Maquis d'Orchimont

Maquis Zone 5 D 5 de l’A.S.

Orchimont sur la Basse Semois, a été pourvu à partir d'octobre 1943 d'un commandement relevant de « l'Armée Secrète » ( zone 5, secteur 5, groupe D ). Mais déjà longtemps auparavant d'anciens Chasseurs Ardennais et de jeunes patriotes avaient commencé à se rassembler dans ce territoire entre Alle et Vresse, entre la frontière française et Carlsbourg. Ils s'entraînaient en vue d'actions qui étaient très vraisemblablement à prévoir si, dans la progression des armées alliées, la Meuse devait jouer un rôle d'obstacle plus important qu'elle ne l'avait joué en mai 1940 dans la progression des armées allemandes. La région n'était certes pas située sur les grandes lignes de communication militaires. L'occupation militaire ennemie était d'ailleurs assez réduite, à l'exception d'un détachement de la Kriegsmarine installé à Bièvres à partir du printemps 1944. Les liaisons avec l'émetteur radio de Mogimont exigeaient cette protection. Dès les premières semaines de 1944, le groupe d'Orchimont est bien structuré. Il a été muni d'armes par deux parachutages nocturnes qui se sont étalés sur une neige épaisse. Deux autres parachutages auront lieu en mai et en août.

Le 21 septembre 44, quinze jours après la libération de Bruxelles, dix quadrimoteurs anglais déverseront en plein jour des containers chargés d'assez d'armes pour permettre à une troupe bien entraînée de jouer un rôle important. Cette troupe entendait d'ailleurs s'inscrire dans la tradition régionale. Les hommes avaient été pourvus du béret vert des Chasseurs Ardennais. Ils n'en étaient pas peu fiers.

Parallèlement au groupe d'Orchimont, des maquis français se sont développés de l'autre côté de la frontière entre Meuse et Semois. Tout comme le maquis d'Orchimont, ils ont reçu des instructions et du matériel venus d'Angleterre. En accord parfait, le maquis belge du Commandant Benoît, alias Daniel Ryelandt, avait des commandos installés dans la forêt française, tandis que des Français du commandant de Bollardière, entretenaient certains commandos sur le territoire belge.

Le 21 juin 1944, sur ordre de l'état-major de l'Armée Secrète, une série de sabotages furent entrepris. L'un visait une double coupure du câble téléphonique souterrain reliant Paris à Cologne. L'autre était la destruction de la ligne aérienne qui reliait un état-major de la Luftwaffe, cantonné à Charleville, à la station radar de Mogimont.

Dans la nuit du 15 août, un détachement de parachutistes belges commandés par le Capitaine Renkin fut largué du côté français de la frontière. Dans les derniers jours du même mois, un régiment de Panzergrenadiers s'installa dans les villages de Vresse et de Membre, pour protéger la retraite allemande. La guerilla commençait vraiment!

De sporadiques les accrochages devinrent bientôt réguliers.

Dans les premiers jours de septembre, pourchassant les armées allemandes, le 102° régiment de cavalerie U.S. atteint les Ardennes françaises. Grâce au maquis du Commandant de Bollardière, le pont sur la Meuse à Monthermé tombe intact entre ses mains. Le 5 septembre, c'est au tour des hommes d'Orchimont d'associer leur effort à celui du 102°et à celui de leurs camarades français. La progression reprit aussitôt. Le même soir, les Panzergrendiers qui s'étaient retranchés à Membre et Vresse se rendaient compte qu'ils étaient tournés et que leur ravitaillement était coupé. Il ne leur restait plus qu'à battre en retraite vers Menuchenet, tandis que des hommes d'Orchimont et des Américains détruisaient leurs chars et leur dernier camion d'obus sur la route qui va de Gedinne à Membre. La progression était si rapide que Belges et Américains d'un côté, Allemands de l'autre, étaient furieusement entremêlés. Il fallut même inviter les villages libérés à ne pas pavoiser avant l'arrivée de l'infanterie pour éviter des représailles.

Cependant, avant cette offensive finale, chacune des sections d'Orchimont avait depuis longtemps mené sa propre lutte. Le sixième groupe, commandé par le Lieutenant d'active J. Dinant, qui avait été gravement blessé en mai 1940 au fort d'Evegnée, se livra à un sabotage de lignes téléphoniques. Entre Mogimont, Rochehaut, Alle, une ligne téléphonique militaire allemande allait de Liège à Charleville et Reims. Elle s'appelait L.T.12 Cette ligne assurait les communications entre les stations ennemies de radio de l'Est français et de l'Ardenne belge. Depuis quelques mois la sixième section abattait systématiquement les poteaux de cette ligne. Les équipes de réparation allemandes qui venaient du poste de surveillance de Mogimont étaient perpétuellement sur les dents. Le 17 juillet, exécutant les ordres de l'A.S., les hommes d'Orchimont mettent hors d'usage deux kilomètres de ligne. Pour cela ils font sauter trente-six poteaux. Le câble de rechange amené immédiatement par l'équipe de réparation allemande, disparaît avant même que cette dernière ait pu l'employer. L'occupant, acculé, n'a plus d'autre parade que de prendre des otages. Ceci entraîne nécessairement la suspension provisoire des opérations. Les communications de la L.T.12 n'en avaient pas moins été interrompues pendant quatre cent trente cinq heures. Et ce, au lendemain du débarquement!

Le 15 août, le front se rapproche nettement. Il apparaît nécessairement cette fois d'anéantir l'équipe de réparation, seule manière d'assurer un sabotage permanent de la L.T.12. Au lieu dit Bondon, entre Alle et sedan, la route passe en tranchée entre deux remblais hauts de quatre mètres. Les poteaux sont à nouveau abattus. Le camion des réparateurs pénètre lentement dans la tranchée. Sur les deux talus des maquisards à l'affût sont couchés sur le sol; Un officier S.S. jaillit du camion, revolver au poing, au moment même ou le véhicule ralentit. Il bondit sur le talus de gauche. Il se trouve au milieu du commando d'Orchimont. Une rafale le fauche irrémédiablement. Le combat devient général. Le camion est neutralisé, le moteur calé, le réservoir troué une partie de l'escouade allemande qui s'est réfugié sous le véhicule est attaquée à la grenade. Deux autres de ses hommes qui eux avaient réussi à atteindre le fossé sortent les bras levés et implorent leur ennemi invisible en se dirigeant vers le milieu de la route: « Nicht schiessen…». Ces deux-là, deux gradés, seront les seuls survivants. Ils seront faits prisonniers. Leurs camarades sont morts ou grièvement blessés. Le camion est incendié. Les blessés sont transportés vers Alle avec les deux gradés indemnes. Les morts sont ramenés vers le village. Que faire? Une convention militaire d'un type probablement inédit intervient entre vaincus et vainqueurs. Les blessés seront remis à l'autorité militaire allemande en même temps que les corps des morts à la seule condition qu'ils déclarent avoir été attaqués par des parachutistes américains. Cette précaution évitera de nouvelles représailles sur la population.

Le maquis d'Orchimont a réalisé sa mission. Une préparation sérieuse a permis des sabotages sérieux et un harcèlement décisif sur un ennemi en retraite. Le seul fait de l'existence du maquis a par ailleurs donné à toute la région un moral élevé que la réapparition des bérets verts des Chasseurs Ardennais n'a pas peu contribué à soutenir.

Les opérations de la Basse Semois ont comporté dix « coups » semblables à celui de Bondon. Une fois l'ennemi fut ralenti, voir arrêté. Ses communications téléphoniques, ses relais radio ont perdu leur efficacité. Une fraternité d'armes franco-belge s'est par ailleurs recréée. Les rapports avec la 102° U.S. dont deux officiers furent par la suite décorés avec leurs camarades belges, ont apporté à l'avance alliée une aide sans laquelle l'action d'avant-garde eût été dangereuse et incomplète.

Coût de l'opération: dix-sept hommes perdus en combat. Cinq autres emmenés par les Allemands ne sont pas revenus des camps de concentration. Les pertes ennemies dans l'ensemble de la Basse Semois ont dépassé cent cinquante hommes.

En fait ce bouchon des bérets verts sur les lignes de communication et sur les voies de retraite de troupes que talonnait les Américains a obligé des régiments allemands et particulièrement des blindés à des détours considérables et a des retards dont l'offensive libératrice a enregistré les effets bénéfiques.

A l'heure où la pointe Est du territoire national sera libérée, les bérets verts des Chasseurs Ardennais seront en première ligne.

L'action des maquisards d'Orchimont s'est étendue en fait sur trois mois. Mais durant ces semaines décisives, l'héroïsme a été le lot quotidien des hommes du Commandant Benoît.

Source bibliographique: "Histoire de Résistants" par W. Ugeux (page 73 et suivantes) paru aux Editions Duculot, 1979 ).