Bourreaux nazis et collabos

SD Dinant

Prenons à présent un peu de temps pour comprendre comment, dans l'autre camp, s'articulait la répression allemande dans les territoires occupés et plus particulièrement dans notre région, où la célèbre GESTAPO était curieusement si présente ! Comprendre n'est nullement approuver.

Les services de police mis en place par les allemands étaient relativement complexes. Nous retiendrons simplement que la SIPO, "Sicherheitspolizei" ou "Police de Sécurité", était composée de différentes Sections. La Section I gérait le Personnel, la Section II s'occupait des Finances, la Section III constituait la SD tandis que la Section IV formait la GESTAPO, la Section V englobait la "KRIPO" ou « Police Criminelle », la Section VI coordonnait les services de contre-espionnage.

La GESTAPO s'occupait de tout ce qui avait rapport à l'ennemi et se subdivisait en services spécifiques s'occupant des communistes (IV A), des Juifs, francs-maçons et groupes religieux (IV B), de la Résistance de droite (IV D), des étrangers (IV E).

L'appellation GESTAPO est l'abréviation de "Geheime Staats Polizei" qui signifie "Police Secrète d'État". Cette organisation fut créée dans l'Allemagne nazie par GOERING en 1933, puis dirigée ensuite par Heinrich HIMMLER de 1934 à 1945. Ce dernier fut le pire criminel de guerre allemand. Il fut l'un des plus hauts dignitaires du Troisième Reich. Il était le maître absolu de la SS (Reichsführer-SS), chef de la police allemande (Chef der Deutschen Polizei), dont la GESTAPO et, à partir de 1943, ministre de l'Intérieur du Reich, commandant en chef de l'armée de réserve de la Wehrmacht. HIMMLER porta la responsabilité la plus lourde dans la liquidation de l'opposition en Allemagne nazie et dans le régime de terreur qui régna dans les pays occupés. Les camps de concentration et les camps d'extermination dépendaient directement de son autorité, et il mit en œuvre la "Solution finale". Il se suicidera le 23 mai 1945 pour échapper à tout jugement.

Dans l'arrondissement de Dinant, dès 1942, la Résistance s'organise. A Dinant, le groupe PONCELET mene la lutte armée et perpétre d'innombrables actions contre l'occupant. Suite aux évasions répétées de nombreux maquisards de la prison de Dinant, la GESTAPO décide d'établir un Q.G. dans cette ville. C'est ainsi que l’ Hôtel des Postes, en bord de Meuse, est réquisitionné. La mission des Gestapistes est de mettre un terme à l'activité des Maquis. C'est dans cet hôtel qu'elle interroge, torture et décide de l'envoi au camp de Breendonk, avant la déportation vers les camps nazis. Il y avait 2 façons d'interroger, la procédure légale et la procédure dure. C'est cette dernière qui était la plus utilisée à Dinant. Il semble selon des témoignages que SCHUBRING et LIMPACH soient les 2 tortionnaires de la GESTAPO les plus redoutés.

La Feldgendarmerie avait quant à elle établi un QG à Dinant dans le Couvent de l'Immaculée Conception. Elle y avait réquisitionné 2 cachots dont les dimensions étaient de 4 mètres sur 6. Les prisonniers y étaient entreposés, jusque 40 par cellule, avant d'être interrogés par la GESTAPO à l'Hôtel des Postes.

Plus de 2000 personnes y seront séquestrées.

Mais alors pourquoi les responsables de cette GESTAPO fréquentaient si assidûment le pays de Bièvre, situé à 1 heure de route de ses quartiers ?

Comme nous venons de l'évoquer, la Section III de la SIPO était constituée par la SD. Cette organisation travaillait en collaboration étroite avec la GESTAPO et fut régionalement dénommée la SD Dinant, abréviation de "Sicherheits Dienst" que l'on peut traduire par "Service de Sécurité". C'était une sorte de "Kommando" avancé dont les activités principales, semblables à celles de la GESTAPO, se résumaient en 2 mots : "Tortures et crimes". Cette association était bien sûr dirigée par un Allemand, dénommé ABICHT, mais ses valets étaient des traîtres et collaborateurs Belges !

17 seront jugés après la guerre et devront répondre de la mort de 329 victimes !

Qui étaient donc ces Belges de la SD Dinant ? Le recoupement de plusieurs articles de presse parus au moment de leur procès nous permet d'en savoir un peu plus. Selon de nombreux témoignages, ces traîtres profitaient de leur statut de Belges pour infiltrer les organisations Patriotiques ou les groupes de maquisards, avant de les dénoncer à la GESTAPO et de les faire arrêter ! Ils étaient secondés dans leurs honteuses activités par des indicateurs de leur entourage, professionnels ou occasionnels, qu'ils rémunéraient.

Dès la mobilisation, les slogans "Taisez-vous! Des oreilles ennemies vous écoutent !" avaient habitués la population à se méfier. Aussitôt l'occupation, le slogan devint davantage de mise et une méfiance générale s'installa partout.

Dans la région de Dinant, le tristement célèbre Désiré ISTASSE, dit le COUZOT, bourgmestre rexiste de Bièvre, comptait parmi ces assassins et initia un régime de terreur dans sa commune et villages environnants. Avide de pouvoirs, il semble qu'il fut une des pires brutes de la SD Dinant. Dans son entourage, une mouvance pro-allemande, à la recherche de gains et de privilèges, s'était constituée et les responsables allemands de la GESTAPO étaient donc particulièrement bien accueillis à Bièvre.

De plus à Graide-Station, ils pouvaient passer d'agréables moments en bonne compagnie ! Notons que la région de Charleroi possède elle-aussi une telle organisation. Les descentes sur Couvin sont surtout le fait des bourreaux de Charleroi tandis que Chimay peut compter sur ceux de Mons. Le meilleur rexiste de Couvin aura le grand plaisir d’envoyer quelques couvinois dans des camps et dans des prisons nazies. Il quitte Couvin et s’engage dans l’armée nazie. Il sera retrouvé et jugé. Il ne fut pas seul puisque la Résistance dut mettre un terme aux agissements d’autres bourgmestres rexistes particulièrement dangereux. La Résistance a dû mettre fin aux agissements de collaborateurs sur Chimay.Rappelons, le rôle de Célestin Evrard de Mariembourg qui s’est illustré en sa qualité de Chef de la Résistance. Il est le Chef de la Section Chimay/Mariembourg. Il participe notamment à de hauts faits de résistance armée dans la région Namuroise. Le Service Hotton ayant reçu l’ordre du M.D.N de Londres, il fut chargé, ainsi qu’un autre agent, d’éliminer les gestapistes, de la SIPO d’Anvers, venus prêter main forte aux rexistes de Namur pour l’assassinat de François Bovesse.

L’interception de ceux-ci eut lieu le 6 mai 1944 dans la maison particulière où ils logeaient, au numéro 12 de la rue du Belvédère à Salzinnes. Après un échange de tir au pistolet la mission se solda par la mort des 2 gestapistes. Un troisième membre de la SIPO qui les accompagnait fut lui grièvement blessé.

Arrêté le 10 mai 1944 à l'Auberge des Collets à Wépion par la "Geheime Feldpolizei. Incarcéré dans les prisons de Namur et de Charleroi, il sera ensuite interné, jusqu'à la libération par les troupes françaises, dans le camp disciplinaire (Straflager) de Betzingen/Reutlingen en Allemagne.

Le côté financier :

Tous les agents de la GESTAPO, qu'ils soient Allemands, Belges ou Luxembourgeois étaient payés par Bruxelles tous les quinze jours. Les chauffeurs touchaient 2.500 francs par mois, les interprètes 3.085 francs par mois. Les membres de la SD pouvaient en plus de leur salaire, dresser des notes de frais pour des verres ou repas offerts, notamment aux indicateurs. Ces derniers étaient nombreux, ils pouvaient être armés d'un revolver et étaient payés à la pièce suivant l'importance et les conséquences de leurs informations. Ils travaillaient sous leur vrai nom car ils étaient payés par la comptabilité de la GESTAPO à Berlin. Le chef régional de la GESTAPO disposait chaque mois d'une somme de 3.000 mark pour payer ces indicateurs. Qu'il s'agisse des Rentenmark ou de Reichsmark, monnaies en cours à cette époque, ( l'abréviation RM et la valeur étaient similaires), sa parité fut portée le 22 juillet 1940 à 1 RM = 12.5 francs belges. Ces 3.000 mark correspondaient alors à 37.500 francs belges, soit 12 fois le salaire moyen mensuel de l'époque qui variait de 2.500 à 3.000 francs.

Lors du procès des membres de la SD, un témoin, M.Marcel Delahaut, d'Yvoir, conte que lors de son arrestation, le dénommé MOUTON Prosper, de la SD, lui a offert 5.000 francs par mois pour entrer dans son groupe, avec une prime de 1.500 francs. par dénonciation. Lors des perquisitions et arrestations, les gestapistes allemands et belges réclamaient et emportaient régulièrement les économies des familles, en échange de la liberté d'un des leurs. Dès lors, ils pouvaient dépenser sans compter et s'offrir toutes les débauches sans restriction !

Déjà actifs en 1943, GESTAPO et SD intensifièrent leurs activités néfastes lorsque le vent a tourné, et après le débarquement en Normandie en juin 1944. Les différents maquis prenant aussi de l'assurance en assumant des missions de plus en plus incisives, nous pouvons observer de juin 1944 aux premiers jours de septembre 1944, une succession d'arrestations et d'affrontements particulièrement meurtriers

Découvrons à présent les principaux membres de la SD de Dinant.

ABICHT était le chef allemand de la SD Dinant.

Ses principaux complices étaient des traîtres belges et nous pouvons épingler :

1 ADAM Mina, de Esch-sur-Alzette

2 ALBERTY Henri, de Bruxelles

3 CLAES Charles, de Jemeppe-sur-Meuse

4 COLLETTE Robert, de Bressoux

5 FRANCOIS Louis, d'Ixelles

6 FREROTTE André, de Tilf

7 ISTASSE Désiré, bourgmestre rexiste de Bièvre

8 JACOB Charles, de Grivegnée

9 KESTELYN Joseph, de Saint-Nicolas-lez-Liège

10 KOHNKE

11 MOTTE André, de Bouvignes

12 MOUTON Proper, de Spy

13 PELLEMANS Jean d'Edeghem

14 PERPETE Suzanne, de Hastière-Lavaux

15 PUTZEIS Marcel, de Flémalle-Haute

16 ROMBAUT Cyrille, de Schaerbeek

17 SCHOONBROODT Joseph, bourgmestre rexiste de Olloy

18 SERVAIS Raoul

19 SIRRES Marcel

20 STAMPE Raymond, de Bouvignes

21 VAN COTTHEM Théodore, d'Anvers

22 VAN CAMPENHOUT

Pour tenter de comprendre le cheminement, la motivation de ces gestapistes allemands et belges en poste à Dinant pendant la Seconde Guerre, voici en résumé leur portrait général dressé par Céline Préaux dans son ouvrage " La Gestapo devant ses juges en Belgique"

Nous pouvons remarquer que les Allemands sont nés vers 1910 et ont la trentaine au moment au début de la guerre. Ils accèdent à leur premier poste de responsabilité et sont dès lors très consciencieux et appliquent les ordres à la lettre sans en analyser le bien-fondé.

Ils sont nés avant la Première Guerre mondiale et durant leur enfance et leur adolescence, ils vont vivre dans un climat de haine et de revanche contre le " Diktat de Versailles" et la condamnation de l'Allemagne pour ses crimes non punis d’ailleurs. Le laxisme des Alliés est assez édifiant.

Les Belges sont nés après 1915 et ont donc 25 ans et moins en 1940. Ils n'ont pas connu les atrocités allemandes de la Première Guerre, n'ont pas été touchés par l'élan patriotique qu'elle a suscité, ils n'ont pas vécu la haine du "Boche". Pendant leur enfance, la reconstruction du Pays était la principale priorité.

Nos gestapistes allemands et belges sont pour la plupart de statut socio-économique faible. En Allemagne, la Crise de 1929 touche particulièrement le monde ouvrier. Les faillites d'entreprises se succèdent, le chômage explose, les banques ferment leur porte. Hitler va rendre espoir et force à l'Allemagne. Il répudie le traité de Versailles, refuse de payer les dommages de guerre, réduit à néant les grands financiers juifs., donne du travail et du pain. Il aborde tous les aspect de la vie en société et semble avoir réponse à tous les problèmes..

Cette crise a de lourdes répercussions financières et c'est précisément à cette époque nos Allemands de la GESTAPO de Dinant s'engagent dans la SIPO, LEPIEN en 1929, ASTHALTER en 1933, SCHUBRING en 1934, LIMPACH en 1941.

En 1929, nos Belges ont 14 ans et la Crise pèse aussi lourdement sur les ménages. Ils quittent l'école pour tenter de décrocher un travail. Cela va causer d'énormes lacunes dans leur éducation et développement du sens civique. En 1941, ils s'enrôlèrent dans les services allemands et cinq d'entre eux se portent volontaires pour travailler en Allemagne. Seul, Désiré ISTASSE s'était déjà engagé de longue date en 1936.

Leurs engagements dans la SIPO semblent plus motivés par les avantages financiers et autres (combustible, tickets de rationnement supplémentaires, sécurité,...) que par une argumentation idéologique. L'Ordre nouveau semblait devoir l'emporter, ils se sont placés du côté des vainqueurs pensant profiter de multiples privilèges.