Gaston Constant

Gaston Constant, un maillon important du camp

dit « de Rièzes »

Gaston Constant est né en 1921 à Rocroi de parents belges qui exploitent une ferme au lieu-dit Hongréau. Son père meurt en 1933. Sa mère et ses 4 enfants viennent alors reprendre une exploitation agricole à La Gruerie, un hameau de La Neuville-au-Tourneur (Fr), soit à 200 mètres de la frontière et du territoire de Rièzes.

En mai 1940, âgé de 19 ans, il a obtenu un sursis militaire, car ses deux frères sont mobilisés ; l’un sera prisonnier en Allemagne durant 5 ans et l’autre parviendra à se sauver lors de la capitulation de l’armée belge, mais il devra se cacher pour éviter le travail obligatoire en Allemagne.

Fin 1940, début 1941, des prisonniers belges et français tentent de rentrer chez eux en passant notamment par la ferme Constant où on leur offre un repas et des vêtements civils.

Fin 1942, des tentes sont installées au lieu-dit « Gros fau » afin d’accueillir les personnes recherchées par les occupants. Ce refuge est installé au milieu de la forêt qui sépare Rièzes et le territoire français, soit à environ 3 km de la ferme Constant, maillon bien situé pour les chaînes d’évasion.

En mai 1943, le Front de l’Indépendance y érige trois baraquements constitués de rondins recouverts de bâches de wagon, de gazons et de fougères. L’installation de ce camp dit « de Rièzes » est réalisée notamment par les Chimaciens Fabien Pierra et Fernand Delporte.

De nombreuses personnes poursuivies par la Gestapo y ont séjourné, comme par exemple les Couvinois Maurice Lebas, Marius Manise, Maurice Nicolas. Le camp a aussi accueilli de nombreux aviateurs. Gaston y a d’ailleurs convoyé de nombreuses personnes.

Fin 1943, il a sauvé un pilote évanoui, et pendu par les pieds, dont le parachute était resté accroché aux branches d’un arbre. Il fallait agir rapidement, car dès qu’un avion tombait, les soldats cantonnés à l’abbaye de la Trappe arrivaient sans tarder. Entendant les side-cars, Gaston a extrait le parachute de l’arbre et l’a dissimulé sous un tas de branches, puis il a porté le pilote sur son épaule et l’a déposé derrière la digue d’un étang asséché.

Le soir venu, il est allé le rechercher en le portant sur son dos. Prénommé Jimmy, il est resté quelques jours à la ferme avant d’être conduit au camp.

Une question primordiale pour ses fugitifs, c’est le ravitaillement.

Durant plusieurs mois, le pain était cuit chez Gaston, les hommes du maquis venaient le chercher tous les deux jours. Un jour, deux gestapistes sont venus fouiller toute la maison, à l’exception d’un fournil dont la porte était camouflée derrière des fagots. Des sacs de pois cassés et de lait en poudre ainsi que 80 pains y étaient cachés. Il fallut se résoudre à cesser la cuisson de ceux-ci à la ferme Constant.

Grâce aux bons de ravitaillement détournés, le camp ne manquait pas de pommes de terre qui arrivaient par le petit tram à Rièzes ou à Nimelette. Des fermiers des environs fournissaient aussi de légumes. C’est ainsi que Gaston ravitaillait régulièrement le camp à l’aide de son cheval et d’un tombereau munis de pneus, même par les nuits les plus noires.

En décembre 1943, il doit se rendre à Charleville : le travail obligatoire l’attend en Allemagne. Il se cache alors chez un oncle sur les Hauts-Marais à L’Escaillère.

Il revient régulièrement chez lui pour assurer le travail à la ferme avec sa sœur.

Le 14 février 1944, il se rend compte que des soldats allemands ont encerclé la ferme. Profitant de leur inattention, il se sauve et se cache derrière une meule de foin après avoir échappé à quelques rafales de mitraillettes. Puis il aperçoit des soldats, par groupes de trois, qui se dirigent vers la forêt ; il décide alors de courir prévenir les réfugiés du camp. Des soldats disposés en tirailleurs se sont mis à tirer ; parvenu à environ 80 m du bois, Gaston est touché. Il est 7 h 05 du matin.

Étendu dans la neige durant plus d’une heure, on le transporte finalement, sur une petite échelle servant de brancard. On le ramène tout d’abord chez lui, puis à la maison communale de Rièzes où il arriva vers 11 h 15.

Les soldats et les rexistes poussent volontairement l’échelle posée par terre et le carrelage est rouge de sang.

Vers 15 h, on permet au docteur André, père, de le transporter à Chimay avec sa voiture. Toutefois, Gaston doit encore subir 18 interrogatoires par les Feldgendarmes.

Il est enfin entré à la clinique de Chimay vers 17 h, mais après que l’on ait demandé à son oncle, habitant près du collège, de venir payer les frais d’admission !

Une balle lui avait perforé le bas ventre en déchiquetant le nerf sciatique et en abîmant le canal urinaire et le rein, ce qui nécessitera 16 interventions chirurgicales.

Gaston Constant a reçu plusieurs décorations : la Croix de Guerre avec palme, la médaille de la Résistance ; il a aussi été fait Chevalier de l’Ordre de Léopold II avec palme. Parmi les autres décorations figure « The King’s Medal for Courage in the cause of Freedom » qui lui fut remise à l’ambassade d’Angleterre à Bruxelles.

Gaston Constant avec ses béquilles

Source : « Un résistant parmi tant d’autres », par C. Constant, article publié dans la revue En Fagne et Thiérache n° 88.