Maquis franco-belge du Banel (Matton-et-Clémency, Ardennes)

Maurice Rzepecki

héros

Robert Lambert

héros

Maquis franco-belge du Banel.

Commandant : Adelin Husson dit "Georges", Belge.

Victimes belges : Adelin et Jules Husson, André Poncelet, Aimé Houlmont et Fernand Blaise.

Victimes françaises : André Lejeune, Casimir Rzepecki et Armand Polèze.

Arrêtés et torturés : L'Abbé Fontaine - curé de Savigny sur Ardres, -, Van Beyer, Pierre Ezannic dit "Pierrot", Jacqueline Ezannic et Marguerite Van Beyer.

Marie-Hélène Cardot - figure emblématique de la Résistance . Les clandestins sont faits prisonniers tortutrés et exécutés. 4 aviateurs alliés sont faits prisonniers.

Située dans la vallée de la Meuse, sur la D 8051, entre Revin et Givet, la ville de Vireux-Molhain fut sous l’Occupation un centre actif de la résistance sous, notamment, la direction du gendarme Marceau Devie. Une plaque apposée sur un mur de la gare de cette commune porte témoignage de la violence de l’occupant et de l’héroïsme de jeunes patriotes.

Au mois de décembre 1943, l’un des adjoints du maquis franco-belge du Banel, Henri Vin, décida de renforcer dans la région de Vireux un maquis destiné à accueillir les jeunes réfractaires et à les former à la lutte clandestine contre les Allemands. Il confia cette mission, qui consistait à poser les jalons du groupement, à Robert Lambert et à Maurice Rzepecki, deux jeunes de Linay qu’il avait enrôlé au maquis.

Les armes, l’argent et le matériel manquaient pour un tel projet. Où les trouver, sinon chez les Nazis eux-mêmes ? Le 3 janvier 1944, vers 19 heures, les deux jeunes gens se présentèrent chez le chef de culture de la WOL de Mairy, près de Mouzon, sous prétexte de demander du travail. Sortant chacun un revolver, ils l’obligèrent à leur livrer un pistolet garni de 9 cartouches, un fusil de guerre français avec ses munitions, une machine à écrire, ainsi qu’une somme de 19 300 francs. Leur acte accompli, Maurice et Robert rentrèrent à Linay (probablement chez Robert Lambert) où ils passèrent la nuit. Le Lendemain, à l’aube, ils prirent le premier train pour Vireux, depuis la petite gare de Linay. Un travailleur de la WOL, Jean L., qui les surveillait (comme il le faisait pour toutes les allées et venues dans la petite gare de Linay), obligea la garde-barrière à lui donner les souches des tickets délivrés avant de prévenir les autorités allemandes du départ de ces deux suspects qui avaient négligé, comme il en avait été convenu, de passer par la Belgique pour brouiller les pistes (le dénonciateur fut à la Libération arrêté et traduit devant la cour de justice des Ardennes. Il fut condamné le 29 avril 1945 à 20 années de travaux forcés).

Le 4 janvier, à 19 heures 40, le train de Charleville entrait en gare de Vireux. Sur le quai, d’importantes forces allemandes, arrivées de Charleville dans l’après-midi, avaient pris position. Immédiatement repérés à leur descente, les soldats tentèrent d’appréhender les deux jeunes hommes qui sortirent leurs armes. Des coups de feu furent échangés. Deux Allemands furent blessés. Maurice Rzepecki, acculé dans une impasse, fut désarmé et arrêté alors que Robert Lambert fut abattu sur place. (Selon d’autres sources, il fut emmené grièvement blessé à l’hôpital allemand de Reims où il est décédé le 6 janvier).

Le même jour, Sawera Rzepecki, la sœur aînée de Maurice, cuisinière à la WOL de Mairy, fut arrêtée par les Allemands pour complicité dans l’attentat contre le chef de culture.

Lors de la perquisition du domicile de Joséphine Lambert, mère de Robert, les Nazis trouvèrent une lettre écrite par Maurice à ses parents, ainsi que d’autres papiers des jeunes gens, qu’elle cachait dans sa cheminée. Internée à Charleville avec Sawera, les deux femmes furent déportées depuis Compiègne vers le camp de concentration de Ravensbrück par le transport du 31 janvier 1944. Sawera sera transférée au Kommando de Hollesschein, dans les Sudètes. Elle sera libérée par les Américains le 5 avril 1945. Joséphine Lambert est décédée au camp de Ravensbrück le 14 janvier 1945.

Joseph Rzepecki, père de Maurice, fut arrêté et emprisonné à la caserne du 12e Chasseur de Sedan. Il sera libéré par son gardien quelques jours avant l’arrivée des Américains à Sedan. Durant son temps de détention, l’officier allemand blessé par Maurice à Vireux vint régulièrement lui rendre visite, pour le passer à tabac…

Après avoir été incarcéré à la prison de Charleville où il fut brutalement interrogé par la Gestapo, Maurice Rzepecki fut condamné à mort par le tribunal militaire près la Feldkommandantur à Charleville et passé par les armes sur le plateau de Berthaucourt, à Mézières, le 20 avril 1944 (et non le 22 comme l’indiquent les documents officiels, voir sa dernière lettre et son « calendrier du prisonnier », marqué jusqu’au 20).

Selon le témoignage de son avocat, Maître Marceau Vignon, il quitta la prison pour monter sur le plateau d’un camion militaire où trônait déjà son cercueil. Assis sur celui-ci, Maurice traversa la ville jusqu’au lieu de son supplice en chantant la Marseillaise et en criant « Vive la France » et « Vive la Pologne » .

dernière lettre de Maurice

Charleville, le 20 avril 1944

Chers papa, maman, Saverka, Paulette, Casimir, Véronique, Stéfani, Daniel, Pierrot,

Je vous envoie ces derniers mots pour vous dire adieu, car c’est fini pour cette terre de péchés. Je suis fusillé ce matin à 7 heures. Aussi, j’espère retrouver Dieu. Je [ne] vous demande qu’une chose, ne l’abandonnez pas. Il vous aidera dans tout, même dans la mort. Car si je la regrette un peu [la vie], c’est pour vous. Car vous avez été bons pour moi, et moi qui a été si mauvais, si méchant pour vous, qui vous ai causé tant de peine, je vous demande pardon. Je ne sais pas si vous viendrez sur ma tombe, mais faites-le si vous pouvez.

Je dis adieu à Téo et [à] Joseph, au Bednarski, à Choisil, qui ont toujours été bons pour nous, à tous les amis et voisins. Je crois que Saverka sera relâchée maintenant. J’espère qu’elle me pardonnera pour tout le mal qu’elle a eu pour moi. Je la remercie de tout mon cœur, elle qui a toujours été pour moi une petite mère. J’espère que vous vous portez bien tous. Vous direz aussi adieu de ma part à M. Jouandon, à Victor, et à tous les autres copains, ainsi qu’aux Lambert. J’espère que papa n’a pas trop mal le bras et qu’il s’en tire bien dans son travail. Je tâcherai de l’aider du ciel avec les anges.

Si vous recevez mon habit, vous regarderez bien le [côté] gauche, vous y verrez un petit trou dessus et dessous. C’est le passage d’une balle, l’autre a passé plus haut. Maintenant, je vais aller revoir Robert mon si bon copain. J’espère que nous serons réunis à la mort comme à la vie. Vous n’aurez qu’à réclamer mes photos à la police allemande. Casimir pourra prendre toutes mes affaires. Gardez mon chapelet car il m’a accompagné jusqu’à la mort, ainsi que la croix. Si vous voulez, vous ferez dire une petite messe pour moi, pour que Dieu me pardonne pour les paroles, mes pensées, mes actions, et toutes mes fautes.

Je vais terminer ma lettre car l’heure avance et il ne faut pas que je manque mon rendez-vous avec la mort. Aussi j’embrasse toute la famille avant de mourir sur cette terre, car j’espère vous revoir au ciel.

Donc adieu. Celui qui vous a fait tant de mal, pardonnez-lui, adieu et ne me pleurez pas, je n’en vaux pas la peine, adieu tous.

Celui qui pense à vous toujours, votre fils, frère, oncle.

Maurice

Le frère ainé de Maurice, Casimir RZEPECKI, né le 3 janvier 1922 à Muzynowo-Kocielne (Pologne) intégra le maquis franco-belge du Banel en janvier 1943. Il y fut arrêté, martyrisé, puis fusillé lors de l’attaque du maquis par les troupes allemandes le 18 juin 1944. Un témoin de son supplice déclara :

Casimir Rzepecki (à gauche) et Armand Polèse, tous deux torturés

puis abattus au maquis du Banel le 18 juin 1944

« Près du château du Banel, non loin de la maison du cantonnier Lagrange, les Allemands m’ont conduite devant quatre hommes arrêtés au Buchy (Armand Polèse, Fernand Blaise, André Poncelet et Casimir Rzepecki) afin de les identifier. Ils avaient les mains et les pieds liés sauvagement avec du gros fil de fer et les chairs ressortaient en bourrelets. Ils étaient tournés face contre terre. Il était visible qu’ils avaient été battus tant ils étaient ensanglantés et avaient les vêtements déchiquetés. Ils étaient en train de mourir. Les Allemands les ont retournés à coups de bottes. J’ai nié les reconnaître […] Au bout d’une demi-heure, j’ai vu que les Allemands relevaient les victimes et les traînaient à l’entrée du taillis. Quelques instants plus tard, j’ai entendu cinq coups de revolver et j’ai supposé que les Allemands achevaient les victimes. »

massacre du bois du Banel.

Le 18 juin 1944, plus de 2 000 soldats allemands entourent les 800 hectares de bois où sont réfugiés une poignée de résistants belges et français. Ils n’ont aucune chance de survie. Ces partisans sont torturés et tués. Un seul réussit à s’échapper.

C’est Adelin Husson, originaire de Chassepierre et journaliste réfractaire à La Meuse Liège qui commandait le maquis.

Discours d’Odon Meunier, prononcé un an après la tragédie.

«Mesdames et Messieurs, le sol que vous foulez en ces lieux est sacré. Il rappelle la fin tragique de héros. Ils ont lutté, ils ont souffert, ils ont offert le salut de leur vie. N’oublions jamais la leçon de patriotisme ardent et désintéressé qu’ils nous ont léguée dans la mort.» (17 juin 1945).

André Poncelet, Fernand Blaise, Armand Polèse et Casimir Rzepecki étaient massacrés. Adelin et son fils Jules qui s’était échappé de la Citadelle de Huy en juillet 1942 étaient abattus, ainsi qu’André Lejeune revenu dormir chez ses parents et Aimé Houlmont venu en renfort. Le corps d’Adelin Husson ne sera jamais retrouvé.

une lettre poignante par sa petite-fille. À l’époque, le papa d’Alfred a été assassiné et son frère torturé:

«J’avais onze ans. J’ai vu et vécu l’horreur de la guerre avec des yeux et un cœur d’enfant. J’en garde un pénible souvenir […] J’ai un sentiment de peine, sachant que des personnes sont tombées pour une propagande trop connue.»

Henri Meunier, le fils d’Odon qui à l’époque a hébergé Aimé Houlmont, le spécialiste radio du Banel, témoigne:

«Il a été torturé pendant des heures parce qu’il refusait de dénoncer ma famille, qui l’avait hébergé. Ses tortionnaires brandissaient devant ses yeux la photo de son épouse et de ses jeunes enfants

Une citation à l’ordre du Régiment, comportant l’attribution de la Croix de guerre a été décernée en 1945 à Casimir RZEPECKI, à titre posthume, par le général Préaud.

Liste des victimes du maquis

HUSSON Adelin, né le 10 mai 1899 à Chassepierre (Belgique), journaliste domicilié à Bressoux (Belgique). Fondateur d’un réseau de renseignement et du maquis franco-belge du Banel en mai 1942. Fusillé par les Allemands le jour de l’attaque du maquis le 18 juin 1944. Son corps ne fut jamais retrouvé.

HUSSON Jules, né le 13 novembre 1924 à Eischweiler (Belgique), domicilié à Bressoux (Belgique), fils du précédent. Fusillé par les Allemands le jour de l’attaque du maquis le 18 juin 1944.

POLESE Armand, Victor, né le 31 octobre 1921 à Rimogne, domicilié à Linay. Réfractaire au STO, il rejoignit en 1942 le maquis franco-belge du Banel, dirigé par Adelin Husson. Agent de liaison puis chef de groupe, il occupait au maquis une « cagna » au lieu-dit « le Paquis de Frappant », dans la clairière de Buchy, avec trois autres réfractaires, André Poncelet et Fernand Blaise, Casimir Rzepecky, et une jeune fille belge, Marguerite Van Bever. Le 18 juin 1944, après que le maquis eut été encerclé par de fortes troupes allemandes, les cinq maquisards furent arrêtés dans le bois du petit Banel sans pouvoir opposer de résistance à leurs poursuivants. Les quatre jeunes hommes furent emmenés au fortin du Paquis de Frappant, les mains liées dans le dos avec du fil de fer. Ils furent battus à mort, puis, étendus le visage contre terre, fusillés.

PONCELET André, né le 10 août 1922 à Florenville (Belgique), domicilié à Matton. Maquisard au Banel, compagnon d’Armand Polèse, il fut fusillé par les Allemands le 18 juin 1944.

HOULMONT Aimé, Emile, Germain, né le 21 janvier 1913 à Saint-Vincent (Belgique), militaire de carrière, domicilié à Pin-Izel (Belgique). Spécialiste radio du maquis du Banel. Arrêté lors de l’attaque du maquis, roué de coups puis fusillé et enterré près du château du Banel ce même jour, le 18 juin 1944.

BLAISE Fernand, né le 12 août 1921 à Florenville (Belgique), domicilié à Matton. Fusillé lors de l’attaque du maquis franco-belge du Banel le 18 juin 1944.

LEJEUNE André, né le 21 février 1924 à Schaebeck (Belgique), domicilié à Chassepierre (Belgique). Maquisard au Banel. Fusillé par les Allemands le jour de l’attaque du maquis le 18 juin 1944.

RZEPECKI Casimir, né le 3 janvier 1922 à Muzymen (Pologne), domicilié à Linay. Maquisard au Banel, compagnon d’Armand Polèse, il fut fusillé par les Allemands le 18 juin 1944.

Note sur l'Abbé Fontaine:

Recherché activement par la Gestapo après la chute du réseau d'évasion Possum fin décembre 1943, l'abbé Roland Fontaine qui avait convoyé des pilotes alliés pour le compte de ce réseau, avait quitté précipitamment sa paroisse de Savigny-sur-Ardres et s'était réfugié d'abord chez le chanoine Hess, directeur de la Maîtrise de Reims, où il avait lui-même exercé avant la guerre. Il s'était ensuite rendu dans les Ardennes à Givonne dont il était originaire. Le curé de ce village l'avait mis en contact avec un des chefs de la résistance ardennaise, Henri Vin, qui l'avait fait entrer au maquis franco-belge du Banel.

Le 18 juin 1944, l'abbé Fontaine avait été arrêté par les Allemands, lors de l'attaque de ce maquis par la Wehrmacht, attaque survenue après que la Résistance française ait été infiltrée par l'agent belge, Rœmen. Incarcéré à Florenville en Belgique puis dans les Ardennes à Sedan, il avait été transféré à la prison de Charleville, où il vait été interrogé par Rœmen]

Sources :

Témoignage et archives familiales de Mme Stéfania Warschlowinski, née Rzepecki.

Dossier Rzepecki, Archives départementales des Ardennes, 1 W 54

Rapport de la gendarmerie, section de Sedan, du 5 janvier 1944. Archives départementales des Ardennes, Z/Sedan 33