Dr Peter Fenwick - Sceptique dans un premier temps quant aux récits d’EMI, un échange avec l'un de ses propres patients qui lui a décrit son expérience de mort imminente lui a donné la curiosité d’explorer le sujet. Il a depuis recueilli et analysé plus de 300 récits d'expériences de mort imminente et environ 2 000 récits sur ce qui se passe lors du processus de mort.
Fort de ses recherches, il soupçonne que la conscience humaine peut survivre à la mort corporelle et que la conscience humaine est plus qu'une simple fonction du cerveau.
Cette interview que j’ai plaisir à traduire et à vous présenter aborde aussi les besoins spirituels des patients près de la mort que les pratiques médicales modernes contrecarrent. En effet, nous ne pensons plus que nous sommes une âme éternelle momentanément incarnée alors nous éternisons l’agonie du corps physique par toutes sortes de techniques, et au long de cette lancinante déchéance l’esprit erre agard et ne peut transitionner vers cet autre état de l’être.
Je vous souhaite une belle lecture.
La conscience et le processus de la mort - Dr Peter Fenwick
Transcription et traduction de l’interview par Iain McNay sur Conscious TV
Iain : Peter est neuropsychiatre et nous allons parler des expériences de fin de vie, comment elles s’inscrivent dans le grand schéma des sujets que nous abordons très fréquemment et sous différents angles sur Conscious TV, à savoir que sommes-nous vraiment. Donc, Peter a écrit plusieurs livres. J'en ai quelques-uns ici. Le dernier écrit en collaboration avec sa femme Elizabeth est The Art of Dying. Nous nous concentrerons surtout sur ce livre pour l'interview d'aujourd'hui, ainsi que sur Hidden Door: Understanding and Controlling your Dream (La porte dérobée : Comprendre et contrôler le rêve), et sur In the Truth of the Light (Dans la vérité de la lumière), également co-écrit avec sa femme. Alors, commençons par votre intérêt dans les expériences de fin de vie. Comment est-ce arrivé ?
Peter : Je m'intéressais aux expériences de mort imminente. Les expériences de fin de vie sont assez différentes, mais avec les expériences de mort imminente je voulais un très bon modèle afin de pouvoir les examiner scientifiquement. Et si elles surviennent lorsque vous êtes malade, ou lors d’un accouchement ou d’un accident, vous ne savez pas dans quel état se trouve le cerveau, mais lors de notre première étude, nous avons pu constaté qu'environ dix pour cent des personnes qui subissaient un arrêt cardiaque avaient une expérience de mort imminente. Notre première question fut donc ‘Est-ce typique de toutes les expériences de mort imminente?’ et effectivement, il en est ainsi.
Lors d'un arrêt cardiaque, vous n'avez pas de pouls, pas de rythme cardiaque, pas de respiration et vous êtes cliniquement mort. Mais alors, comment pouvez-vous conserver vos facultés cognitives ou un esprit alerte lorsque vous êtes cliniquement mort? Cela n'a pas de sens. Donc, si c'est bien le cas, et nous pensons que ça l’est, cela doit signifier que l'expérience de mort imminente est le début du processus de la mort. Alors, j’ai voulu consulter les écrits sur le processus de mort : il y en a très peu. Ça n’intéresse personne. J'ai donc fait une très, très bonne prédiction ...
Iain : Pourquoi à votre avis ?
Peter : Nous avons peur de mourir. La dernière fois que vous avez parlé de la mort, avez-vous parlé de votre propre mort ou de celle de quelqu'un d'autre ? Je parie que vous avez parlé de celle de quelqu'un d'autre. Et cela s'appelle le ‘paradoxe de Freud’. Vous ne mentionnez pas votre propre mort ... très heureux de mentionner celle des autres. Nous avons peur de mourir.
Iain : Parce que nous faisons tout un plat de la naissance et du baptême et bien sûr du mariage, avoir des enfants ... il y a beaucoup d'informations là-dessus et on y consacre du temps, c'est spécial. Mais la mort est une chose qui indispose la plupart des gens, n'est-ce pas?
Peter : Oui. À Mettre sous le tapis.
Iain : et vous vous en occupez ... vous devez vous en occuper.
Peter : Absolument. Mais dans notre culture, ça remonte à la fin du 20e siècle et au 21e siècle. Voyez-vous, si nous étions des victoriens, nous aurions eu un ou deux frères décédés, une sœur décédée. La mort faisait alors partie de la continuité de la vie. Elle en est maintenant séparée, et bien sûr, si vous ne vous méfiez pas, vous pouvez vous retrouver à l’hôpital avec des tubes partout et sans l’autorisation de mourir car dès que vous commencez à mourir, les blouses blanches interviennent et vous ressuscitent. Ce n'est donc pas une situation confortable.
Iain : OK. Alors dites-nous en plus, ou donnez-nous quelques exemples de ce que sont les expériences de fin de vie. Que se passe-t-il effectivement ?
Peter : Bien. Nous avons dû faire nos propres recherches, et nous avons donc étudié les hospices et les maisons de soins palliatifs dans le sud de l'Angleterre et les hospices en Hollande, tout cela nous a procuré une partie de notre base de données. L'autre partie nous vient de nos appels à la télévision afin de recueillir les experiences des gens, et des articles de radio et de journaux. Nous avons donc une base d’environ 2 000 récits sur ce qui se passe lors du processus de mort, et c'est totalement, totalement fascinant. Ce n'est pas ce que vous pensez. La première chose qui se produit - et nous ne savons pas encore à quel point c'est courant, mais c'est certainement assez courant - c'est que vous avez la prémonition de votre mort et les prémonitions ...
Iain : le Dalaï Lama dit que vous en aurez la prémonition environ deux ans avant votre mort et si vous lisez ses écrits, il dit que si vous écoutez attentivement ... Je ne pense pas que dans notre société, nous pouvons écouter attentivement et être autant en phase avec nous-mêmes... mais vous obtenez des récits limpides.
Peter : Voici un joli récit. C'est un homme d’environ vingt-six ans, il a une femme et deux enfants et un beau matin il dit à sa femme qu'il sentait qu'il avait tout accompli - c'est fascinant en soi - et qu'il était temps pour lui de mourir, de partir. Alors il met tout en ordre - je tiens cette histoire de la mère de l'épouse qui dit qu'il n'était pas déprimé, parce qu'en tant que psychiatre, je me dis que ce type va se suicider. C'est ça la dépression. Mais il n'était pas déprimé. Environ deux mois plus tard, son métier l’amène à prendre l’avion et l'avion s'écrase et il est tué. C'est donc une sorte de prémonition.
En voici un autre. Une femme se réveille, absolument convaincue - pas d'images de rêve - mais absolument convaincue que sa fille est décédée. Elle sait que sa fille est morte et elle bouge alors dans le lit et trouve sa fille à ses côtés, et elle se dit : ‘Mon dieu !’ et elle réveille doucement sa fille. La fille se réveille, et la mère l’embrasse avec des larmes de joie parce que sa fille est vivante. La mère a décrit les sentiments qu'elle avait ressentis à son réveil comme exactement les mêmes que ceux ressentis deux jours plus tard, lorsque sa fille a été tuée dans un accident de la route. Ce sont donc deux exemples d’échelles de temps : une échelle à long terme et une échelle à court terme. Donc les prémonitions sont les premières choses qui arrivent.
Iain : Et comment gérer les prémonitions sans en avoir peur, parce qu’on se dit ‘ouah, mince alors’, j’ai cette prémonition et je sais que ma fille va mourir deux jours plus tard ... c'est assez difficile à gérer.
Peter : C'est très difficile à gérer, en particulier dans notre culture, car mourir ne fait pas partie de la vie. C'est une chose qui est une fin brutale ou peut l'être, et nous n'avons culturellement que peu de moyens pour la gérer. Si vous savez que ça existe, vous pouvez y faire attention, c'est la première chose, savoir que ça existe.
Une autre prémonition très commune - enfin commune dans le sens où les prémonitions sont rares, mais celle-ci est commune au sein de la rareté, si vous voyez ce que je veux dire ? - c'est la visite d'un parent décédé. En d'autres termes, le parent décédé apparaît dans votre chambre. Le récit courant est ... en voici un par exemple : la mère est à l'hôpital car elle s’est cassé des côtes ; le médecin dit qu’elle va bien… va mieux, et la famille s’attend à ce qu'elle rentre à la maison. Quand sa fille va la voir, elle raconte que son frère décédé est venu lui rendre visite, et la fille et la mère en discutent ensemble. Bien..., vous, certainement moi, seriez vraiment effrayé si votre frère décédé venait vous rendre visite, mais elle ne l'était pas. Elle en est heureuse. C'est vraiment intéressant parce que c'est l'une des façons dont on sait ... et puis la fille suggère qu'elle allait peut-être mourir et sa mère lui dit que oui, en effet ça se pourrait, et deux semaines plus tard, sans aucune raison, elle meurt.
Iain: Donc c'est une possible préparation, et quand quelque chose de final et de soudain se produit, ce n'est pas un tel choc pour l’entourage, pour les proches ?
Peter: Ça c'est une chose. L’autre chose, nous constatons en abordant la prochaine étape du processus de la mort que les deathbed visions (visions au lit du mourant) représentent le seuil suivant à franchir. Donc, je pense que la prémonition se trouve au début de ce seuil. Et je pense que vous avez tout à fait raison, elle a deux fonctions : l'une est de préparer à sa mort la personne qui va mourir, et ce qui est intéressant, c'est qu'après avoir reçu les deathbed visions, vos paroles changent. Supposons que vous soyez dans un hospice, gravement malade, et les deathbed visions se produisent. Ce sont des parents, nous avons étudié une centaine de visions et évalué la fréquence des gens qui apparaissent et les plus fréquents sont les parents, puis des figures spirituelles que vous ne connaissez pas, puis les frères et sœurs et ensuite ce sont les autres membres de la famille. Dans notre culture, nous voyons très peu d'anges. Dans le sud de l'Amérique du Nord, au Texas, ils voient beaucoup d'anges [rires]. C'est donc évidemment une chose culturelle.
Et les visiteurs viennent pour une raison bien précise. Ils viennent, dans notre série, dire à la personne mourante qu'ils reviendront la chercher. Et ils lui donnent une date, quand elle va mourir - vraiment ça c'est important, car vous pouvez dire à votre visiteur : ‘S'il te plaît, ne reviens pas à ce moment-là, car mon fils doit arriver d'Amérique. J'aimerais le voir afin de lui dire au revoir’, et ils s’y tiendront et ne reviendront qu’après l'arrivée de votre fils.
Iain : Alors on peut négocier ?
Peter : On peut négocier - un peu ! Vous ne pouvez pas demander à retarder pour participer à une super fête à l'hospice. Ça marchera pas ! Mais si c'est quelque chose de vraiment important, alors ils concèdent.
Iain : Élaborons sur ce point, Peter. Qu'est-ce qu’on a vraiment là ?
Peter : C'est vraiment intéressant. Vous pourriez tout d’abord dire que c’est dû à des hallucinations. Ils sont en train de mourir, le cerveau est fichu, ils sont sous drogue, c’est causé par la morphine, ou leur foie est défaillant, ou leurs reins sont défaillants. Mais en fait, si vous examinez les deathbed visions, ce n'est aucune de ces raisons, ce n'est pas confusionnel, ce n'est pas comme une hallucination liée à la drogue, c'est quelque chose de très différent. Cela se produit dans une conscience claire. Il semble donc que le sens est tout autre, supérieur à celui que notre science rationnelle ordinaire peut lui trouver. Un point de validation (nous en avons dans notre propre série) dans l'une des célèbres séries de Barrett à la fin du 19ème siècle (il avait enquêté sur ce sujet) se trouve dans le fait observé de quelqu'un en train de mourir, et ce quelqu’un sait pour sûr, par exemple, que sa mère est en parfaite santé, mais en fait elle meurt. Les autres membres de la famille décident de ne pas lui en parler pour qu'il ne le sache pas, cependant il reçoit des visiteurs en deathbed vision et parmi eux se trouve sa mère. Et ainsi vont les témoignages, la personne mourante demande : ‘Que fais-tu ici ? Pourquoi es-tu venu ? et généralement le visiteur répond qu’il est mort. Cela signifie donc que l’on n’a pas affaire à une visite attendue, puisque le mourant pense que ces personnes sont encore en vie. Donc, je crois ... cela soulève des questions plus profondes quant à la nature de la vie et la nature de la conscience.
Iain : Il me semble, ne connaissant pas grand-chose au sujet et en y réfléchissant juste comme on en parle, que c'est tout un processus de préparation qui se met en place ...
Peter : Oh absolument.
Iain : ... et c'est probablement quelque chose qui, comme vous le disiez plus tôt, nous était familier dans les cultures premières mais que nous avons perdu dans notre culture contemporaine.
Peter : Oh absolument. Comment pouvez-vous recevoir et voir des visiteurs à votre chevet, alors que, premièrement, on vous administre tous ces médicaments lorsque vous vous approchez de la mort et, deuxièmement, que vous êtes entouré de tous ces tubes et autres machines - vous ne pouvez pas vraiment parler. Non. Dans notre culture nous avons perdu l’art de mourir et nous devons vraiment le retrouver car mourir est vraiment extraordinaire.
Donc les deathbed visiteurs disent qu'ils sont venus pour emmener les mourants en voyage et c'est plutôt clair et précis. Comme je l'ai dit, le vocabulaire change, le mourant dit : ‘Quand je pars ...’, ‘Quand je m’en vais ...’, ‘Quand je rentre chez moi ...’, parfois même ‘Quand je tombe ...’ - voyez-vous ? Il y a maintenant un mouvement en avant et hors de l'hospice qui n’existait pas avant l'arrivée des deathbed visiteurs.
Iain : Et il me semble que ça émane complètement d’un espace d'amour et d’assistance. Ils ne viennent pas du tout pour choquer. Ils viennent offrir leur aide pour cet important voyage, ce voyage final ...
Peter : Ils viennent pour prêter assistance. C'est absolument vrai.
Iain : ... un début de voyage vers une suite indéterminée, on ne sait laquelle.
Peter : Oui, et à ce propos l'autre point important, c'est que c'est extrêmement rassurant pour les proches du mourant, les vivants, car la personne qui meurt dit toujours : ‘Tu sais, j'ai vu ma mère. Elle dit qu'elle reviendra pour moi et que tout ira bien’, et c'est vraiment agréable et réconfortant.
Iain : Donc ça soulage la pression. Une autre chose que vous mentionnez dans votre livre The Art of Dying, c’est qu’on ne parle pas de la mort alors que la personne est manifestement en train de mourir. Très rarement, les gens demandent : ‘Êtes-vous en phase avec ce qui va se passer ?’ C'est comme si les gens veulent un rétablissement miraculeux , ou alors c'est un sujet refoulé.
Peter : C'est vraiment, vraiment difficile, en particulier pour les enfants qui savent qu'ils sont en train de mourir et que leurs camarades entrent et disent : ‘A bientôt dans une semaine au football !’
Iain : Oui.
Peter : Et ils savent qu'ils sont en train de mourir ... et c'est inapproprié. C’est à dire, ce que vous devez dire, c'est : ‘Comment vas-tu?’ et ‘Es-tu inquiet de ce qui arrive ?’ et ainsi de suite ... parce que les enfants savent ce qui va se passer.
Iain : Oui. C’est intéressant, et quelques souvenirs me reviennent. Je me souviens, ça remonte à plusieurs années, un ami était en train de mourir d'un cancer dans un hospice de Hampstead. Nous avions une relation superficielle, une rare étreinte rapide à la manière des gars. J'étais donc avec lui et lui était dans son lit ; il était très faible ... et il voulait vraiment me serrer dans ses bras. Nous n'avions pas vraiment ce genre de relation. Et nous nous sommes étreints pendant environ dix minutes, ce qui ... et je me suis senti plutôt gêné mais j’ai accepté, ça me convenait, et puis d'autres personnes sont arrivées et nous ont regardés et ils ont éprouvé beaucoup de gêne. J'ai alors réalisé - il est mort le lendemain - j'ai réalisé qu'il savait probablement qu'il serait parti le lendemain et que c'était sa dernière étreinte humaine ...
Peter : Oui.
Iain : ...et c'était ce qu'il voulait. Il semblerait que toutes ces idées viennent aux mourants et ... bien qu'il ait eu le courage de me le demander, la plupart n'ont pas le courage de dire : ‘C'est ce que j'aimerais dans mes dernières heures’.
Peter : C'est tout à fait vrai et malheureusement, c'est très difficile pour les personnes mourantes si leurs expériences ne sont pas validées par le personnel. Ils savent que leurs parents décédés leur ont rendu visite, ils en connaissent l’importance, alors quand quelqu'un entre et dit : ‘Oh, pas d’inquiétude. Ce ne sont que les drogues. Ça va bientôt se dissiper’, ils se sentent complètement abandonnés et dépossédés. Ce qu'ils veulent, c'est que l’expérience soit validée : ‘Oui, ce sont vos parents décédés, oui ils viendront vous chercher’. Mais on ne le dit pas.
Iain : Sur quels autres aspects des expériences de fin de vie peut-on maintenant se pencher ?
Peter : Bien, c'est donc la première chose qui arrive. La suivante à se produire, et c'est là que se trouve une validation, c'est que vous semblez ... vous êtes dans l'hospice - ça n’arrive pas à tout le monde, mais seulement à certaines personnes - et vous pénétrez dans une autre réalité et puis de retour à l'hospice, puis à nouveau autre réalité, puis retour à l'hospice, ainsi de suite. Et quelle est cette autre réalité ? Fascinant ! Vous vous souvenez de ma prédiction ? Ce sera l'expérience de mort imminente. C'est absolument vrai. Une dimension emplie d'amour et de lumière, d'êtres spirituels et de parents décédés. Voilà, c'est très similaire à l'expérience de mort imminente.
Et il est évident à la personne mourante que ces visiteurs sont là pour les aider à traverser le processus de mort et quand elles seront enfin mortes, elles seront épaulées. Puis elles sont de retour à l'hospice et certaines disent : ‘Mon Dieu. Suis-je revenue ?’ en regardant autour d’elles, et elles vont et viennent. Ce serait donc un aperçu de ce qui pourrait arriver. Mais ça se produit dans une conscience claire. Ce n'est pas un monde d’hallucinations. La conscience est claire. Et ça ressemble beaucoup à l'expérience de mort imminente. Je pense donc qu’en ce sens l'expérience de mort imminente est un modèle de commencement du processus de mort.
Iain : Bien. Alors, approfondissons la façon dont cela vous a guidé dans vos recherches. Vous commenciez et vous entendiez - c'était quelque chose qui n'était pas documenté - vous entendiez ces récits. Vous les examinez. Qu'avez-vous appris pour vous-même et ce que ça signifie pour vous ?
Peter : Oh, ça signifiait énormément. Je pense probablement ... je veux juste mentionner deux autres choses car elles sont importantes. La première est ce que l'on appelle lucidité terminale. C'est la foudre avant la mort. On la nommait ainsi au 18ème siècle. C’était connu de tous. C'est le moment où les personnes atteintes d'Alzheimer, ou peut-être atteintes de démence, ou peut-être paralysées par un accident vasculaire cérébral et généralement profondément inconscientes, s'assoient soudainement, la pleine conscience revient et elles reconnaissent - si elles ont la maladie d'Alzheimer, elles en sont incapables depuis trois ans - elles reconnaissent leurs parents vivants, leur disent au revoir, souvent accueillent des parents décédés (donc ça fait partie des deatbed visions), puis elles se recouchent et meurent. Et donc ce type est paralysé depuis longtemps, et pourtant à ce moment-là, quelque chose de vraiment intéressant se produit. Ce phénomène a vraiment été ignoré par la communauté scientifique, mais je suis heureux de dire que maintenant les gens commencent à demander : ‘Comment cela est-ce possible ? Quel en est le mécanisme ?’ C'est très stimulant. Et puis ensuite ...
Iain : Eh bien, comment cela peut-il arriver ? Quelqu'un, comme vous le dites, est paralysé, ne peut pas bouger et soudainement peut s'asseoir ?
Peter : Oui. C'est vraiment difficile et cela suggère que notre connaissance du fonctionnement du système nerveux central et de la vraie nature de la conscience n’est pas encore correcte car selon notre compréhension du système nerveux central, ça ne devrait pas pouvoir se produire. Et donc ce que les gens en disent s'ils sont scientifiques, et ce n'est peut-être pas un mauvais point de vue à prendre, c’est ‘Eh bien, l'observation de ce qui se passe est erronée’. En d'autres termes, ce n'était pas vraiment comme ça, les gens ont projetté leurs désirs. Je pense que les données sont assez bonnes, mais nous avons besoin de plus d'observations, de passer un cap et de commencer à étudier les mécanismes.
Iain : Mais quel est votre sentiment ?
Peter : Qu'est-ce que je pense ?
Iain : Oui.
Peter : Je pense que c'est le commencement de ... tout le processus de mort me semble être une détente de la conscience et de nouvelles perceptions de la conscience se manifestent, telles les parents au chevet du mourant, par exemple. Puis la perception de cette autre réalité. Ensuite, la manière dont l'esprit peut fonctionner autrement et nous en arrivons aux coïncidences au chevet du mourant qui sont totalement fascinantes. C'est au moment de la mort et ...
Iain : Arrêtons-nous ici. Donc, ce que vous dites, c'est que d'une certaine manière différentes lois entrent en jeu, qui influencent le mouvement du corps et la lucidité de l'esprit à ce moment de la mort. Concernant la maladie d'Alzheimer ou la paralysie, la médecine moderne ne peut rien en faire ...
Peter : Si les observations sont correctes ... il est très difficile de les intégrer dans les limites de nos connaissances médicales.
Iain : Oui. Donc il semblerait que différentes lois existent, elles régissent ce que l'être humain est apte à faire, elles interviennent au dernier moment et cela pourrait faire partie intégrante du processus de mort ...
Peter : C’est quelque chose de ce genre. Et ça me parait un résumé aussi bon que possible tant que nous n’avons pas obtenu des données beaucoup plus précises, et que nous examinions ce qui se passe.
Iain : OK, vous étiez sur le point d’ajouter quelque chose ...
Peter : Oh fascinant. Absolument fascinant. Cela montre l'interdépendance des personnes. C'est très spécifique, nous avons des tonnes de récits et de témoignages et nous pouvons maintenant comprendre. C'est au moment de sa mort que le mourant ira rendre visite à une personne avec laquelle il est émotionnellement très étroitement lié. Et ça marche ainsi : vous êtes en Angleterre et vous êtes en train de mourir ... Oh pourquoi est-ce que je ne vous donne pas un exemple concret ?
Iain : Oui.
Peter : La mère est en Australie. Le fils est en bonne santé en Angleterre. La mère se réveille et sent que sa grand-mère décédée est là. C'est juste à côté de la plaque. Alors elle se rendort et dans son sommeil - et c'est la deathbed coïncidence - son fils lui apparaît et il semble trempé. Et alors qu'il se dirige vers elle - et une fois de plus c'est comme dans une sorte de tunnel - il pénètre dans la lumière. Et quelle est cette lumière ? la lumière de l'amour et de la compassion est toujours présente. Il entre dans la lumière. Il lui transmet un message : ‘S'il te plaît, ne t'inquiète pas pour moi, maman. Je vais bien’. Et elle sait qu'il est mort, mais elle sait qu'il ira bien ...
Iain: Oui
Peter : C'est donc un rêve très encourageant. Alors bien sûr, le lendemain matin elle appelle en Angleterre pour savoir comment va son fils, mais elle sait qu'il est mort et effectivement il s'est noyé dans un accident de bateau la veille au soir, au moment où il lui apparaissait, pour autant qu'on puisse retracer la chronologie ... Mais rappelez-vous qu'il lui est apparu trempé, il y a donc des éléments de la scène qui filtrent dans le rêve.
Parfois la personne qui reçoit la visite est réveillée, alors là la visite est tout à fait autre chose. Vous éprouvez le sentiment très fort qu'une personne que vous connaissez bien est décédée, ou est en terrible danger. Parfois vous recevez un message : ‘je suis mort mais je vais bien’, mais ça n’arrive pas juste comme ça, ça s’accompagne de sentiments de mort, de danger, etc. Donc, ce n’est pas très agréable et généralement ça vous force à vouloir découvrir ce qui se passe. Donc, c'est différent selon que vous êtes réveillé ou endormi. Donc, cela montre qu'il y a une interconnexion très très forte, sans limites d'espace ou de temps, de sorte que les deux, la personne mourante et la personne à laquelle elle est émotionnellement connectée, sont très très fortement liées. C'est comme si, en un certain sens, ils ne faisaient qu'un. C'est un phénomène vraiment intéressant. Et bien sûr, c'est absolument merveilleux pour la personne qui vient de perdre son fils, ou sa femme, d'avoir cette visite.
Iain : Cela semble se connecter à la théorie des champs morphiques de Rupert Sheldrake.
Peter : Et même très bien ... et nous avons besoin de ces explications pour faire sens. Les deatbedcoïncidences sont extrêmement intéressantes. L’événement suivant - c'est le dernier - les phénomènes au moment de la mort sont stupéfiants, absolument incroyables. Comment les gens peuvent ne pas en parler et simplement les nier est sidérant surtout quand vous commencez à examiner l’étendue des données. Tout d'abord, les horloges s'arrêtent. Oui, les horloges s'arrêtent ! Juste les horloges mécaniques ? Non, même les horloges électroniques, elles se figent à l'heure de la mort de la personne. Incroyable. Des alarmes se déclenchent en hospice, des dysfonctionnements mécaniques affectent les appareils - le téléviseur - au moment de la mort.
Et un même lien émotionnel unit les personnes et leurs animaux. Donc les animaux le savent, votre chien hurlera, votre chat le saura. Et j'ai récemment reçu des récits d'une communauté urbaine où les oiseaux sont très importants, bien souvent les oiseaux se groupent sur la fenêtre de la chambre d'hospice où vous mourez, mais l'oiseau aura toujours un lien spécial avec vous. Si vous aimiez particulièrement les merles - eh bien, des merles se poseront. Ou vous verrez des volées d'oiseaux qui cerclent, mais vous devez avoir un lien émotionnel avec eux et nous avons aussi des récits où la personne mourante dit, vous vous en doutez : ‘Cet oiseau vient prendre mon âme’. Il y a donc un lien entre l'oiseau et la personne. Il y a plein d'histoires d'animaux comme celles-ci.
Ensuite, les gens voient des formes quitter le corps. De fait, le Dalaï Lama a une liste dédiée aux phénomènes qui se produisent au moment de la mort, le premier concerne les mirages que la personne mourante voit. Nous avons de beaux récits de formes floues quittant le corps, un peu comme une brume de chaleur, similaire au mirage du Dalaï Lama. L'étape suivante selon le Dalaï Lama, c'est la fumée. Nous aussi avons recueilli des récits de formes sortant sous forme de fumée, souvent de la tête. Puis viennent des étincelles, et les étincelles sont vues dans la chambre du mourant. Et la lumière, une lumière rayonne dans la chambre des mourants. J’hésite quant à savoir s’il s’agit d’une vraie lumière ou d’une lumière spirituelle. Parfois, ça semble être une lumière spirituelle parce que la narration est plutôt du genre : ‘Je l'ai vue mais mon frère ne l'a pas vue’. Bien, alors ça voudrait dire spécial pour elle. Mais d'autres témoignages décrivent la lumière qui sort de la chambre et se répand dans le couloir, et cela ressemble beaucoup plus à une vraie lumière. Donc, les choses des plus merveilleuses se produisent. Vraiment, c'est très spécial.
Iain : Je vous le demandais plus tôt, quel cheminement s’est opérée en vous-même dans votre façon de comprendre le réel ?
Peter : Eh bien, certainement, en ce qui concerne la mort, il est clair que la conscience est quelque chose de vraiment particulier. Et la façon dont la conscience se fragmente et quitte le corps a sa propre mesure que nous commençons tout juste à appréhender. Mais le fait que l'expérience de mort imminente, la vision d'une dimension transcendante, soit si étroitement liée aux événements du moment de la mort suggérerait que les deux sont en effet très étroitement reliés et que le transcendant est toujours présent.
Iain : Il me semble donc - et je ne veux pas trop en parler par moi-même, c'est pourquoi je souhaite que ce soit aborder avec vous - c'est comme si nous étions un champ, un champ connecté. Dans notre vie en tant qu'êtres humains, la plupart du temps, la plupart d'entre nous courons et vivons notre vie en pensant que nous sommes des individus séparés, bien que les grands maîtres nous enseignent autre chose, mais à mesure que nous approchons du moment de la mort, surtout très près du moment de la mort, c'est comme si nous étions à nouveau attirés dans ce champ et que nous en voyions à nouveau les signes, ce champ qui ...
Peter : C'est absolument vrai
Iain : ... en un sens, en fait ne nous a jamais quitté, mais que nous pensions avoir quitté.
Peter : Et si vous prenez l'expérience de mort imminente - je ne parle pas d'expériences de fin de vie - je parle spécifiquement d'expériences de mort imminente ... je parle d'expériences de mort imminente dans un très petit nombre de personnes. Pas les usuels tunnel, être de lumière, parents, tout ça ... pas ça. Mais les gens qui vont au-delà, et j'en ai de très beaux exemples, ils traversent une étape où leur forme se dissout en énergie pour devenir une partie - leurs mots - de l'énergie universelle. Ils se déplacent vers un point qui est en fait l'état fondamental de l'univers avec lequel ils vont finalement fusionner et donc la totalité existe dans les faits, tout est conscience, et les gens décrivent combien ce processus les a raffinés. Il est évident qu’on ne peut pas l’atteindre à ce stade. Vous devez toujours passer par une période de raffinage, alors l'énergie atteint un point où elle peut rejoindre et commencer à fusionner avec l'énergie universelle sous-jacente.
Iain : C'est vraiment intéressant - je savais peu de choses à ce sujet avant d’assister il y a quelques semaines à votre conférence et de lire votre livre - ces choses se produisent autour du moment de la mort et bien sûr il y a des signes et ils sont ... c’est très logique. Si nous tenons comme croyance ou comme hypothèse ou autre, notre connaissance que nous sommes le fondement de l'être, que nous sommes conscience, que nous sommes unité, alors bien sûr, nous en sommes issus et d’après ce que je comprends, les deux ou trois premières années après notre naissance nous ne ressentons pas la séparation.
Peter : Oui.
Iain : Notre personnalité ne la ressent pas, notre ego n’émerge pas vraiment avant l'âge de trois ans environ, si je comprends bien. C’est une période où nous pensons que tout est nous. Il semble que nous recommençions à nous en approcher au moment de mourir.
Peter : Oui, je pense que c'est exact, et je pense qu'à mesure que vous vous rapprochez de plus en plus de la mort, les structures mêmes de l'ego se meurent et vous êtes simplement laissé tel quel ...
Iain : Alors dites-nous en plus. C'est intéressant.
Peter : Le ressenti est que je suis absolument présent à l'instant. Et les choses que certaines personnes font, elles ôtent tous leurs vêtements, ce qui est vraiment symbolique d’ôter la personnalité. Elles enlèvent leurs bagues, leurs bijoux et elles veulent simplement être recouvertes d'un drap lorsqu’elles arrivent à la mort elle-même. Donc la différenciation, si vous voulez, par laquelle elles sont passées est totalement délaissée et il reste juste la conscience nue, qui est la seule chose ... et ce sont les symboles extérieurs.
Iain : Et le font-elles en toute lucidité ?
Peter : Oh, totalement lucide. Oui, aucun de ces comportements dont je viens de parler ne sont confus. Je veux dire que les comportements des patients confusionnels sont totalement différents. Non, c'est une étape que certaines personnes traversent. C'est parfaitement clair, c'est parfaitement lucide et si vous essayez de les rhabiller, elles vous diront si elles le peuvent : ‘Non, je veux être nue. Je veux être juste mon corps. Laissez -moi’.
Iain : L'autre chose qui m'intéresse, j'aimerais en savoir plus, vous avez mentionné des gens capables d’accomplir des prouesses physiques extraordinaires, pouvoir s'asseoir alors qu’ils sont paralysés. Vous avez aussi mentionné dans votre livre que des personnes souffrant d'Alzheimer pouvaient reconnaître et tenir une conversation, une conversation normale, avec quelqu'un qu'elles n’avaient pas vu depuis un certain temps, un parent ou un ami proche, et elles en avaient été incapables ces vingt dernières années, à cause de leur démence ou de l’Alzheimer. Donc ...
Peter : Ce n'est peut-être pas vingt ans, mais certainement trois ou quatre ans, oui.
Iain : Oui, peu importe. Mais, que se passe-t-il donc dans ces cas-là quand vous comprenez le fonctionnement du cerveau, qu'est-ce que ...?
Peter : C'est vraiment difficile de savoir. Si vous adoptez un point de vue scientifique, vous diriez que le processus de mort libère d'une manière ou d'une autre l'inhibition du cerveau. Les connexions qui ne se font pas normalement, se font pendant le processus de mort et cela facilite à la fois le mouvement et la mémoire afin que ces choses puissent se produire. Mais c'est une chose de le dire, c'en est une autre de détailler les engrenages réels de ce mécanisme, mais ce serait une explication de ce genre, ou alors vous pouvez choisir l’argument de la conscience transpersonnelle qui s'exprime.
Iain : Donc quand vous dites que le cerveau ne retient pas nécessairement l'information dans le mental, est-ce ce que vous entendez par ‘transpersonnel’ ?
Peter : Oui. Ce serait quelque chose comme ça. Vous allez vers des théories de l'esprit beaucoup plus vastes. Vous ne vous en tenez pas à notre neuroscience qui énonce que tout doit être basé dans le cerveau. Vous dites que peut-être ce n’est pas le cas. Peut-être qu'en fait, ces choses se manifestent au-delà du cerveau si vous voulez, mais nous avons besoin de plus de données. Nous ne savons pas.
Iain : Peter, vous avez travaillé comme psychiatre pendant la majeure partie de votre vie, vous êtes très estimé et respecté. Que pensent vos collègues de ce domaine que vous explorez actuellement ?
Peter : Ça dépend avec qui vous en parlez. N'oubliez pas que les psychiatres sont autorisés à faire de telles recherches, à enquêter sur les états mentaux. Voilà comment ça s'est passé - nous avons commencé ces recherches il y a six ans et nous avons publié de nombreux articles dans des revues validées par les pairs et dans des revues universitaires, de sorte qu’il existe maintenant une base de données. On s’est donc fait connaître pour avoir rassemblé les données dans ce domaine, mais le plus intéressant c’est qu’en allant dans nos hospices, nous rencontrions beaucoup de résistance, souvent de la part du personnel médical, mais pas toujours. Ce sont les infirmières qui étaient tėmoins de toutes ces choses, mais elles n'aimaient pas en parler, elles ne voulaient pas en discuter avec leurs surveillantes et elles ne voulaient pas en discuter entre elles parce qu'elles craignaient que les autres infirmières ne disent : ‘Oh ! t’es folle d’interpréter ça comme ça ... ‘ Mais quand elles ont vu que nous prenions ces choses au sérieux, l'atmosphère a changé, et la communication a changé, et les gens ont commencé à en discuter. Il y a aussi ici une question de culture. Une partie de notre enquête consistait à apprendre des soignants qui sont auprès des mourants le nombre de fois et la fréquence des deathbed visions qu’ils avaient constatées. C'était environ 60 pour cent des soignants au Royaume-Uni, mais c'était environ 75 pour cent aux Pays-Bas. Et quand nous avons examiné la formation que les soignants avaient reçue à ce sujet, environ 70 pour cent en Hollande avaient été formés, alors qu'environ 15 pour cent seulement avaient été formés au Royaume-Uni. Il existe donc des différences culturelles.
Iain : Ils savaient ce qu’il fallait chercher.
Peter : Absolument. Si vous savez ce qu’il faut chercher, vous le voyez.
Iain : Oui. Nous avançons donc vers une toute nouvelle manière de considérer le phénomène du passage dans la mort, n'est-ce pas ?
Peter : Oh, absolument.
Iain : Apporter un soutien aux personnes car mourir peut être pour certains, je crois, vraiment un isolement. Incroyablement isolant. De plus peut-être n’ont-ils que peu d'argent en fin de vie et ils ne sont donc pas dans un bel hospice, ils ne sont pas là où ils souhaiteraient être, ils ne se sentent pas à l'aise. Cela rend les choses encore plus difficiles. Vous le dites bien, peut-être n’ont-ils pas leurs proches avec eux. Donc, pour eux aussi, savoir que la possibilité d’une visitation existe ...
Peter : Absolument.
Iain : ... ça doit être énorme.
Peter : 30 pour cent des gens au Royaume-Uni ont peur de mourir seuls ... et nous avons quelques beaux témoignages venant de personnes en hospice. Ils disent : ‘Je n'ai pas de famille, je ne veux pas mourir seul, je ne veux pas mourir seul’, et bien sûr, quand les deathbed visiteurs se manifestent ... alors ils s’en trouvent extrêmement réconfortés. Mais aussi, en plus du réconfort, le fait que les deathbed visiteurs leurs disent : ‘Je serai là pour vous mardi et nous partirons ensemble’, ça change tout le déroulement de la mort pour cette personne. Très important.
Iain : Oui. Alors, quelles sont vos recommandations ?
Peter : Je vous dirai précisément comment cela devra être dans 50 ans. Vous saurez que vous allez mourir et vous vous rendrez dans une unité spirituelle, et pourquoi dis-je spirituelle ? Parce que beaucoup de ces choses exigent une énorme sensibilité de la part des soignants. Donc, vous ne pouvez pas penser à votre partie de tennis quand vous êtes avec les mourants, vous ne devez penser qu’aux mourants. Il y aurait donc cette sensibilité, et j'ai visité un tel hospice en Hollande. C'est le plus beau. C'est un hospice à Rotterdam, servi par deux merveilleux soignants. Ils décrivent ce beau sentiment d'amour envahir la pièce et faciliter les réconciliations familiales à mesure que vous vous approchez de la mort. Énormément important. C'est donc le moment idéal pour se réconcilier, en particulier toutes ces difficultés que vous avez rencontrées au fil des ans se dissipent. Nous avons beaucoup de ces témoignages. Cette unité du futur sera donc spirituelle, sera sensible, tous ceux qui y entreront auront connaissance du processus de la mort, et j'espère que vous pourrez choisir la personne qui vous voudrez rencontrer. Je ne sais pas si Genghis Khan viendra à vous si vous voulez le rencontrer [tous les deux rient], et je ne pense pas qu’il intéresse grand monde - votre demande porterait soit sur une figure spirituelle, soit sur une figure religieuse, ou bien certains de vos amis ou parents, et ils viendront probablement, mais vous devez être au courant.
Iain : Oui. Je consulte mes notes pour voir ce que je ne vous ai pas encore demandé et dont je veux vous parler. J’ai ici une citation de Wei Wu Wai à propos de ‘l'action en inaction, c'est-à-dire lorsque l'acte de connaissance par l'esprit ordinaire divise le monde en sujet et en objet. Avant la cognition, le monde est unité. Après la cognition, il y a des sujets et des objets, dont aucun n'a jamais existé indépendamment’. Et d'une certaine manière, ceci est cause de nos difficultés à tous pour nous préparer à la mort, n'est-ce pas ? Parce que nous croyons être séparés, sujet - objet ...
Peter : Absolument.
Iain : ... et cela va nous être montré d'une manière ou d'une autre, au fur et à mesure que nous approchons de notre mort et probablement après notre mort, bien que nous ne connaissions pas vraiment la suite.
Peter : Oui, il y a une histoire merveilleuse dans le Vedanta. Il y aurait deux dieux, le dieu de l'univers, qui détient tout et vous tient aussi, et le dieu de la destruction, qui est en essence l'ego, il vous maintient fermement, vous saisit, mais en approchant de la mort, vient le moment où le dieu de la destruction, voyant que vous allez mourir, n'a plus besoin de vous et vous laisse partir. C’est une très belle description de ce qui se passe avec la lente suppression de l’individualité, la suppression de l'ego lorsque vous approchez de la mort et traversez le processus de mort. C'est vraiment ça.
Mais en ce qui concerne Wei Wu Wei, et l'idée même de diviser le sujet en objet ... c'est totalement fascinant, car la technologie pour apprendre à abandonner l'ego a changé et évolue rapidement. Vous souvenez-vous que quelqu'un pouvait passer des heures en pleine conscience ? La méditation zen de la pleine conscience ?
Iain : Oui. Oui bien sûr.
Peter : Et de nos jours, on voit que c'est un bon moyen d'apprendre sur soi-même et de se comprendre soi-même, et la science s’y intéresse et dit que vous n'êtes pas réellement construit comme ça. L’idée c'est - et cela a été démontré au cours de très sérieuses expériences, à condition que vous les fassiez avec précision et que les intervalles de temps soient suffisamment courts - que vous pouvez effectuer un mouvement avec une fausse main et vous verrez ce mouvement et vous direz : ‘Ouais , c’est moi qui l'ai fait!’ parce que les deux sont temporellement liés.
Et la suggestion est qu'en fait la plupart de ce que nous faisons en terme de mouvement est attribué à une structure de l’ego, dont vous pouvez montrer qu’elle n’existe probablement pas vraiment. C'est une construction. Il n'y a pas d'ego. On lui attribue beaucoup, mais c'est le dieu de la destruction que vous voyez.
Iain : Il nous reste environ deux ou trois minutes. Aimeriez-vous ajouter quelque chose ? Peut-être pour les personnes qui sont dans une situation difficile, soit proches de la mort, soit un de leurs proches est en train de mourir ?
Peter : Oui. Dans la mesure du possible, soyez avec la personne quand elle meurt. Je sais qu'il peut y avoir des résistances à faire ça, mais il n’y a rien à faire qu’être là, c'est vraiment tout ce qui est nécessaire. Vous suivez leur désir, ils voudront peut-être simplement que vous soyez assis là, sans rien faire, ils voudront peut-être que vous leur teniez la main, ou ils peuvent vouloir vous dire une ou deux choses, soyez juste réceptifs. Et aussi soyez sensibles et gardez à l’esprit que vous voyez un changement de conscience chez l'individu et il s’accompagne de beaucoup d'autres phénomènes. Sachez que ceux-ci peuvent se produire car s'ils en est ainsi, ce sera extrêmement réconfortant pour vous suite au décès de la personne car cela tend à suggérer une continuation de la vie d’une certaine manière.
Et l'autre chose que je dirai est la suivante : si vous êtes dans la pièce où la personne est décédée et que vous restez tranquillement assis avec elle, viendra un moment où vous saurez qu'elle est partie. Elle sera peut-être morte il y a une heure, ou une heure et demie. Vous réaliserez soudainement qu’elle est partie. Cette transition est très importante pour vous, car elle vous montre que quelque chose s’est transformée. Et dans votre sentiment de perte, l'idée que quelque chose s’est transformée est extrêmement rassurante et utile.
Iain : Parfait, merci à vous. Merci d’être venu sur consciousTV
Peter : Merci Iain.
Iain : J’ai oublié de dire que Peter est également président du Scientific and Medical Network.
Le livre est The Art of Dying co-écrit par Peter et Elizabeth Fenwick.
La vidéo originale de l’interview est sur consciousTV
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