Joseph Peeters

Joseph Peeters,

Curé de Comblain au pont,

Résistant

Joseph Peeters est né en Flandres à Brusthem. Quand la Grande Guerre éclate, Joseph fait partie de la garde civique. Le 9 août 14, il se trouve dans la campagne de Saint-Trond. En avant-garde, il est couché avec cinq de ses camarades et tiraille sur les soldats ennemis.

Joseph et ses compagnons sont faits prisonniers mais Joseph ne restera pas longtemps prisonnier. Il fausse rapidement compagnie aux Allemands et parvient à rejoindre l’armée belge où, à défaut d’être accepté comme soldat, il est embauché comme estafette au profit d’une unité de cavalerie. Sa conduite lui vaudra quelques distinctions honorifiques.

Joseph veut devenir prêtre et décide de continuer ses études. Il rejoint le séminaire de Liège où, très rapidement, il acquiert une réputation de joyeux luron par sa bonhomie et sa bruyante gaieté ! Prêtre en 1920, il est d’abord nommé professeur de travaux manuels à l’école Normale de Theux. En 1923, son professorat se termine et le voilà notre abbé envoyé à Othée comme vicaire pour seconder le vieux curé malade.

le 25 avril 1933 , il est nommé curé à Comblain-au-Pont.

En 1934, il organise une grande cérémonie patriotique

Comblain-au-Pont, le 22 février 1934

Chers paroissiens

Un deuil cruel vient de frapper la Nation Belge. Notre Roi bien-aimé Albert le Grand est mort ! Nous n’en doutons pas, il a paru devant le tribunal du Maître Suprême pour recevoir la récompense promise à ceux qui feraient le bien ici-bas. Nous pleurons tous en Lui, le grand Chef, l’illustre Général, le diplomate avisé, le Protecteur des arts, l’ami des pauvres, le Chrétien éminent. Comme la Nation entière, la paroisse Saint-Martin de Comblain-au-Pont veut rendre à son Souverain tant regretté les derniers honneurs. Dimanche prochain, le 23 février, nous célébrerons solennellement à 10 heures, la Grand’messe pour le repos de son âme. Vous y assisterai tous, sans distinction de classes et d’opinions, vous surtout anciens combattants qui avez souffert à ses côtés et combattu sous ses ordres. Des chaises seront réservées aux Autorités Communales et Fabriciennes ainsi qu’aux anciens combattants.

Signé : Jos.Peeters, curé

Le 10 Mai 40, le commandement des troupes françaises qui viennent d’arriver dans la localité ordonne aux habitants de quitter la localité. C’est l’exode qui commence et emporte vers la France les Comblinois. Le curé s’en va lui aussi et sur sa moto « la Fougueuse » et emmène sur son siège-arrière sa servante Lutgarde. Il finit par s’arrêter, après des jours et des jours de pérégrinations, à Toulouse où il se met au service des autorités religieuses. Il a le plaisir de retrouver des compatriotes prêtres qui ont trouvé refuge au séminaire de Toulouse.

Le 14 août, le voilà de retour à Comblain. Il réconforte partout où il passe. Bien vite, il prend son parti, celui d’être du côté des opprimés et des résistants… Avec son énergie, ses actions ne se font pas attendre ! Il manifeste sa foi patriotique dans ses sermons, organise « Les secours d’Hiver » pour nourrir les nécessiteux, en devient le secrétaire. Il n’hésite pas à montrer l’exemple en allant lui-même arracher les pommes de terre ou les carottes et en transportant dans la petite remorque de « La Fougueuse » des légumes et autres denrées. Plus dangereux, durant l’année 41, il va cacher chez lui deux proscrits. Des Juifs viennent aussi presque tous les jours au presbytère pour y demander des secours. Bientôt sa réputation lui vaut l’image d’un homme audacieux et sans peur.

Le 14 octobre 41, un bombardier anglais s’écrase en feu à Oneux. Les habitants retrouvent cinq corps mutilés. Deux aviateurs ont pu s’échapper. Les allemands arrivent mais ne trouvent aucun document sur les cadavres. Ceux-ci ont été cachés par les habitants. Le curé Peeters veut les ensevelir au cimetière de Comblain après une cérémonie religieuse mais les Allemands se méfient du zèle patriotique du curé.Pour l’empêcher de dire la messe des funérailles,ils emportent les corps. C’était mal connaître Joseph ; il fait annoncer partout un solennel service funèbre le 19 octobre pour les cinq héros. Ce jour là l’église est comble pour entendre son sermon patriotique ! Décidément le curé de Comblain n’avait peur de rien !! Ce que l’on appela « l’affaire de l’avion anglais » révéla malheureusement qu’il y avait des mouchards à la solde de l’ennemi à Comblain. En effet, une lettre anonyme adressée à la Gestapo, fut interceptée au bureau des postes d’Esneux par le service postal de la résistance. Dans celle-ci se trouvaient dénoncés plusieurs Comblinois. Ces hommes, se sentant menacés décidèrent alors de rejoindre l’Angleterre et c’est ainsi que le curé Peeters perdit trois collaborateurs précieux : le commandant Léon Quoilin, le maréchal des logis de gendarmerie Jean Levert et Omer Etiennne.

Lors d’un rendez-vous fixé le 1er décembre dans un hôtel de Remouchamps. Le curé Peeters et son ami Jean se munissent chacun d’un revolver. Le rendez-vous se révèle être un guet-apens. A peine arrivés dans l’hôtel que sept hommes de la gestapo surgissent et les arrêtent. Fait très grave, les Allemands trouvent les revolvers cachés dans les vêtements du curé et de Jean. L’arrestation du prêtre est vite connue à Comblain où de justesse on parvient à cacher à la cure tous les documents et tout le matériel compromettants.

Le curé, Jean Delville et le polonais Thaddée, prisonniers, sont transportés à Bruxelles et interrogés dans les bâtiments de la G.F.P. avenue Rogier. Après la séance de questions, injures et mauvais traitement habituels des Allemands, les voilà emmenés à la prison Saint-Léonard. Le 17 décembre, les trois hommes sont transférés à Saint-Gilles. On l’autorise à célébrer la messe dans sa cellule.

L’hiver se passe à Saint-Gilles. Ces longs mois d’inaction sont seulement interrompus par des exécutions dramatiques. Ainsi, le curé Peeters s’était lié d’amitié avec un jeune résistant de 18 ans, Julien Ferrant. Quelle cruelle déception, lorsque le 27 avril le jeune homme se vit appeler chez le commandant pour s’entendre signifier que son recours en grâce avait été refusé ! Le lendemain 28 avril, Julien est emmené au poteau d’un pas ferme et la tête haute comme lui a recommandé son ami Joseph. Quelques jours après, le 3 mai, c’est un autre compagnon du curé qui est emmené à son tour au poteau. L’un après l’autre, ses compagnons sont passés par les armes.

Jean Delville, le polonais Thaddée et Joseph Peeters sont transférés à Liège pour y être jugés. Joseph, après cinq mois de prison ne se laisse pas décontenancer. Il profite de toutes les occasions pour entrer en communication avec les cellules voisines. Plusieurs fois par jour, on entend sa voix lancer de sa lucarne des appels, des boutades ou des consignes. Lorsqu’il sent le cafard envahir les cellules, il se fait plus exubérant ! Mais bientôt, le premier juin, il comparaît devant le Conseil de Guerre pour apprendre sa condamnation : la mort et cinq ans de travaux forcés. ….avec humour il de demande …. Par quoi ils vont commencer … la mort ou mes 5 ans de travaux forcés …..

Il est alors transféré le jour même vers la Citadelle de Liège dans le bloc 24, celui des condamnés à mort !

L’abbé Peeters devient bien vite un soutien précieux pour tous les condamnés du couloir de la mort. On l’entend rire, chanter, prier mais aussi parfois faire des sermons. Son thème favori, c’est la confiance en Dieu.

Le 30 août vers 6 heures, l’abbé Peeters est finalement appelé chez le capitaine qui signifie aux prisonniers leur exécution. Il n’est pas seul, il y a aussi Désirant, Possemiers et Simonet. « Papa Peeters » commençait pourtant à espérer sa survie car le bruit courait dans la prison qu’un prisonnier qui n’avait pas été exécuté 90 jours après sa condamnation obtenait la grâce ! Après un court moment de surprise, Joseph reprend son attitude enjouée et se met à écrire de nombreuses lettres d’adieux. Après s’être acquitté de ce devoir, il demeura longtemps en tête à tête avec l’aumônier allemand Amschler. Vers deux heures du matin, l’abbé Peeters sort de sa cellule et s’en va bavarder avec ses camarades du couloir. Pour chacun, il passa à travers les guichets un mot d’encouragement et de réconfort. Lorsqu’il eut passé devant toutes les cellules, il revint au milieu du couloir et entonna son chant favori « le sourire ». Il fit ensuite sa dernière messe puis assista à la messe dite par l’abbé Désirant puis à celle de l’aumônier Amschler. Vers 5 heures, l’aumônier allemand, encadré des deux prêtres condamnés à être fusillés à l’aube, distribuèrent la communion à tous les occupants des cellules du bloc. A 6h15, les condamnés furent emmenés vers les poteaux d’exécution. Joseph Peeters chanta alors le « magnificat ». Les deux premiers à être liés aux deux poteaux de l’enclos furent Peeters et Simonet. On leur attacha les mains au poteau, on leur mit le bandeau devant les yeux et on leur fixa sur le cœur une cible en étoffe. La salve fut déchargée pendant que le curé prononçait à voix forte en latin « En vos mains, Seigneur je remets mon esprit. Vous nous avez rachetés, Seigneur, Dieu de vérité… Quelques minutes après l’abbé Désirant et Alphonse Possemiers arrivaient dans l’enclos pour y être à leur tour fusillés.

Deux ans plus tard, le 22 juillet 1945, au cours d’une émouvante cérémonie, le corps de Joseph Peeters est transféré à Comblain.

L'histoire complète de ce prêtre admirable a été racontée

dans ce livre - nombreuses illustrations

Collection de la Rissitance

Cœurs belges