Fernand Moreau

Fernand Moreau
1900-1944
Mort au combat

Après la défaite de mai 40, quelques officiers belges n’acceptent pas la capitulation. Certains prennent la décision d’essayer de rejoindre Londres, d’autres comme le capitaine-commandant BEM Charles Claser (Charly Claser) reprend contact avec des amis et militaires et met sur pied la Légion Belge (L.B.). Les Allemands vont très rapidement mettre sur pied un réseau d’espionnage et de contre espionnage. Ils recrutent des partisans de la collaboration. Le réseau est rapidement victime des services ennemis qui tentent de l'infiltrer. C'est ainsi que trahi par Prosper de Zitter, dit le « Capitaine Jackson », Charles Claser, après avoir été incarcéré à la prison d'Etterbeek, puis de Saint-Gilles et de Forest, est emmené en Allemagne en février 1944 vers le camp d'Esterwegen avec de nombreux compagnons de la Légion belge. Il meurt en déportation le 12 décembre 1944. En fait, la résistance paiera un lourd tribut tout au long de la guerre. Vers la même époque alors que la Légion Belge est constituée, sans s'être concerté, Robert Lentz, colonel BEM de réserve, fonde l'Armée Belge Reconstituée (A.B.R.). Robert Lentz est arrêté à son domicile le 8 mai 1941 et incarcéré à la prison de Saint-Gilles, transféré en Allemagne il sera incarcéré le 23 janvier 1945 au camp de concentration de Sachsenhausen jusqu'au 25 avril 1945 où il participe à la célèbre "marche de la mort". Enfin libéré le 4 mai 1945 il rentre à Bruxelles le 13. Il décède le 10 novembre 1949 à Bruxelles.

Ces deux mouvements de Résistance armées décident de joindre leurs forces afin d'avoir plus d'efficacité, et prennent le nom unique de Légion Belge (LB)

C’est le colonel Jules Bastin, successeur du Commandant Claser, qui transforme les 2 organisations en 1942 et forme l'Armée de Belgique. Le colonel Jules Bastin est arrêté pour la troisième fois le 25 septembre 1943 et décède au camp de Gross-Rosen le 1er décembre 1944.

Le 1er juin 1944, l'Armée de Belgique prend l'appellation d'Armée Secrète (A.S.). L'Armée Secrète est alors sous le commandement du général Jules Pire. Londres lui confie, le commandement de l’Armée secrète en même temps que la responsabilité d’essayer de coordonner au mieux l’action de tous les mouvements de résistance armée. Sous son commandement, à partir du 8 juin, plus de cinquante mille résistants de l’A.S. rentreront en action durant trois mois pour aider les armées alliées à libérer le plus rapidement possible la Belgique. Le 4 août, le commandant de l'Armée Secrète dont le nom de guerre est Pygmalion, échappe de peu à une rafle ayant mobilisé plus de trois mille fantassins allemands. Après la libération, il réussit à démobiliser dans l’ordre et la discipline les hommes de l'A.S.

Fernand Moreau fut un résistant de la première heure ; il s’occupe de la récupération d’armes et aussi du passage de prisonniers et évadés français qui tentent de rentrer chez eux dans leur village, dans leur ville ou mieux dans leur famille. Il est mis à disposition du Ministère belge de la santé publique dès le 1er mai 1941. Il entre officiellement dans l’Armée Secrète le 1er décembre 1941.

Immédiatement, un poste de direction en liaison avec l’Etat major établi à Nalinne lui est confié. Son rôle consiste à transmettre les ordres et coordonner toutes les actions sur le terrain. Vu la surveillance étroite de tous les moyens de transport et de communication exercée par l’occupant, cette mission de Fernand Moreau est d’importance capitale et par cela très dangereuse.

En 1942, un comité d'aide aux illégaux est créé. Les bourgmestres de certaines communes (Dailly, Pesches, Petigny, Cul-des-sarts et Petite Chapelle) fournissent des cartes d'identité, des cartes de ravitaillement et des feuilles de timbres. Les registres de la population sont falsifiés pour aider les personnes recherchées.

Au printemps 1942, une ordonnance allemande instaure le travail obligatoire mais uniquement pour le territoire belge et le nord de la France. En octobre 1942 l'ordonnance instaure le travail obligatoire en Allemagne. Ce travail obligatoire concerne les hommes de 18 à 50 ans et les femmes de 21 à 35 ans. En juin 1943, le seuil est abaissé à 18 ans. Certaines catégories sont exemptées.

En juillet 1943, la mission Claudius-Tybalt décidée par le gouvernement belge en exil à Londres est confiée à la Sûreté de l’État et au « Special Operations Executive » (SOE). Elle permet d’organiser plus efficacement le financement de l’aide aux réfractaires au STO en Belgique grâce au Réseau Socrate qui évite la déportation à plus de 40.000 jeunes travailleurs.

En juillet, un mot d'ordre est lancé .... « surtout ne partez pas en Allemagne comme travailleur volontaire ». Les registres de population sont enlevés afin d'empêcher les Allemands d'établir des listes de jeunes "volontaires" pour l'Allemagne. Les tampons sont enlevés. C'est bien de créer un mouvement de réfractaires, encore faut-il les cacher et les prendre en charge. Ce qui fut fait. C'est à partir des jeunes réfractaires décidés que se constitua le groupe de Partisans armés. Le nombre de réfractaires qui passent à la résistance armée est finalement minoritaire.

Le 1er septembre 1943, Fernand Moreau reçoit une nouvelle affectation à l’Office des Travaux de l’Armée Démobilisée, organisme qui fut créé le 31 août 1940.

Il semble que le roi Léopold III revendiqua la paternité de cet organisme qui est placé sous l’autorité du secrétaire général du Ministère des Finances. Cet organisme doit veiller aux intérêts des militaires de l’active et de la réserve.

L’ « Office des Travaux de l’Armée démobilisée », créé officiellement en vertu d’un arrêté du 31 août 1940 est chargé « pour veiller aux intérêts des officiers de l’active ou démobilisés. L’Office est placé sous la tutelle du secrétaire général des Finances. Ses structures, par contre, sont ventilées en trois grandes subdivisions (Service du Personnel / Service financier / Service technique), qui épousent celles du ministère de la Défense nationale. L’OTAD peut à la fois être perçu comme un instrument destiné à liquider le fait du passé (son Service technique s’emploie à liquider tous les problèmes des réquisitions opérées en 1939-1940) que comme une œuvre destinée à préparer le terrain dans une Belgique redevenue indépendante.

L’Office et ses diverses sections eurent une activité bénéfique considérable. Notons parmi les prestations, l’aide financière accordée aux familles des militaires ayant gagné le maquis et surtout la fourniture de renseignements à la Résistance dont de nombreux membres venaient de l‘armée, comme le Général Gérard, chef de l’Armée Secrète. Certains de ces hommes furent pris par les Allemands, incarcérés dans certaines prisons comme Charleroi, la Citadelle de Huy et Breendonck de plus sinistre réputation, sui était un centre de tortures et de mises à mort. Avec le temps, la Militärverwaltung, estime que l’O.T.D.A ne lui sert pas à grand-chose et –pire- qu’il entretient dans son sein des éléments politiquement douteux qui l’utilise comme couverture pour dissimuler des activités de résistance, ce qui fut le cas pour Fernand Moreau..

Le 7 janvier 1944, le chef de l’O.T.D.A., le Général Goethals et d’autres officiers supérieurs seront arrêtés par la Gestapo (Geheime Staats Polizei) et envoyés dans un oflag (camp de prisonniers pour officiers). L’O.T.D.A cessera ses activités et sera dissous le 14 avril 1944.

A cette époque, le domicile du Commandant Moreau situé à Charleroi fut perquisitionné mais notre homme voyageait dans sa région natale… Lentement et sûrement la situation devient de plus en plus difficile, on oserait même dire électrique ; les maquisards sont de plus en plus actifs et audacieux tant il est important de harceler les boches qui eux deviennent hargneux et agressifs. Charleroi devient scabreux. Fernand Moreau fait souvent la navette entre le Pays Noir et notre Fagne, d’autant plus que le P.C. de l’Armée Secrète se trouvait à Nalinnes, où il aurait dû recevoir un message de la BBC qui n’est jamais arrivé jusqu’à lui.

Actions menées :

Renseignement militaire mais aussi sur les collaborateurs ;

Aide aux prisonniers évadés et réfractaires répartis vers Regniessart et autres bois, en partance parfois vers d’autres cieux ; aide aux Juifs avec caches à Couvin (École Normale et Frères Maristes) ;

Maquis divers pour recevoir les résistants recherchés par les Allemands ;

Aide aux aviateurs alliés tombés dans la région et réception de parachutages des Alliés ;

Collecte d'armes, de vivres, de papiers cartes d'identité et ravitaillement ;

Récolte d’argent de façon douce ou moins douce par des attaques de bureaux de poste ;

La libération

Sentant le commencement de la fin, le Commandant Moreau est toujours très actif mais se tient souvent chez les parents de Paul Baurire (que Jacques Gauthier et René Mathot – membre actif au sein de la Résistance via les Partisans armés- sont allés voir) dans leur petite ferme à Géronsart. Ce hameau est situé au milieu d’un vaste massif forestier idéal pour se cacher et pouvoir aisément fuir en cas de besoin.

Le 17 août 1944 entre 11h et 11h55, les alliés bombardent Mariembourg. La maison voisine du magasin Liétard est anéantie mais deux occupantes de la cave sont prisonnières des décombres. Fernand Moreau est le premier à s’introduire sous les décombres où il trouve deux victimes : Mme Guériat qui est décédée et sa sœur qui sera transportée à l’hôpital de Gilly.

Craignant les menaces de l’occupant et une dénonciation des rexistes, Fernand Moreau emmène sa famille à Géronsart (témoignage de Paul Baurire). De là il peut contacter l’Armée Secrète qui a un camp dans les bois de Cerfontaine. Les nouvelles s’affolent : les Américains sont à Monceau-Imbréchies… Ils arrivent !

L’arrivée des Américains

Une colonne américaine descend l’Avenue de la Libération à Couvin et emprunte la nationale 5 ; mais le Pont Pavot sur l’Eau Blanche à Mariembourg a sauté. Des troupes sont déviées par Boussu-en-Fagne et par Frasnes et sa rue de la Chavée afin de rejoindre Tromcourt et de là la Nationale 5. Un nid de retardataires allemands tente alors de faire sauter le Pont de Senzeilles au pied du chemin de Tromcourt ; il sera combattu et anéanti. Le quartier de Tromcourt et de l’école de Géronsart – Frasnes sont envahis par les troupes alliées ; c’est le dimanche 3 septembre.

Le Commandant Moreau vient de se faire reconnaitre par les libérateurs US puis retourne à la ferme Baurire endosser son uniforme militaire. Il offre ses services et ses connaissances du terrain aux Alliés.

Une mission urgente est en train d’être réalisée au pont de la Brouffe sur la nationale 5 car une arrière-garde allemande essaye de miner l’ouvrage pour retarder l’avancée des Alliés.

Le Commandant Moreau prend la tête d’un peloton de démineurs et, après quelques rafales de mitrailleuse, le pont reste intact permettant ainsi le passage des libérateurs vers la Meuse.

Après avoir recueilli des informations sur les différentes routes à conquérir vers le fleuve et sur sa traversée, le Commandant Moreau demande à se joindre à la colonne qui se dirige par Romedenne et Agimont vers Heer où devrait avoir lieu la traversée du fleuve. Mais un gros nid de mitrailleuses ennemies arrose les passages depuis la rive droite en haut des rochers à Blaimont. Le Commandant Moreau, connaissant très bien la région s’offre à guider un petit peloton dans cette mission dangereuse. Il sait qu’une grande île pleine de végétations occupe le milieu des eaux et qu’elle serait très utile pour mener à bien la traversée de la Meuse. Il prépare donc cette mission pendant que le gros de la colonne et surtout les canons et blindés pilonnent l’ennemi depuis Agimont-village.

La traversée de la Meuse se passe plutôt bien : le petit groupe arrive sur la rive droite et se trouve bien protégé car les hauts rochers les cachent des mitraillages. Il s’agit maintenant de gravir ce long escarpement couvert de buissons et autres végétations. L’ascension en ordre légèrement dispersé s’opère lentement, les canons alliés visant toujours le nid allemand. Hélas, le Commandant Moreau reçoit dans le dos un éclat d’un obus ou d’un autre projectile allié. Les circonstances exactes de cet accident ne sont pas connues (apparemment personne ne l’ait remarqué tout de suite) car son corps fut retrouvé beaucoup plus tard par les enfants ramassant du bois mort.

Brochure complète avec l'histoire du Commandant Moreau - 30 pages illustrées chez l'auteur Pierre Uhlig Faubourg St Germain 87
à Couvin - couvin@gmail.com