Chrétiens belges et résistance

Chrétiens et résistance

Avant le 10 mai 1940, Camille Joset. journaliste chrétien, pose les premiers jalons, d'une résistance qui part du Grand-Duché pour arriver au cœur de la Belgique.

Après son arrestation par les Allemands, c'est son fils Jésuite, Jean-Camille Joset, prêtre jésuite qui reprend le réseau avec Fernand Demany. Il met sur pied des brigades Toast en province du Luxembourg et sera la cheville ouvrière en 1941 de leur fusion avec le Mouvement National Belge (M.N.B) d'Aimé Dandoy avec lequel il fonde le journal clandestin "La Voix des Belges" dont il assurera la direction dès avril 1942. À la suite de l'arrestation d'Aimé Dandoy survenue le 23 octobre 1941, Camille Joset père prendra la tête du réseau et en deviendra le commandant national. il sera arrêté à son tour le 27 avril 1942 et restera trois années prisonnier, période durant laquelle il perdra l'usage de ses jambes. la continuité des activités du MNB fut assurée par son fils, Camille-Jean Joset, qui reprit la direction de La Voix des Belges tandis que Raymond Defonseca en reprenait le commandement national

Au même moment, celui qu'on appelle le géant de la Résistance , Walter Dewé, chrétien lui aussi, met en route un service de renseignements pour Londres auquel il donne le nom de Clarence-Cleveland. Ingénieur de formation, il fonde et dirigea deux grands réseaux de renseignements clandestins au cours des deux guerres mondiales :La Dame blanche en 1916, qu'il crée avec son ami Herman Chauvinsur les cendres du réseau Lambrecht, et le réseau Cleveland puisClarence en 1940. Il est abattu par un officier allemand au cours d'une mission en 1944. Au fur et à mesure que se mettent en place les différents réseaux de résistance, prêtres et laïcs en font partie. Les chrétiens étaient majoritaires dans l'Armée secrète.

Ils y avaient un aumônier général l'abbé Dessain et une série d'aumôniers divisionnaires qui devinrent souvent des aumôniers du maquis. Rappelons la mémoire du Père Leloir PB, rescapé de Dachau, du Père Lange S.J. et de l'abbé Coméliau morts atrocement avec 150 maquisards dans la région de Pépinster-Theux aux prises avec des Allemands qui les écrasent par leur nombre et leur armement. Beaucoup furent liés avec des fils de fer barbelés et brûlés vifs (1944).

On trouve un bon nombre de chrétiens dans le Mouvement national belge. Joseph Fafchamps (BIT) et le futur ministre Léon Servais en étaient. On en trouvait aussi dans le «Groupe G» et même au Front de l'Indépendance où les communistes étaient majoritaires. A cette époque, tous les résistants n'avaient qu'un but : lutter contre un régime incompatible avec la foi chrétienne.

Trois noms de chrétiens reviennent en mémoire qui furent des membres actifs du F.I. : l'abbé Boland de Liège, l'abbé Kannaerts d'Anvers et Marcel Antoine, militant jociste de Farciennes. Kannaerts, arrêté par la Gestapo, est cruellement battu comme «grand communiste». Il meurt au camp d'extermination de Gross-Rosen en février 1945. Quant à Marcel Antoine, il est expédié par les SS à la forteresse de Bochum. Il y meurt très vite. Il avait tout juste 20 ans!

Que font tous ces résistants ?

Ils diffusent la presse clandestine qui explique aux Belges la réalité de la guerre nazie qui n’est pas un combat contre le Bolchévisme au nom du Christ mais simplement une idéologie anti chrétienne, informe des défaites allemandes (Stalingrad, Normandie) et des victoires alliées. En juillet 44, il y avait, en Belgique 450 journaux clandestins.

Ils accueillent les prisonniers évadés, les parachutistes, hébergent les juifs – les frères maristes de Couvin pour citer ma ville - , les réfractaires au travail. Ils fournissent de fausses cartes d'identité à ceux que traquent les Allemands. Ils prennent de très gros risques. Des milliers sont envoyés en Allemagne et beaucoup n'en revinrent jamais.

En juillet 1943, environ 550 prêtres et religieux sont aux mains des Allemands. Trois au moins étaient déjà décédés en camp d'extermination à cette époque, entre autre le Père Magnée S.J. (mort le 9 juin 1942 à Dachau) pour avoir osé réprimander un élève du Collège de Charleroi qui faisait de la propagande rexiste.

Après juillet 43, des centaines de prêtres et laïcs sont arrêtés en nombre beaucoup plus élevé. Parmi ces derniers, 40 prêtres expédiés dans les camps de la mort n'en reviennent pas. D'autres en réchappent, dont l'abbé Froidure, l'abbé Collard (Chimay), l'abbé Josse Alzin (Namur). Ce dernier a écrit un livre émouvant intitulé Martyrologe. Il y retrace la biographie et le calvaire atroce de 74 prêtres belges dont 18 Flamands: fusillés, décapités à la hache, morts de faim, de froid, de vermine, de dysenterie ou de typhus et parfois même, de phlegmons volontairement , injectés par les tortionnaires nazis.

Bref survol des diocèses

- A Namur, Mgr Charue excommunie Léon Degrelle en août 1943. C 'est ce même diocèse qui, proportionnellement, paie le plus lourd tribut à la Résistance. Il comptera 24 prêtres parmi ses morts. Un certain nombre de curés avaient transformés leur presbytère en centre d'hébergement pour ceux que recherchaient les Allemands. Les curés de Heer (abbé Leplat) et de Agimont (abbé G. Lefèvre) convoyent régulièrement de nuit, au-delà de la frontière française, les prisonniers évadés et tous ceux qui voulaient rejoindre Londres. – voir nos pages sur Aubribes, Givet et Charleville - Tous deux, dénoncés, le payent de leur vie ainsi que Dom Jules Harmel, Prieur de Maredsous. Dom Jules est abattu par les SS, près de Buchenwald en avril 1945.

Quant au chanoine Pierlot, frère du Premier ministre à Londres, il est le premier prêtre belge arrêté par les Allemands déjà en 1941. Il meurt d'épuisement au pays des Sudètes assisté d'un confrère enchaîné comme lui. Tout son groupe de résistants, avec le colonel Daumerie en tète, sont fusillé à Berlin.

Pour le diocèse de Tournai

Au strict minimum, 25 laïcs sont morts, de mort violente, du fait des nazis ou des rexistes. Tous pour faits de résistance. Depuis un fermier de Boussu, Joseph Tamigniau fusillé à Mons, jusqu'au Bâtonnier du Barreau de Charleroi, Constant Renchon et Edmond Thiéffry, ingénieur, morts en camp de concentration jusqu'à Camille Mogenet (Binche) en passant par le Docteur Hubert Dubois (Silly) fusillé à Bourg-Léopold pour avoir soigné un parachutiste, tous sont morts pour un idéal de justice et de liberté. Mogenet fut fusillé au Tir national. C. Mogenet avec deux amis, également fusillés étaient en route pour rejoindre les alliés quand les Allemands les arrêtent.

Il faudrait citer encore les noms de huit jeunes au moins, membre des Patros ou scouts, ou étudiants à Liège ou à Louvain, et les noms de jeunes époux faisant leurs derniers adieux à leur épouse. Tous furent fusillés à l'aube de leur vie.

En Hainaut, une femme fut assassinée par les rexistes : c'est Francine Morrisseaux de Farciennes. Elle avait 25 ans. Le chanoine Harmignies, doyen de Charleroi fut lui aussi sauvagement assassiné par des rexistes qui le criblèrent de balles dans la nuque et au visage et finalement le jetèrent dans un fossé. – Chaque année nous commémorons son martyr avec notre section de Morlanwelz. Pour le diocèse de Tournai, 144 prêtres et religieux sont arrêtés par les nazis.

Au diocèse de Liège, 120 prêtres sur 1.100 sont arrêtés, dont 20 sont décédés de mort violente.

A Liège, on ne peut taire l'héroïsme de trois prêtres :

- l'abbé Arnolds de Montzen (frontière allemande) qui a sauvé et hébergé des centaines de prisonniers évadés.

- A Malmédy, l'abbé Peters qui conseillait aux jeunes gens de déserter alors qu'ils étaient embrigadés de force dans les armées du 3° Reich. Tous deux furent décapités à la hache à Berlin.

- Quant à l'abbé Rixhon, curé à St-Christophe, il meurt au camp de Bochum. Flagellé jusqu'au sang par les SS, son procès fut celui des évêques. Il avait lu en chaire de vérité, la lettre des évêques contre les déportations des ouvriers. Il y avait ajouté certains commentaires. La Gestapo ne lui pardonne pas.

- Au diocèse de Malines, 15 prêtres sont morts en camp de concentration :

- l'abbé Davignon meurt dans un linceuil de neige en wagon à bestiaux découvert par moins 10° sous zéro en février 45;

- l'abbé Maurice De Backer (Bruxelles) meurt dans les chambres à gaz en arrivant à Dachau le 29 février 42. C 'était un aumônier de la JICF;

- l'abbé Heymans (Laeken) fut maltraité par les Allemands avant de mourir martyr à Flossemburg;

- de même le vicaire Geuns (Lierre) qui meurt à Northausen le 11-4-44. Quand il y arrive, le camp comptait 3.000 bagnards. En avril 1945, il n'en restait plus que 500.

- Des religieux de tous les diocèses furent aussi arrêtés au nombre de 139 dont 16 bénédictins et 21 jésuites. Dix-neuf jésuites sont morts pour faits de guerre.

Les nazis en voulaient particulièrement aux prêtres parce qu'ils sentaient en eux une opposition radicale aux principes de base du national-socialiste, fondamentalement totalitaire et viscéralement anti chrétien.Il y avait d'ailleurs deux grands prédicateurs qui parcouraient sans cesse le pays pour dénoncer l'extrême nocivité du national-socialisme. C'étaient le chanoine Dermine de Tournai et le Père De Coninck S.J. Celui-ci connaîtra les camps, mais il en revient vivant.

Josse Alzin (Joseph Adolphe Alzinger), Martyrologe 40-45. Le calvaire de la mort de 80 prêtres belges et luxembourgeois; introduction de Cardinal Van Roey; édité par J. Fasbender. - Arlon: Fasbender J., 1947