Dr Eben Alexander

Dr. Eben Alexander, neurochirurgien de renommé mondiale, est l'auteur de 'Proof of Heaven' (2012) où il décrit sa NDE. Il a frolé la mort et est resté une semaine dans le coma, du fait d'une infection cérébrale inexpliquée. 'The Map of Heaven' est la suite de son expérience.

Traduction de l'article 'Science Is Being Forced To Take the Afterlife Seriously' paru dans TIME magazine, Oct. 1, 2014 http://time.com/3449990/proof-of-heaven-author-science-is-being-forced-to-take-the-afterlife-seriously/

La Science est Contrainte de Prendre l'Après-Vie au Sérieux

Depuis la publication en 2012 de 'Proof of Heaven' (La Preuve du Paradis) - le récit d'un coma de sept jours en 2008 qui a transformé ma vie - je suis aux premières loges (et bien souvent même sur la scène) de la bataille entre ceux qui croient au paradis, aux dimensions spirituelles au-delà de celle-ci, et ceux qui, tout aussi enflammés et inflexibles, n'y croient pas.

Ce débat est souvent présenté comme un débat entre 'religion' et 'science', mais ces appellations le dé-servent terriblement. Au mieux, ce débat est un combat d'idées véritables – un combat entre gens ayant des points de vues passionnés mais différents, argumentant sur les questions les plus profondes qui soient : Qu'est-ce que la matière ? Qu'est-ce que la conscience ? Les réalités humaines, telles l'amour, le sens, la beauté, sont-elles des réalités ou juste des fantasmes, voués à disparaître, à l'instar de notre être physique?

Cette bataille dure depuis des centaines d'années – même des milliers – et a eu de très estimables et brillants avocats des deux côtés. Le poète et philosophe latin Lucrèce (99-55 Av.J.C), qui soutint l'atomisme - l'idée que le monde est formé d'une infinité de minuscules objets insécables qui se font et se défont sans fin - trouvait la proposition qu'une personne puisse survivre à la dissolution du corps physique, ridicule. Son presque contemporain, Philo d'Alexandrie (env. 25 – 50 Av.J.C) pdensait qu'à la mort, l'âme pouvait accéder à 'une existence plus haute, immortelle et incréée'.

A l'instar de l'écrivain russe Fyodor Dostoevsky qui considérait que la question de savoir si nous survivons à la mort est la seule question qui vaille, nous ne manquons pas de grands esprits pour relever le défi.

Pourtant, de nos jours, cette bataille n'est plus une bataille d'idées mais d'idéologies : des gens qui 'savent' qu'ils ont raison et sont simplement déterminés à écraser l'adversaire avec leurs arguments, ou à crier toujours plus fort.

Cette bataille ne se déroule pas qu'à la télévision, dans les livres ou les journaux, elle se déroule, en ce moment même, en chacun de nous.

Dans la tête de la veuve que nous pouvons tous côtoyer en auspice. Les bons jours, cette dame sait que son mari continue sans aucun doute à exister, même si elle ne peut plus ni le voir ni le toucher physiquement. Elle sait que l'homme qu'elle a tant aimé toutes ces années, n'a pas simplement disparu quand son corps est mort.

En des moments fugaces mais puissants, elle ne fait pas que savoir, elle ressent aussi sa réalité : à la fois à l'extérieur, dans un monde au-delà de la matière, et en son for intérieur.

Mais en d'autres jours – les journées pluvieuses et tristes que nous pouvons imaginer – elle doute. Elle sait que le côté 'religieux' du débat lui dit que son mari, en vérité, continue à vivre, mais elle sait aussi ce que le côté 'scientifique' avance. Oui, elle aimait son mari. Mais l'amour est une émotion, une expérience subjective générée par des échanges électrochimiques dans le cerveau, qui libèrent des hormones et autres agents chimiques dans le corps, et dictent notre humeur, nous intimant d'être heureux ou triste, joyeux ou morose. L'amour est irréel, à l'instar de cette vieille et cruellement trompeuse élucubration : l'âme.

Les molécules d'acier et de chrome et d'aluminium et de plastique de la chaise sur laquelle elle est assise ; les atomes de carbone qui constituent le papier de la photo qu'elle tient dans sa main ; le verre et le bois du cadre qui la protège ; et bien sûr, le diamant de sa bague de fiançailles et l'or de son alliance, toutes ces choses sont réelles. Elles sont réelles car elles sont faites de matière.

Mais ce qu'elles représentent – le parfait, total, et pérenne lien d'amour entre deux âmes immortelles – est un fantasme. Ce n'est simplement pas scientifique.

Les magnifiques découvertes de la science de ces trois cents dernières années, ont transformé de façon renversante et irréversible le monde, ainsi que notre compréhension de ce monde, et il n'y a pas lieu de penser que ces découvertes vont ralentir.

Et c'est pourquoi, il est si important de comprendre qu'au-delà du débat 'religion vs. science' – qui ne mène nulle part - se déroule une autre discussion, plus profonde et fantastiquement fructueuse.

Dans cette discussion, un nouveau groupe de participants – ceux qui ont vécu des expériences de mort imminentes, ou de sortie hors du corps, ou d'autres expériences qui suggèrent la survie de la conscience – sont autorisés à parler de leur expérience.

Et un petit mais éminent groupe de scientifiques a décidé de les prendre au sérieux : d'évaluer, avec grande rigueur et honnêteté intellectuelle, alliées à l'ouverture d'esprit empirique que toute bonne science réclame, ce que cela signifie. Dans ce débat, nous sommes autorisés à rester réceptifs – comme toute vraie science le doit – à quel genre d'univers nous habitons vraiment.

Quand une personne, qui a été cliniquement morte revient à la vie et raconte qu'elle a voyagé dans d'autres mondes plus vastes, nous devons écouter ce qu'elle dit et nous demander, non pas si ce qu'elle dit nous paraît farfelu (ce qui est le cas vraiment de presque toutes nouvelles découvertes), mais si ce qu'elle dit recèle quelque vérité. Nous devons dépasser notre tendance innée à nier et à mettre en doute, comme l'ont fait les populations européennes à l'âge des grandes explorations quand les voyageurs revenaient avec des récits de pays et de peuples et de coutumes totalement étrangers.

Nous entrons actuellement dans un nouvel âge d'exploration : un âge où nous subirons des chocs de désorientation aussi profonds que ceux causés par la découverte de la rotondité de la terre, ou par l'héliocentrisme, ou par la découverte des milliards d'étoiles qui composent la Voie Lactée, ou encore par la découverte qu'au-delà de notre galaxie s'étendent d'autres galaxies (plus que le nombre d'hommes sur terre aujourd'hui), chacune d'elles contenant des milliards de soleils.

Ces nouvelles découvertes nous choquerons, mais elles seront profondément réconfortantes et porteuses de guérison.

Je le sais, car j'ai été au confins de ces nouveaux mondes, et en suis revenu. Et en résultat, je sais que l'amour, la beauté et la bonté sont réelles, et que l'âme est également réelle. Elles font parties de la géographie du cosmos dans lequel nous vivons et nous nous mouvons. Elles sont aussi réelles que la pluie, aussi réelles que la motte de beurre sur votre table, aussi réelles que le bois, la pierre, le plutonium, les anneaux de Saturne, ou le nitrate de sodium.

Et ces mondes ne sont pas vagues, ou abstraits. Ils sont profondément et passionnément vibrants et intimes, et à peu près aussi 'théoriques' que peut l'être un plat de poulet rôti, l'éclat des lunettes 'ray-ban' de votre copain, ou votre premier flirt.

C'est pourquoi les descriptions de ces mondes rapportées par ceux qui en reviennent semblent si dingues, si totalement inacceptables à ceux qui vivent encore dans le vieux monde.

Il y a des arbres et des fleurs dans ces mondes. Il y a des prés et des animaux. Et de l'eau aussi, de l'eau en abondance. Elle coule en rivière et redescend sous forme de pluie. De la brume s'élève de la surface de ces eaux et des poissons nagent en profondeur. Pas des poissons abstraits ou mathématiques. Des vrais. Aussi réels que les poissons que vous voyez, et même beaucoup plus.

Les objets que l'on côtoie dans ces mondes sont semblables aux objets terrestres, et pourtant ils ne sont pas terrestres. Ils sont, pour le dire d'une façon qui n'exprime pas du tout l'expérience réelle mais est néanmoins exacte, plus que simplement terrestre. Ils sont plus proches de la source, du vrai centre de notre cosmos spirituel/matériel. Plus proche, comme peut l'être en amont l'eau d'une rivière ondulante, plus proche de la source dont elle émerge.

La réalité qui soude tous ces mondes est la plus réelle, la plus centrale des choses qui soient : l'Amour. Rien n'est isolé dans ces mondes au-delà du notre. Rien n'est déconnecté. Rien n'est abandonné, ou laissé dans le désespoir. Tout est, pour citer Martin Buber, un 'vous' plutôt qu'un 'ce'. Je sais que c'est dur à avaler. Les nouveaux aspects du réel le sont toujours.

Comme le remarquait le célèbre généticien et biologiste évolutionniste du vingtième siècle J.B.S. Haldane 'l'univers n'est pas seulement plus étrange que ce que nous supposons, mais plus étrange que ce que nous pouvons supposer.'

Quand la réalité de ces mondes au-delà sera complètement établie, quand les gens comprendront sans plus de doute que ce sont des faits authentiques, tout dans notre propre monde changera. Il y aura toujours la pollution, la sur-population, la malveillance et la malhonnêteté et l'égoïsme et toutes les horreurs qui en découlent. Bref, le monde restera ce qu'il est et tous nos problèmes aussi. Mais ces problèmes apparaîtront sous un jour totalement différent.

Et quand, par un après-midi pluvieux, une veuve assise à la fenêtre d'un auspice regardera la photo de son mari disparu, ce terrible combat désespéré entre la voix qui dit 'il vit' et la voix qui dit 'il est parti pour toujours' ne sera plus. Elle saura, avec la certitude qui balaye tous les arguments creux et destructeurs de notre temps présent, que l'être spirituel dans les yeux duquel elle avait plongé son regard il y si longtemps, vit.

'Les concepts scientifiques actuels' a écrit le physicien allemand Werner Heisenberg, 'ne couvrent qu'une partie très limitée de la réalité, et l'autre partie qui n'est pas encore comprise, est infinie. En allant du connu vers l'inconnu, nous pouvons espérer comprendre, mais il se peut aussi que nous ayons à apprendre le nouveau sens du mot 'comprendre'.'

C'est précisément là où nous en sommes actuellement. Nous nous apprêtons à comprendre à quel point l'univers est d'une vaste et profonde étrangeté. Mais loin de nous faire nous sentir petits et insignifiants dans cette vastitude et cette étrangeté, cette compréhension nous rendra à notre force et à notre joie. Nous saisirons que nous ne sommes pas des 'bips' accidentels et insignifiants de l'univers, mais le cœur et la raison même de son existence. Tous les débats entre les gens 'spirituels' et les gens 'scientifiques' cesseront, et nous coopéreront dans le but de cartographier et de comprendre l'univers réel, comme nous ne pouvons même pas encore l'imaginer.

Et il est grand temps !