autre état de conscience élargie, l’expérience est porteuse d’une grande charge émotionnelle et revêt un caractère d’hyper-réalité. Le souvenir est très persistant, plus que ne le sont les souvenirs de la vie courante, et il s’incruste dans tout notre être, provoquant une transformation spirituelle.

Le rêve anticipe aussi notre transition prochaine et nous permet ainsi de nous y préparer (voir mon billet # 5 de juillet 2017). Il est une partie intégrante du processus de transition et être attentif à notre activité onirique nous offre un aperçu de ce qu’il pourrait être.

Le rêve est un suprême moyen d’accèder aux informations sous-tendant la réalité physique, que ces informations soient d’ordre personnel ou qu’elles transmettent des connaissances d’autres dimensions spatiales et temporelles. Accueillons le rêve avec enthousiasme et reconnaissance.