Des questions scientifiques et techniques

En quelques mots, c’est quoi une mayonnaise ?

Une mayonnaise (recette à ajouter dans la base), c’est une dispersion de gouttes d’huile dans une solution aqueuse, obtenue par un mélange de jaune d’œuf et de vinaigre (le sel et le poivre sont ajoutés pour le goût). Une telle dispersion est ce que l'on nomme une « émulsion ».

Pas de moutarde dans une mayonnaise ?

Non, pas de moutarde dans une mayonnaise, sans quoi elle devient une rémoulade (voir recette ci-dessous à ajouter dans la base) !

Quelles sont les règles pour ne pas rater une mayonnaise ?

La première règle pour ne pas rater une mayonnaise consiste à n'ajouter l'huile que très lentement dans le mélange jaune+vinaigre, et à bien la battre, afin de diviser l’huile en gouttelettes microscopiques qui sont dispersées par le fouet dans la petite quantité d'eau apportée par le jaune d’œuf et le vinaigre.

On ajoute alors un peu plus d’huile, et l’on bat à nouveau, et on ajoute un peu d’huile, on bat, et ainsi de suite jusqu’à ce que la sauce devienne ferme et qu’on ne voit plus de gouttes d’huile, et même au-delà.

A ce stade, autre écueil : ne pas ajouter trop d’huile, sans quoi elle tourne. La quantité à connaître est la suivante : une émulsion reste émulsionnée tant qu’il y a plus de cinq pour cent d’eau. A raison de 30 grammes pour un jaune, 15 grammes de vinaigre, cela fait que l'on peut réaliser un demi litre de mayonnaise environ. Evidemment, si l'on ajoute du vinaigre en cours de battage, on peut mettre bien plus d'huile : plusieurs litres !

On dit aussi que les ingrédients doivent être à la même température…

On le dit, mais c'est faux : il est inutile de se préoccuper de la température des ingrédients ou du sens de battage, car ces facteurs n’interviennent pas dans la dispersion de gouttelettes d’huile dans l’eau.

La seule règle est : bien battre et ne pas mettre trop d’huile d’un coup, surtout en début de préparation.

Et comment la rattraper quand elle a tourné ?

Pour le savoir, il faut comprendre qu’une mayonnaise réussie, c’est quand des gouttelettes d’huile microscopiques sont dispersées dans l’eau apportée par le vinaigre et par le jaune d’œuf. La mayonnaise qui rate, c’est quand l’émulsion se défait, et que l’eau tombe au fond du bol, tandis que l’huile surnage.

Pour la rattraper, on dit parfois qu’il faut utiliser un autre jaune d’œuf… mais c’est là un gâchis inutile : tous les ingrédients nécessaires sont déjà présents.

Est-ce que la moutarde est un élément tensioactif au même titre que le jaune d'oeuf ? et si oui, pourquoi ?

La question est confuse... parce qu'il y a le mot "élément", qui est rapproché du mot "tensioactif".

En chimie, les éléments sont ceux du Tableau périodique. A partir d'atomes de certains éléments, on constitue des molécules. Et l'on désigne par "composé" un corps dont les molécules, toutes identiques, sont constituées d'atomes de différents éléments.

La moutarde, on le voit, n'a rien à voir avec tout cela : c'est un ingrédient alimentaire, ou une préparation alimentaire, selon l'usage que l'on en fait. C'est d'ailleurs, aussi, un condiment, mais on n'a pas besoin de le signaler, sans doute.

Tensioactif ? Ici, on entend "tension" et "actif". Pour bien comprend, partons d'huile que l'on verse sur de l'eau. Si l'on agite très vigoureusement les deux liquides, on parvient à disperser l'huile dans l'eau, mais au prix d'une dépense d'énergie considérable. En revanche, si l'on ajoute du liquide vaisselle, la dispersion de l'huile dans l'eau se fait très facilement.

On dit que le détergent est tensioactif, parce qu'il abaisse l'énergie de surface, laquelle est définie comme le rapport de l'énergie à dépenser pour augmenter l'aire d'une interface (entre deux liquides non miscibles, par exemple) par l'aire créée.

Le problème, avec la moutarde, c'est que c'est un mélange de composés, et non un composé pur. Peut-on dire que c'est un tensioactif, ou bien faut-il considérer qu'elle contiendrait des composés tensioactifs, comme pour le jaune d'oeuf ? Je préfère la seconde solution.

La question devient donc : la moutarde contient-elle des composés tensioactifs, au même titre que le jaune d'oeuf ?

Cette fois, il y a "au même titre" : expression bien vague... Veut-on dire : la moutarde contient-elle des composés tensioactifs (sachant que le jaune d'oeuf en contient, ce qui n'a rien à voir) ? Ou bien veut-on dire : la moutarde contient-elle les mêmes types de composés tensioactifs que le jaune d'oeuf ?

Ici, il faudrait rentrer dans la description des composés tensioactifs du jaune d'oeuf, mais je préfère garder cela pour une autre fois, et me limiter à considérer la question de savoir si la moutarde contient des composés tensioactifs.

Qu'est ce que la moutarde ? C'est un produit que l'on obtient en broyant des graines de la plante nommée moutarde. Les graines sont broyées avec du verjus, du vinaigre, du vin, du sucre, du miel... Or verjus, vin, vinaigre : c'est principalement de l'eau. Autrement dit, la graine, ensemble de cellules vivantes, est broyé avec de l'eau. Or une cellule végétale, qu'est-ce ? C'est d'abord de l'eau, où sont dispersés des organites variés, le tout entouré par une membrane, avec autour une paroi cellulaire faire de pectines, celluloses et hémicelluloses.

Or les membranes biologiques sont faites de divers composés, mais essentiellement de phospholipides, avec une tête phosphatée (soluble dans l'eau parce que chargée électriquement) et deux "queues" lipidiques, hydrocarbonées, hydrophobes.De sucroît, les membranes, et les graines, contiennent des protéines.

 Autrement dit, les graines contiennent des composés tensioactifs... comme le jaune d'oeuf, puisque ce dernier doit ses propriétés émulsifiantes aux phospholipides (principalement lécithines) et aux protéines. Ou plutôt, on devrait dire que le jaune d'oeuf doit ses propriétés émulsifiantes aux protéines et aux phospholipides, puisque les protéines sont bien plus importantes que les phospholipides, comme le montre bien l'expérience qui consiste à fouetter de l'huile dans un blanc d'oeuf, fait, lui, d'eau et de protéines, sans aucun phospholipide.

Attention, toutefois : pour en revenir à la moutarde, tout dépend aussi de quelle moutarde, de comment elle a été préparée, etc.

La composition de l’eau utilisée pour la cuisine joue-t-elle un rôle dans le résultat obtenu ?

Bien sûr. Il y a quelques années, un grand pâtissier français avait l’habitude d’utiliser l’eau du robinet pour réaliser le « nappage » de ses gâteaux à la confiture d’abricot. Le jour où il a voulu remplacer l’eau du robinet par de l’eau en bouteille, sa gelée s’est mise à manquer complètement de tenue. En effet, il avait choisi une eau très pauvre en ions calcium ; or ces ions, comme les ions cuivre des bassines à confiture (mais sans danger pour la santé, au contraire !) permettent de lier les pectines, qui font prendre la confiture ou le nappage. C’est d’ailleurs le même effet qui explique pourquoi les légumes secs mettent plus longtemps à cuire dans des eaux calcaires… ce qui incite, pour ceux qui ont de telles eaux, à ajouter une pincée de bicarbonate de sodium dans l’eau de cuisson : le bicarbonate neutralise à la fois d’éventuelles acidités, et il fait précipiter le calcium.

Démarrer la cuisson d’un aliment dans l’eau de chaude ou dans de l’eau froide influence-t-il son goût ?

Ce que l’on constate, en tous cas pour les légumes verts, c’est qu’une cuisson prolongée modifie leur couleur. Les chlorophylles des épinards, par exemple, en perdant leurs atomes de magnésium, virent au brun. Or, notre perception du goût est influencée par l’apparence des aliments… Du coup, on évitera de démarrer la cuisson à froid, parce que les haricots devront séjourner davantage dans l’eau.

Ces observations débouchent-elles sur des conclusions scientifiques permettant de définir qu’elle eau choisir pour tel type de cuisine ?

Pas, encore. Le domaine de la cuisine est particulièrement complexe, puisqu’on ajoute à l’eau de nombreux d’éléments différents, composés de molécules différentes susceptibles de provoquer une multitude de réactions chimiques différentes… D’où l’intérêt d’étudier de près toutes ces questions. Il y a beaucoup de travail à faire sur ce sujet immense et passionnant.

Non, il suffit de décanter l’huile dans un bol séparé. On conserve la partie du fond du bol. Eventuellement, on ajoute une demi-cuillerée à café de liquide supplémentaire (ça peut être du vinaigre, de l’eau, du jus de citron). Puis on ajoute l’huile décantée en fouettant vigoureusement. Il faut surtout bien s’assurer que l’on a bien dispersé l’huile quand on en verse à nouveau. Ainsi, on remonte la mayonnaise ratée.