Questions relatives à la santé
Normalement, je ne réponds pas à ces questions, parce que ce sont les mêmes qui mangent des viandes grillées au barbecue ou qui fument qui ont peur des résidus de pesticides. Mais enfin...
1) Dans la cuisine traditionnelle, plusieurs allergies à différents produits ont été jusque-là recensés (allergie au gluten, au blanc d’oeuf, au lactose, etc..). Est-ce que de nouvelles allergies ont été trouvées après l’utilisation de la cuisine moléculaire, avec l’ajout des nouveaux types de produits tels que l'alginate de sodium, les gélifiants (agar-agar, carraghénanes)… ?
Je ne suis pas certain que la question ait un sens (pardonnez moi), car la définition de la cuisine moléculaire, c'est « de la cuisine avec des ustensiles rénovés » (siphons, etc.). De ce fait, pourquoi y aurait-il des allergies ?
Cela étant, oui, les gélifiants et épaississants auraient pu en produire... mais ces produits sont utilisés par l'industrie depuis déjà longtemps (par exemple, les fourrages d'olives d'apéritif, etc.)... et par les Asiatiques depuis des millénaires, parfois. A ma connaissance, il n'y a pas plus de Chinois allergiques que nous.
2) Avez-vous été inspiré des différents procédés de cuisine des cultures des pays étrangers dans l’élaboration de vos recherches ?
Pardonnez moi de toujours bien lire les questions que l'on me pose, avant d'avoir quelques chances de répondre correctement. Vous me parlez ainsi de "l'élaboration de mes recherches" : de quoi s'agit-il ? Si vous m'aviez dit "dans vos recherches", j'aurais mieux compris.
Cela étant, je crains que vous ne confondiez mon travail, et mon action politique.
Si vous parlez de mon action politique, tout d'abord, alors je n'ai pas besoin de faire de recherches pour proposer, jour après jour, une modernisation de la cuisine, pour proposer que l'on nomme physico-chimie la science de la chimie, et « sciences quantitatives » ces sciences que sont la physique la biologie, pour proposer que "le summum de l'intelligence est la bonté et la droiture", pour rappeler que l'alimentation est parfaitement artificiellee, contrairement à ce que prétend malhonnêtement une certaine industrie, qui ment pour vendre ses produits, pour rappeler que ce n'est pas la peine de vouloir manger sainement si l'on fume, si l'on boit de l'alcool et si l'on mange des viandes cuites au barbecue, si l'on mange du chocolat, etc. Assez d'ignorance assortie de mauvaise foi ! Assez de ces marchands de peur, qui veulent (pourquoi : vous l'êtes vous demandé ?) nous faire croire que notre alimentation est pleine de poisons !!!!! Je n'ai pas assez de guillemets pour dénoncer des malhonnêtés intellectuelles.
En revanche, si vous parlez de mes recherches, cela n'a rien à voir avec la cuisine moléculaire, comme cela est expliqué presque à chaque mot dans mon site. Mes recherches, c'est de la physico chimie la plus fondamentale possible : il s'agit de découvrir les mécanismes du monde, en partant de phénomènes que j'observe initialement dans la cuisine. Mais plus le temps passe, et plus je m'éloigne de la cuisine. Par exemple, vous verrez dans le prochain numéro de l'Actualité chimique un article que j'ai fait, sur des gels. Oui, il y a des gels en cuisine, mais aussi dans toutes les industries de la formulation. Alors la cuisine, dans mes travaux scientifiques... m'est presque étrangère.
J'ajoute que, au laboratoire, nous ne cuisinons pas : nous produisons des systèmes expérimentaux que nous analysons par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire ou par chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse, par exemple, nous résolvons des équations aux dérivées partielles. Alors vous comprenez bien que la cuisine des pays étrangers... ;-)
3) Selon vous la cuisine moléculaire pourrait-elle être une future mondialisation d’une méthode de travail culinaire ?
Je vous ai déjà répondu que la cuisine moléculaire va mourir, et que seule la cuisine note à note va s'imposer.
Cela dit, la cuisine moléculaire est déjà partout : la plupart des pays ont déjà transformé leur cuisine, introduit basse température (les oeufs à 6X°C, par exemple), les "chocolat chantilly", les sipons.
Cela étant, j'ai encore du mal avec votre phrase "la cuisine moléculaire serait une mondialisation d'une méthode de travail culinaire". Voulez vous dire "la cuisine moléculaire serait une technique culinaire employée dans le monde entier" ? Pardonnez moi, mais il suffit de dire "il pleut", plutôt que "l'eau du ciel descend sous la forme de gouttelettes sous l'action de la gravité", quand on veut être compris. Mehr Licht !
4) La cuisine moléculaire intègre-t-elle le fait de préserver au maximum les valeurs nutritionnelles des aliments ? Et peut-elle répondre aussi bien que la cuisine traditionnelle aux besoins nutritionnels nécessaires au corps humain ?
Voir la définition plus haut.
Cela dit, la cuisine moléculaire est une technique, tout comme le fait de poser les doigts sur les notes d'un piano. Avant de décider quels doigts on pose, il faut savoir quelle musique on veut jouer. De même en cuisine : ce n'est pas la technique qui détermine le résultat, mais l'intention de celui ou celle qui utilise la technique. Si un cuisinier moléculaire veut se préoccuper de la "valeur nutritionnelle", il peut le faire ; s'il ne veut pas s'en préoccuper, il a le droit, ça le regarde.
Cela dit, arrêtons de répéter des mots vides : c'est quoi "la valeur nutritionnelle des aliments" ? Dans notre groupe de recherche, je répète aux étudiants que, au delà de trois syllabes, je ne comprends plus rien, et que je me mets à soupçonner qu'on me mente ou qu'on veuille me vendre un produit ou de l'idéologie ! Les mots compliqués, les expressions alambiquées sont toujours la porte ouverte aux malversations des malhonnêtes, des autoritaires, des paresseux...
5) Comment l’usage de la cuisine moléculaire pourrait-il progresser au sein des foyers français ?
Elle progresse sans cesse : la Redoute vend des siphons, et les gélifiants sont dans des coffrets pour enfant à Noël ! Mais je vais tout faire pour que la cuisine moléculaire meure... afin de faire advenir la cuisine note à note dont nous avons le plus grand besoin : que mangerez vous, quand il y aura 11 milliards d'humains sur la terre ? Moi, je m'en moque, d'un certain point de vue, puisque je serai mort, mais vous ?
6) Vos nouvelles méthodes pour cuisiner ont elles contribuées à l’élaboration de nouveaux ustensiles, avez-vous été contacté par des fabricants et peut-on encore aujourd’hui espérer voir du matériel révolutionnaire ?
Oui, il y a une gamme tout entière de produits, mais attendez vous surtout à des kits de cuisine note à note, puisque j'essaie de faire mourir la cuisine moléculaire.
Cela dit, la cuisine moléculaire voulait introduire des nouveaux ustensiles en cuisine : c'est la définition ! Et les ustensiles étaient dans les laboratoires. Ils sont nouveaux pour la cuisine, mais ancien pour les laboratoires !
Et il reste plein de choses à faire !
Oui, j'ai été contacté par de nombreux fabricants, et des fours sont déjà issus de nos propositions.
7) La cuisine moléculaire permet par exemple d’éviter les réactions de Maillard néfastes à la santé. Connaissez-vous d’autres effets de la cuisine traditionnelle mauvais pour la santé de l’Homme qui pourraient être évités grâce à la cuisine moléculaire ?
Les réactions de Maillard sont peut être néfastes... mais les causes essentielles de cancer sont le tabac et l'alcool : je me préocccuperai des réactions de Maillard le jour où le public cessera de fumer et de boire !
Et puis, le chocolat : 50 % de gras et 50 % de sucre ! On ne me fera pas croire que c'est bon pour la santé.
Plus généralement, les questions de santé m'énervent considérablement, parce que nous faisons le contraire de ce qui serait bon pour notre santé. Alors pourquoi être hypocrite ? Et pourquoi voudriez vous que je perde mon temps à m'intéresser à la "santé" si le public fait le contraire de ce qu'il sait qu'il devrait faire ?
En revanche, plus positivement, je milite quotidiennement, dans mes sites et blogs, pour faire comprendre ce que nous mangeons. Après, chacun décidera en son âme et conscience.
8) J’ai remarqué en faisant quelques essais de recettes en cuisine moléculaire, qu’il fallait suivre la technique à la lettre, et être très strict et vigilant dans les quantités et les temps de cuisson donc avoir de la rigueur dans sa façon de travailler pour arriver à un travail satisfaisant (comme toute sciences d’ailleurs !). Vous parlez à juste titre de robustesse d’une recette. Alors que dans la cuisine traditionnelle, ce manque de rigueur ne fait moins barrière à un résultat satisfaisant, La cuisine traditionnelle semblerait donc laisser plus de liberté d’expression au niveau artistique à un cuisinier pour élaborer des recettes (je ne parle pas ici de la recherche de nouvelles recettes où là au contraire, une plus large palette de possibilités s’ouvre au cuisinier en cuisine moléculaire). Quel est votre avis sur le sujet ?
En pâtisserie, il faut être précis, aussi. Et en cuisine aussi : si vous faites sauter une coquille Saint Jacques, vous avez intérêt à bien surveiller ! Idem pour un steak, qui risque de se transformer en semelle. Voir à ce sujet un des séminaires de gastronomie moléculaire, où nous avions comparé cuisine et pâtisserie (dans les milieux traditionnels, on dit que les cuisiniers sont moins précis que les pâtissiers), et où nous avions conclu expérimentalement que les on dit étaient faux.
Bref on ne peut pas généraliser : pour l’utilisation d'un siphon, par exemple, c'est très facile et il n'y a aucune précision nécessaire. Pour de l'azote liquide aussi. Pour une sonde à ultrason pour faire une émulsion aussi.
SVP, ne généralisez pas le petit cas des gélifiants à l'ensemble de la cuisine moléculaire.
9) Avez-vous entendu parler de la cuisine moléculaire au naturel ? Si oui, pensez-vous qu’elle puisse être la continuité de la cuisine moléculaire ?
Pardon, mais « cuisine naturelle », ou cuisine au naturel, c'est une impossibilité : est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Or la cuisine EST une transformation par l'être humain. La cuisine est donc ARTIFICIELLE. Ne vous laissez pas embobiner par une certaine industrie, qui fait du green washing.
Il n'y aura jamais de naturel dans l'alimentation humaine !
Et, je le répète, la cuisine moléculaire va mourir, et c'est la cuisine note à note qui s'imposera... et commence déjà à se développer de façon explosive dans le monde. D'ailleurs, la cuisine note à note n'est pas moins naturelle que la cuisine classique (ici, j'avais écrit "traditionnel"... mais c'était une bêtise : dans la mesure où vos traditions auvergnates ne sont pas les miennes, alsaciennes, la cuisine traditionnelle n'existe pas). Pensez par exemple au sucre de table, le saccharose, composé pur extrait des betteraves. Ou à l'huile (mélange de triglycérides) obtenu par pressage de graines... Ou au sel, produit par évaporation d'eau de mer. Ou à la gélatine obtenue par cuisson du pied de veau. Ou au vin, obtenu par fermentation de jus de raisin pressé.
Que l'on presse, que l'on filtre, que l'on évapore... ou que l'on distille, que l'on sépare sur membranes d'osmose.. Tout cela est bien pareil, non ?
Existe-il un lien entre l'aspect (forme, couleur, texture) d'un aliment et
ses apports nutritionels ? (dans le sens où la cuisson ou la préparation des
aliments pourrait influencer les apports).
D'abord, méfions-nous des apparences : il a été publié par des historiens sérieux que l'Empire romain est tombé parce que les élites édulcoraient leurs vins à l'aide de sels de plomb, sucrés maix toxiques!
La forme d'un aliment, pour commencer, n'a rien à EVIDEMMENT rien à voir avec l'apport nutritionnel : quand on cuisine des tissus végétaux ou animaux, on peut leur donner la forme que l'on veut ! L'apport nutritionnel est déterminé par la composition, et pas par la forme : de l'huile, en filet ou en flaque, apportera toujours la même énergie.
La couleur ? Les pigments des aliments ne sont généralement pas des molécules très énergétiques, et, surtout, ils sont en petite quantité, de sorte que l'énergie qu'ils apportent est bien inférieure à celle de l'aliment qu'ils colorent.
La texture ? Je suppose que vous voulez plutôt parler de consistance (la consistance, c'est... la consistance ; la texture, c'est l'appréciation de cette consistance) ; et là, rien à voir avec la composition chimique, donc avec les apports nutritionnels.
Mais il est vrai que, jusque ici, j'ai fait l'impasse sur la parenthèses qui suivait le point d'interrogation. Mais je ne comprends pas cette parenthèse. Désolé.
Est-ce que les composants chimiques utilisés en cuisine moléculaire ne seraient-ils pas nocifs (à forte dose) pour la santé ? (je reçois la question, ce n'est pas moi qui la pose, car elle est grammaticalement fautive)
Ah la belle question ! D'abord, il n'existe pas de "composants moléculaires". En cuisine, il y a des ingrédients : le sel (chlorure de sodium souvent impur), les sucres (saccharose, glucose, fructose), et plein d'autres composés, utilisés soit en mélange, soit seuls.
Un "composant", c'est un composant d'un plat, d'ailleurs. A ne pas confondre avec un "composé". Le saccharose, par exemple, est un composé (ses molécules sont composées de carbone, d'oxygène et d'hydrogène), et c'est un composant des confitures et des pâtisseries.
Le sucre est-il "chimique" ? Non. Il est extrait des betteraves sucrières, par les mêmes opérations (dans le principe) que celles qui permettent d'extraire les pigments chlorophylliens qui sont dénommés additifs, ou que celles qui permettent de produire des alginates de sodium à partir des algues.
N'est "chimique" que ce qui fait l'objet de l'étude par un chimiste. L'eau n'est pas "chimique", quand on la boit, mais elle le devient si un chimiste l'étudie.
Il faut ajouter qu'il y a souvent une confusion dans l'esprit de mes interlocuteurs, entre "synthétique" et "d'origine naturelle". Le sucre de table, ce saccharose extrait des betteraves, est d'origine naturelle quand il est extrait ; en revanche, un chimiste même débutant saura parfaitement construire des molécules de saccharose à partir d'autres molécules, et le saccharose -en tout point identique à celui qui est extrait- sera alors synthétique.
Tiens, une question ennuyeuse : et le caramel ? Quand un cuisinier le produit, à partir de saccharose, il forme des molécules nouvelles, qui sont donc synthétiques !
Arrivons maintenant à la question de la nocivité.
Pour dire d'abord que l'on peut s'étonner que les composés utilisés en cuisine moléculaire (comme s'il y avait des composés très spécifiques) soient soupçonnés, alors que les composés de la cuisine classique ne sont jamais questionnés... alors que beaucoup de végétaux sont toxiques!
Mais passons sur cette naïveté, et restons aux composés de la cuisine moléculaire. Au fait, y a-t-il des composés spécifiques pour la cuisine moléculaire ? Oui, car la définition de la cuisine moléculaire est : une cuisine qui fait usage d'outils, ingrédients, méthodes qui n'étaient pas en usage dans la cuisine de Paul Bocuse dans les années 1970. Cela étant, de quoi parle-t-on ? Il n'y a pas de "liste" particulière à considérer, puisque chaque ingrédient nouveau rentre dans le cadre de la cuisine moléculaire. La question est donc beaucoup trop vaste !
Oui, donc, Bocuse n'utilisait pas d'alginate de sodium, ni d'agar-agar, par exemple. De la toxicité pour ce composé ? Les peuples d'Asie utilisent ces produits comme gélifiants depuis des siècles, voire des millénaires. Est-ce une preuve de sécurité ? Au fond, non. En Occident, nous consommons des viandes cuites au barbecue... et elles sont largement contaminées par des benzopyrènes cancérogènes.
Au total, il faudrait donc une réponse pour chaque composé. Et la question est immense!
Certains nutritionnistes pensent que la cuisine traditionnelle est mieux adaptée au mode alimentaire de l'Homme, nous citons "rien n'est mieux que de manger des aliments non transformés", qu'en pensez-vous ?
Je suppose que vous voulez plutôt parler de diététiciens que de nutritionnistes ! Je préfère réserver le nom de nutritionniste à des gens qui font de la nutrition, de la science. Les autres devraient être nommés diététiciens.
La cuisine traditionnelle, mieux adaptée ? Et pourquoi donc ? Devant une telle prétention, je vous demande des preuves !
L'Homme a une dentition : il est conçu pour mâcher les aliments. Une alimentation excessive à base de cuisine moléculaire ne serait-elle pas nocive pour notre organisme ?
Je vois que vous avez des a priori : pour vous, la cuisine moléculaire serait molle, sans doute ? Mais puisque la cuisine moléculaire consiste à faire des plats avec nouveaux ingrédients, méthodes, outils, pourquoi serait-elle nécessairement molle ? Et pourquoi ne ferait-on pas de la cuisine moléculaire très dure ?