Procès des collabos

Collabos et criminels devant la Justice Belge..

Cet article de presse résume assez bien les activités des différents membres de la SD Dinant, son organisation et son sinistre bilan.

Les plaidoiries des différents avocats de la défense nous permettent d'en connaître un peu plus sur le passé et le caractère des inculpés.

Sambre et Meuse du 16 avril 1946

REQUISITOIRE de Mr l'Auditeur Halleux.

Nazis et rexistes sur la sellette.

Interrogatoire de l'accusé N° 20 nommé Jean Léopold Auguste Gaston PELLEMANS, employé de banque, né à Rumpst le 17 mai 1923. Il est domicilié au n° 4, rue de Florent Gevers, à Edegem.

Le Président HAVEAUX l'inculpe d'avoir appartenu du 11 avril 1944 à juillet 1944, à la S.D. de Dinant, d'avoir porté les armes, d'avoir participé à la transformation d'institutions légales. Il a commis ces infractions, puis ces crimes par esprit de lucre. Il est mis à sa charge également de nombreuses dénonciations.

Monsieur l'Auditeur HALLEUX fait un exposé des faits.

PELLEMANS fit partie du 27 juillet 1940 au 15 mars 1941, des Waffen SS. Il fut interprète à Breendonck et a comparu pour ce fait devant le Conseil de Guerre à Malines. Il fut aussi par la suite, homme de garde de la S.D . de Bruxelles, puis à celle de Dinant. Il remplaça effectivement comme interprète Marcel Sirrès. Il participe à 10 opérations importantes. Parmi celle-ci, citons : l'arrestation de 4 personnes, dont Monsieur Warny ; l'action contre le maquis du Condroz (30 personnes furent arrêtées) ; l'opération contre Houdrémont ; l'expédition de Pessoux au cours de laquelle 49 personnes sont arrêtés; la plupart ne sont pas rentrées ; l'action contre la ville de Ciney.

En résumé, du fait de Pellemans directement, 3 personnes ont trouvé la mort ; d'autres ont subi des détentions plus ou moins prolongées. De sa participation aux nombreuses actions, Pellemans est coresponsable de nombreux morts et de nombreuses déportations dans les camps d'extermination d'Outre-Rhin.

L'accusé n° 20 est en aveu de la plupart des faits mis à sa charge.

L'interrogatoire de Pellemans par le Président est très court et la présence de témoins s'avère inutile, puisque l'accusé reconnaît les charges qui pèsent sur lui.

Le réquisitoire.

Monsieur l'Auditeur HALLEUX ne veut pas aborder son réquisitoire sans remercier ceux qui, pendant de longs mois, l'ont aidé à mettre en lumière les souffrances de près de mille personnes et à dépister les coupables. Monsieur Halleux cite d'abord sur un pied d'égalité : MM.Leyman et Frippiat, inspecteurs de la Sûreté d'Etat, ainsi d'ailleurs que M. Nicozet.

L'auditeur parle ensuite de ceux qui, venus après, ont également de grands mérites dans la rédaction des charges établies contre les 20 coupables jugés en ce grand procès, à savoir :

MM. Fontaine, Deleuze, Haroy. La brigade des recherches reçoit également les félicitations de M. Haleux. Elle a pour chef M.Liétard. M. Lambert a dressé un album contenant les photos de 327 victimes. Ce travail conséquent est admirable.

Le réquisitoire de M.Haleux sera aussi court que possible. Il retrace tout d'abord dans ses grandes lignes l'action complète de la S.D. de Dinant, son activité horrible. Il met en relief le rôle prépondérant joué dans la répression par la S.D. en Belgique et spécialement à Bruxelles, Liège et Dinant.

En cette dernière Gestapo, le rôle de ces belges est particulièrement ignoble et néfaste. Le tragique bilan met en relief la bestialité de ces auxiliaires plus cruels que les Boches : 8.272 personnes ont été identifiées comme ayant eu à souffrir les sévices de ces séides de l'occupant. Parmi celle-ci, 329 ont trouvé la mort et 200 autres furent expédiés dans les camps d'extermination pour de longs mois. La plupart sont rentrées lourdement handicapées et sont toujours en traitement, ayant une plus ou moins grande invalidité après avoir subi et enduré un véritable calvaire.

La Sûreté de Dinant a réussi le tour de force de mettre sous les verrous la presque totalité des membres de la S.D. à l'Hôtel des Postes : 18 inculpés sont présents, deux sont défaillants : Claes et Colette. Désiré Paquet est détenu à Charleroi ; Pirmolin, détenu, condamné à mort ; Saburgé et Dendael, détenus à Liège ; Herolst (détenu), Samson Cyrille (détenu), Marcel Sirrès et Siekers , détenus à Luxembourg, Schubring, Hanke, Limpach sont également arrêtés comme criminels de guerre ; les autres suivront. Sont déjà condamnés à mort comme indicateurs de cette S.D. : Hubot, Gilson, Avril, Sellier, de Radiguez, Lissoir, Warzée, etc.

C'est-à-dire que grâce à nos Sûretés, la presque totalité des assassins subira un châtiment.

Monsieur l'Auditeur Halleux retrace une nouvelle fois, mais brièvement le fonctionnement de l'horrible organisation policière allemande et tout particulièrement celle de la S.D. Il énumère toutes les opérations auxquelles a pris part la S.D. de Dinant et dresse un bilan particulièrement tragique de son activité.

L'Auditeur dit la composition de l'organisation de l'Hôtel des Postes qui comprenait des indicateurs attitrés, des chauffeurs, des interprètes, des hommes de garde. Il décrit leur rôle particulier, mais tous se sont montrés des policiers de bas étage et tous ont participé à des actions constituant de véritables assassinats individuels ou collectifs.

Une jolie bande d'assassins.

Parmi les indicateurs attitrés jugés aujourd'hui, citons Stampe, Schoonbroodt, Colette, Kestelyn, Putzeis, Frérotte, Istasse, Perpète Suzanne.Leur rôle, qui est un des plus abjects, était de s'introduire dans les groupes de résistants et de maquisards dans le but d'en tirer les renseignements les plus précis afin de permettre des actions réunissant les plus grandes chances de réussite avec les moindres risques. En somme, ils jouaient le rôle odieux de "mouton". Ce n'était pas suffisant, ils participèrent à des tortures et à des meurtres.

Voici quelques faits : Stampe : le 27 août 1943, dénonce le camp de Bièvre, dont il fait partie.

Kestelyn : se fait passer pour maquisard près de ceux de Jemelle. Il organise avec eux une expédition, mais prend rendez-vous avec la Gestapo (5 morts) Schoonbroodt : même fait pour Olloy. Putzeis : indicateur spécialiste. Dénonce même sans être en service le camp de Regniessart. Perpète Suzanne : fait arrêter Maurice Deville à l'Hôtel Terminus à Dinant où elle lui avait donné rendez-vous. Frérotte ( le p'tit Français) : cherche le camp de Morville. A défaut de le trouver, il s'introduit chez des résistants le 23/12/1943. Il les dénonce.

Comme chauffeurs de la S.D., nous avons : Motte, Mouton, Alberty, Rombaut. Ils furent chauffeurs à l'occasion d'arrestations, d'actions et lors d'opérations, ils furent de réels assassins après avoir été de réels policiers. Se sont distingués comme tels :

Motte : le 18/9/1943 qui bat Dave arrêté par la S.D. Le 25/6/1944, lors du combat de Maibelle, il bat les malheureux prisonniers dans une grange avec son bâton.

Mouton : Le 13/1/1944, arrête lui-même un réfractaire (est-ce là le rôle d'un chauffeur ?)

Nous en venons maintenant à examiner le rôle des interprètes de la S.D. ou Gestapo dinantaise. Ils étaient quatre, à savoir : Van Cotthem, Coppin, Adam Marina et Jacob. Ces quatre traducteurs, à part la fille Mina, sont d'anciens légionnaires. Tous quatre ont battu des détenus. Tous quatre ont procédé à des arrestations. Tous quatre ont fait partie des attaquants de maquis ou de camps.

Examinons ensuite le rôle par nos hommes de garde de la S.D. de l'Hôtel des Postes. Parmi ceux-ci, le N° 19 : Raoul SERVAIS. C'est dans le lot des accusés le seul qui inspire un peu de pitié à l'Auditeur, encore qu'il laisse libre, à la Cour, d'appliquer la peine capitale. Cet homme de garde qu'était SERVAIS vivait seul au pays. Il a voulu partir en Angleterre. Il a manqué le rendez-vous fixé et s'est laissé entraîner à la S.D. de Bruxelles, puis à celle de Dinant, où il a commis les crimes que l'on sait. Monsieur l'Auditeur cite encore le nom de ceux qui personnellement, ont été les auteurs de meurtres : Stampe a notamment abattu Motte qui s'enfuyait. Il a achevé Eloy COLLIGNON qui était blessé. Colette a lâchement assassiné Eloy COLLIGNON. Il l'a raté et l'a laissé mourir. Kestelyn a tiré à bout portant sur Nassogne. Il a abattu Jean Olivier alors qu'il avait des chances de pouvoir échapper à la Gestapo.

Istasse, ce bourgmestre félon, fut l'assassin de trois réfractaires liégeois, les frères Offerman. Un est mort ; deux sont grièvement blessés. Coppin se targue entre autres choses d'avoir abattu deux maquisards à Houdrémont. Collette fugitif tua Jean MILLER.

Claes fugitif tua le malheureux BEAURAING. Rombaut, à Beauraing, attaque le patriote MACQ dans une maison où il a pris refuge et lance des grenades contre ce malheureux. MACQ est mort. Frérotte, le 26/12/1943 a tiré sur le vétérinaire de Morville.

L'énuméré des crimes cités ci-dessus en dit assez. Huit inculpés convaincus de tentatives de meurtres et un détrousseur de cadavre. Le réquisitoire touche à sa fin. M. Haleux a suffisamment et impitoyablement relevé les charges contre les prévenus qu'il cite encore une fois dans l'ordre.

STAMPE (N° 1) a sur la conscience la mort de 58 personnes.

MOTTE (N° 2) est impliqué dans de nombreuses affaires ayant entraîné la mort de 208 personnes.

VAN COTTHEM (N° 3) est impliqué dans des opérations ayant entraîné la mort de 199 personnes.

MOUTON (N° 4) est impliqué dans des actions qui ont coûté la vie à 155 personnes.

KESTELYN a participé à 11 affaires graves : 26 morts. C'est le meurtrier de Jean OLIVIER.

ISTASSE (N° 6), les bourgmestre bandit de Bièvre est l'assassin des frères OFFERMAN. Il a participé ou est impliqué dans 16 affaires graves : 48 morts.

SCHOONBROODT (N° 7), cet autre bourgmestre félon d'Olloy est dans 6 affaires graves : 10 morts.

COPPIN Christian (N° 9) est dans 11 affaires qui coûtèrent la vie à 76 personnes.

CLAES Charles (N° 11) et COLLETTE Robert (N° 12), tous deux fugitifs ont sur leur conscience respectivement 74 personnes et 82 personnes. Le N° 11 est le meurtrier de BEAURAING de Hamoir ; le N° 12, l'assassinat de COLLIGNON Eloy à Vonêche.

FREROTTE André, dit le petit Français, le N° 13 a eu 20 jours de séjour à la S.D. de Dinant. De par sa participation à 7 affaires, 14 morts sur la conscience.

FRANÇOIS Louis, le N° 18, le marmiton de la Gestapo, a joué un rôle dans les arrestations et l'on compte parmi ses victimes les frères FOCANT, de Ciney, le facteur LAMOTTE de Graide, DUMONT Nestor de Beauraing, STEVENS Benoît de Bruxelles, etc. Il fut aussi de l'arrestation de CHAMPT Fernand, d'Hastière, qui est mort.

ALBERTY Henri (N° 16) a participé à la traque des Juifs. Il estime à 21.000 le nombre de Juifs arrêtés. Ils furent internés à Malines et envoyés en Allemagne par convoi de 4.000. Il a assisté à des scènes horribles en 3 semaines de séjour à Dinant. ALBERTY s'est compromis dans 4 affaires graves ayant entraîné la mort de 20 personnes.

PERPETE Suzanne (N° 14), indicatrice et dénonciatrice, était armée. Elle a participé à des arrestations et à des actions.

PUTZEIS Marcel (N° 10), le grand Max, outre la dénonciation du camp de Régniessart, a participé à des affaires importantes, dont l'une a abouti à l'arrestation d'un Dinantais, l'Abbé DESIRANT, curé de Devantave. Compromis dans 3 affaires graves, il est coresponsable dans la mort de 4 personnes.

Mina ADAM (le N°15) est compromise dans 18 affaires ayant entraîné la mort de 77 personnes. Elle fut brutale avec les détenus.

Jean PELLEMANS, (N° 20) a été interrogé et inculpé au début de l'audience.

M.Haleux réclame la tête de 19 accusés.

Après avoir dit tout le rôle odieux joué par la S.D. de Dinant, M.l'Auditeur HALEUX requiert la peine de mort pour 19 accusés, dont 17 présents et 20 ans de travaux forcés pour SERVAIS Raoul, l'accusé N° 19.

Il faut louer particulièrement M. HALEUX de la clarté de son réquisitoire implacable et bref.

Les débats, semble-t-il, si les avocats de la défense ne sont pas trop longs, pourraient peut-être se terminer ce lundi. Ce serait un record pour une affaire de cette importance.

LA DEFENSE.

Me GOFFART du barreau de Dinant est chargé de la défense des accusés N° 1 - STAMPE et du N° 17 – ROMBAUT Cyrille. Ce dernier fut déjà condamné à mort par la Conseil de guerre de Dinant en date du 25/9/1945.

Me Goffart s'incline devant les victimes des membres de la S.D. Il rend un fervent hommage à leur mémoire et à leurs souffrances auxquelles il compatit.

La tache du défenseur s'avère impossible. Il fait état du rôle noble de la défense qui n'a pas le droit de se récuser. Le jeune avocat dinantais s'attache à chercher des circonstances atténuantes à Stampe, ce père de famille de 4 enfants, âgé de 35 ans dont le rôle d'indicateur fut particulièrement odieux ; il trahit ses compagnons du maquis.

Me VAN GEERBERGEN, de Bruxelles, entreprend la défense de l'accusé N° 2, André MOTTE qui, dit-il, n'est pas un criminel sans excuse. C'est un malheureux garçon qui a droit à des circonstances atténuantes de par sa jeunesse malheureuse. Fils d'un père joueur et buveur qui abandonna sa femme enceinte dès son jeune âge, Motte ne connut que la misère morale d'un milieu pernicieux. La mère de Motte tenait une maison de large hospitalité. L'accusé n'aurait pu recevoir de bons conseils dans cette maison d'accueil. Il eut une éducation morale perverse. Détail particulièrement odieux : l'enfant, dit l'avocat, n'avait pas de chambre. Il logeait dans la chambre que les clients laissaient libre. André Motte, de par son hérédité, aurait, d'après Me Van Geerbergen, sa responsabilité largement atténuée. Un rapport médical est présenté.

Me MUSSCHE de Bruxelles est le second défenseur de Motte, à qui on ne peut imputer une responsabilité entière. Compte doit lui être tenu dans l'application de la peine.

Me Benoît LE BOULANGE du barreau de Dinant est chargé de l'impossible tâche de défendre Kestelyn, le N° 5. L'avocat fut des amis de Jacques Thibaut, de l'Abbé Désirand, curé de Devantave, entre autres patriotes. Pour lui, dans ces circonstances, le devoir est particulièrement pénible à remplir. Le BOULANGE défend encore le N° 3, Van Cotthem Théodore. Les charges qui pèsent sur les accusés sont lourdes ; cependant, l'avocat dinantais remplit son devoir et s'efforce d'obtenir quelques points à l'avantage de ses clients.

En ce qui concerne Kesteleyn, ce jeune voyou, l'amant de Marie Dubas, Maître Le BOULANGE décrit la confrontation de la mère et du fils. La maman n'en croyait pas son entendement. Finalement, elle dit : "Tu n'es plus mon fils. Prépare-toi à mourir !"

L'avocat a préparé ses clients à la parution devant le Conseil de guerre en leur disant :

"Tâchez au moins de mourir mieux que vous n'avez vécu". Ceci pour dire combien la tâche du défenseur est impossible.

Maître SAINTRAINT du barreau de Namur, défenseur du N° 4, Prosper MOUTON, l'homme de Spy. Fils d'une mère allemande, ses réactions ne peuvent être celles d'un fils de parents belges. Pour cela, il aurait droit, parait-il, à certaines circonstances atténuantes. C'est ce que s'attache à démontrer le défenseur.

Maître STENUIT du barreau de Namur, défenseur du N° 6, le sieur ISTASSE Désiré, ex-bourgmestre de Bièvre, commence sa plaidoirie par la citation d'un aphorisme hindou : "Je ne savais pas qu'il y eut tant de mal sur la terre". Le jeune avocat déclare n'avoir jamais mesuré qu'en suivant les débats de la S.D., le mal qui pouvait être fait à des hommes par des hommes. Il décrit la véritable portée du débat qui a surtout une portée psychologique. Il décrit aussi la portée qu'eut la propagande idéologique rexiste sur des imbéciles comme Istasse, qu'elle conduisit jusqu'à la trahison, jusqu'au crime. Son client fut entraîné sur le chemin du déshonneur par Léon Lambert de Vresse et Mouchet de Bièvre, tous deux très justement abattus par les patriotes. Istasse devint indicateur patenté, puis assassin. L'avocat décrit l'influence néfaste de la femme de l'accusé, qui grisée par l'orgueil du pouvoir, l'excite jusqu'à l'inviter à abattre un jeune homme qui aurait mal parlé de lui !

Istasse, ce pleutre goujat n'aurait pas été déchaîné s'il n'avait été atteint dans ses biens les plus chers.

Me STENUIT accepte la défense à l'improviste de Schoonbroodt, il le fera demain matin.

Maître GOOSENS de Bruxelles défend l'accusé n° 8, COPPIN Christian de Forest ; Quelle que soit l'horreur que provoquent les forfaits des hommes que l'on juge aujourd'hui, ils doivent être défendus. Ils doivent être traités avec sécheresse, mais sans passion.

Le défenseur du N° 8 prétend que tous les points de la prévention ne sont pas établis et il s’efforce de le démontrer. On ne le comprend pas très bien puisque l'accusé lui-même, dans son carnet-journal se vante d'avoir abattu lui-même deux maquisards lors de l'attaque du maquis d'Houdrémont. L'avocat dit encore qu'il n'est pas prouvé qu'il y ait eu mort d'homme !

Son client a cependant reconnu avoir participé de tout cœur aux actions qui lui ont été commandées. Il reconnaît aujourd'hui les erreurs. Cependant, le défenseur ne se leurre pas, les charges et les forfaits étant particulièrement nombreux. Il fut la victime de sophisme. Fils unique de braves gens "un grand corps au petit esprit", c'était une petite tête qui fait le désespoir de ses parents. Il refusa de prêter serment à Hitler et c'est le fait, dit son avocat, qui décide dans le machiavélisme boche son envol à la S.D. où il a battu ses détenus.

Maître GOOSENS demande à la cour de ne pas suivre le réquisitoire de l'Auditeur Militaire jusqu'à la condamnation capitale pour l'accusé qui, à l'époque des faits, n'avait que 20 ans.

Maître ABSOLONNE de Dinant défendra dans l'ordre respectivement les accusés N° 14, N° 15 et N° 9 : savoir Suzanne PERPETE, Mina ADAM, Charles JACOB. Le défenseur entreprendra pour commencer la défense de la chaste (200 amants !) Suzanne. Il a rarement rencontré une femme qui méritait mieux que l'épithète à laquelle tout le monde pense. Elle se serait mieux trouvée en maison close où elle aurait fait moins de mal. Elle fut plutôt la victime de cette passion maladive. Elle est la créature de ses amants et non de la Gestapo. Elle est d'ailleurs, dira son avocat plutôt bête que méchante. Lors des interrogatoires, elle étalera son vice avec complaisance. La défense livre le sort de Suzanne Perpéte à la Cour et demande de tenir compte de son état.

Maître ABSOLONNE nous parle ensuite de Mina ADAM, venue du Luxembourg. A 18 ans, elle devint l'épouse du sinistre Matthys, ce V.N.V. notoire. Sous son emprise, elle deviendra, une adepte elle-même du V.N.V. puis de la S.D. où elle avait l'emploi normal d'interprète. Si ses gestes brutaux envers ses … détenus, ce fut sous l'emprise de son chef Kokhe, de qui elle était la maîtresse.

L'avocat parle ensuite du troisième client, le N° 9, à savoir JACOB Charles, le plus jeune, âgé seulement de 21 ans. Le défenseur explique l'atmosphère de la famille Jacob. Son père qui était commandant de gendarmerie s'est rendu coupable de délation. Il a été cassé et condamné à des mois de prison. Le fils avait 17 ans et s'engage à Rex et dénonce ses condisciples. Il suivait des cours à l'Académie allemande de Liège ; il en sorti gangréné. On lui avait montré les beaux côtés du national-socialisme. Le drame est là.

Maître ABSOLONNE dit que son client regrette ses actes et surtout la dénonciation de son condisciple qui fut non tellement un acte de trahison, mais d'un esprit mesquin de vengeance contre le fils de l'avocat qui a plaidé contre son père. Les faits matériels sont établis, mais le défenseur demande qu'il soit tenu compte des circonstances atténuantes. L'avocat donne lecture d'une lettre du père LELOIR à la mère du Gestapiste. Elle dit que le détenu, le Père Leloir confessa son gardien, en l'occurrence Jacob Charles. Maître ABSOLONNE demande encore pour Jacob, de l'indulgence.

Maître BECCO de Liège, défenseur de l'accusé N° 10 , PUTZEIS Marcel, décrit la vie de Putzeis. Assez aventureuse au début de l'occupation, arrêté par les Allemands, il s'est mis au service de l'ennemi pour sauver sa tête. C'est ce que dira son avocat qui s'efforce, sans grande conviction de minimiser la portée des actes de son client. Il niera certains faits même alors que Putzeis les a reconnus. Me BECCO prétend que le grand Max est toujours resté dans son rôle de chauffeur, où il a rendu certaine services à des concitoyens.

Maître Jean COULONVAUX est désigné d'office pour défendre l'accusé N° 18, FREROTTE, dit le petit français. C'est une lourde tâche qui m'échoit, dit-il, de défendre celui que MM. le Président et l'Auditeur ont appelé de Comédien de la Bande. Il s'est fait là du tort. Ce n'est pas dans le dossier que nous trouverons, dit le défenseur, des éléments atténuants : nous devrons les chercher en dehors du dossier. Frérotte est un mythomane. Le dérèglement mental de cet homme n'est pas sur le plan de la démence ordinaire. Il est atteint de la folie morale, c'est-à-dire qu'il est incapable de savoir où est le bien et le mal. Me J. COULONVAUX demande à la Cour de considérer ces faits. Ce délinquant chronique si l'on peut dire, serait, en France, relégué.

Le défenseur demande de jeter un coup d'œil sur le fond de l'affaire. Frérotte se distingua de la plupart des autres prévenus sur la fin de la guerre. Il a, dans des conditions non déterminées, été déporté à la Citadelle de Huy. L’avocat décrit la vie aventureuse de Frérotte, qui voyageait de France en Belgique se comportant sans avoir une idée exacte des sanctions qu'il pouvait encourir. Il fut arrêté par les Allemands et emmené en Allemagne. Rentré, il aurait été du maquis de Rièzes, puis il entre à la S.D. pour sauvegarder sa vie et celle de sa famille. Mis en présence d'Albricht, il lui aurait donné des renseignements sans portée. Les Allemands, hésitants lui laissent une chance et il est mis en liberté surveillée. C'est ainsi qu'il participa à quelques opérations. Quelle fut son intention véritable ? Pourquoi après 15 jours a t-il quitté la S.D. ? On ne comprend pas bien. Son comportement est celui d'un fantaisiste. Sur le plan moral, cet homme n'est pas tout à fait normal. Je sais, dit l'avocat, que dans ces affaires, c'est difficile de faire admettre cela ; il y a trop de morts. En d'autres circonstances, le Tribunal en tiendrait compte.

Me VAUCAIRE est désigné d'office pour défendre les accusés N° 20 et N° 18, à savoir Jean PELLEMANS et FRANCOIS Louis.

Le premier des accusés vient de Breendonck où il a comparu comme co-accusé tortionnaire. Venu à la S.D. de Dinant, il y remplace Sirrès. Blessé au combat de Maibelle, il participa notamment à l'arrestation du professeur Warny, en tenue et en armes. Le chef local du M.N.B. est mort en déportation. Pellemans participe aux affaires de Bièvre, Custinne, Pessoux, notamment. Le défenseur déclare que son client n'a été qu'un comparse.

Il en vient alors à la défense du cuistot de l'Hôtel des Postes, le sieur FRANCOIS Louis. Il discute le rôle joué par son client. Etant sourd, il n'aurait pu avoir un rôle déterminant. Me VAUCAIRE reconnaît que François a joué un rôle secondaire, mais demande au tribunal de doser sa responsabilité. L'accusé, dit encore l'avocat, provient de parents reconnus atteints de débilité mentale. Le Président réplique : Le prévenu le reconnaît ; il a déclaré à l'audience qu'il travaillait du chapeau.

Ce gestapiste fut, en 14-18, volontaire de guerre et se conduisit très bien. Il détient 7 chevrons de front et les plus belles distinctions. Le défenseur espère que le Conseil en tiendra compte.

L'audience est suspendue.

Gestapo Dinant – Parties civiles

Vers l'Avenir –13 avril 1946.

Reprise d'audience vendredi matin, à 10 heures 20' devant un public qui tend à s'éclaircir, lassé sans doute par une interminable énumération de brutalité. La parole est aujourd'hui aux avocats des Parties Civiles.

Le premier, Me Gyselinx, partie civile au nom de Madame Mathieu, née Defrère, brosse le portrait de Gabriel MATHIEU, Bourgmestre de Rienne depuis 1926, organisateur d'un passage clandestin de frontière pour prisonniers français évadés. Il en a sauvé 127 ! Un jour, Istasse, Stampe et Kestelyn, renforcés plus tard par d'autres gestapistes sont venus l'arrêter et piller son habitation. Aux trois bandits précités, Me Gyselinx réclame 731.500 frs. de dommages et intérêts.

Me Adam, partie civile au nom de Siméon OLIVIER, père de Jean Olivier, assassiné par Kestelyn, exige, de ce dernier, le franc symbolique de dommages. Rappelons que Jean Olivier, interrogé par la S.D. sur l'endroit où se trouvait son frère maquisard, a voulu fuir. Kestelyn l'a descendu. Basculé comme une dépouille d'animal, le cadavre est resté trois jours sur la berge de la Meuse, devant l'Hôtel des Postes !

Me Charlotteaux se constitue partie civile contre Stampe, Istasse et Collette, auteurs et coauteurs du crime perpétré sur COLLIGNON à Vonêche. Il demande 300.000 frs. de réparation.

Me Paulus, partie civile au nom de Madame Veuve ALBERT, mère de l'héroïque ALBERT Romain, chef du camp de Bièvre, fusillé par les Allemands, rappelle l'ignoble lâcheté de Stampe qui vend à la Gestapo, les camarades qui l'ont recueilli dans le maquis. Me Paulus exige de Stampe et d'Istasse 100.000 frs. de dommages.

Au nom des familles Offerman Camille et Joseph, Me LOISEAU réclame à Désiré Istasse qui les assaillit sans provocation une indemnité provisoire de 250.000 frs.

Me Loiseau, enfin, s' … et Schoonbroodt aux … somme de 400.000 Frs. pour Georges H…, d'Olloy, brutalisé par ces deux membres du S.D. et expédié en Allemagne, d'où le malheureux est revenu dans un état pitoyable.

L'audience est levée à midi

Au début de l'audience de l'après-midi, Me Adam se désiste de la constitution de la partie civile pour Irma CLARINVAL. Il estime en effet que toutes les preuves existantes ne sont pas suffisantes à l'établissement des faits reprochés au détenu Istasse.

On entend ensuite Me Victor le Boulengé, qui dépose des conclusions pour Lorge de Dinant, qui fut déporté. Il réclame 198.500 frs. à titre de dommages et intérêts.

Me Le Boulengé, représentant l'Etat Belge, déclare ensuite ne pas se constituer partie civile contre les prévenus autres que les ex-bourgmestres Schoonbroodt de Olloy et Istasse de Bièvre. L'avocat estime que ce n'est pas la peine de poursuivre les autres prévenus, malgré les frais considérables causés à l'Etat par l'entretien des accusés. Il justifie ensuite sa réclamation à charge des deux ex-maïeurs en peignant les deux ignobles coquins sous des couleurs fortes. Il exige de chacun d'eux, 200.000 frs.

Me Emile Coulonvaux se constitue partie civile pour :

a) Léon Nicaisse, geôlier à Dinant contre Motte. Réclamation : 100.000 frs.

b) Pauline Dumont, veuve Louis Henrotin et son fils Pierre Henrotin, de Marloie, contre Schoonbroodt, Stampe et Van Cotthem. Réclamation solidairement 100.000 frs pour dommage moral pour la veuve, et 300.000 frs pour dommage matériel ; pour le fils, 20.000 frs. à titre de dommage moral et 150.000 frs. pour dommage matériel.

c) Fidèle Barré, de Matagne-la-Grande contre Coppin, Stampe, Collette et Claes (ces deux derniers en fuite). Réclamation : 100.000 frs.

Enfin, Me Jean de Pierpont, partie civile pour Maurice Devillé, de Godinne exige pour son client une indemnisation de 200.000 frs. à charge de Suzanne Perpète. Devillé a été dénoncé par cette dernière qui l'accusait d'avoir participé à la suppression du rexiste Robert, d'Hastière.

Très brèves, ces plaidoiries n'ont duré qu'une bonne heure de temps.

Le Président lève la séance à 15 heures et renvoie le suite de débats au lundi 15 avril, à 9 heures du matin.

Vers l'Avenir, 17 avril 1946

Après une longue délibération, le Conseil de guerre de Dinant à rendu son verdict.

La lecture de la sentence se fit au milieu d'un silence impressionnant

SONT CONDAMNES A MORT :

STAMPE Raymond , de Bouvignes

MOTTE André, de Bouvignes

VAN COTTHEM Théodore, d'Anvers

MOUTON Prosper , de Spy

ROMBAUT Cyrille, de Schaerbeek

ISTASSE Désiré, Bourgmestre rexiste de Bièvre

SCHOONBROODT Joseph, Bourgmestre rexiste d'Olloy

KESTELEYN Joseph, de Saint-Nicolas-lez-Liège

COPPIN Christian, de Forest

PUTZEIS Marcel, de Flémalle-Haute

FREROTTE ANDRE, de Tilff

PERPETE Suzanne, de Hastière-Lavaux

ADAM Mina, d'Esch-sur-Alzette

JACOB Charles, de Grivegnée

ALBERTY Henri, de Bruxelles

FRANCOIS Louis, d'Ixelles

PELLEMANS Jean, d'Edeghem

CLAES Charles, de Jemeppe-sur-Meuse , fugitif

COLLETTE Robert , de Bressoux, fugitif

SERVAIS Raoul est condamné à 20 ans de travaux forcés