Les philosophes des lumières

Les transformations de la monarchie absolutiste anglaise en une monarchie parlementaire exercent un attrait important sur les parlementaires français. Les philosophes des Lumières théorisent leur positions dans des ouvrages au succès important.

Montesquieu (1689-1755) est un parlementaire français. Conseiller puis Président [à mortier] du Parlement de Bordeaux, il s’intéresse à beaucoup de sujets, dont la politique. Il voyage dans toute l’Europe. Il commence l’écriture de De l’esprit des Lois vers 1739 et le publie anonymement en 1748.

Il y a, dans chaque État, trois sortes de pouvoirs ; la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. […] Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement. […] Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ; celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. Dans la plupart des royaumes de l’Europe, le gouvernement est modéré ; parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l’exercice du troisième. 

Montesquieu (1689-1755), De l’Esprit des lois, 1748. Livre XI, chapitre VI


Denis Diderot dirige avec Jean Le Rond d’Alembert l’Encyclopédie entre 1747 et 1766. 150 auteurs y participent dans toutes les disciplines. Elle comporte 71 000 articles, 17 volumes de textes et 11 de planches. Elle répertorie l’ensemble des connaissances de l’époque et propose une réflexion critique sur le pouvoir et la société.

Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du Ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c’est la puissance paternelle : mais la puissance paternelle a ses bornes […]. La puissance qui s’acquiert par la violence n’est qu’une usurpation et ne dure qu’autant que la force de celui qui commande l’emporte sur celle de ceux qui obéissent […]. Le gouvernement, quoique héréditaire dans une famille, et mis entre les mains d’un seul, n’est pas un bien particulier, mais un bien public, qui par conséquent ne peut jamais être enlevé au peuple, à qui seul il appartient essentiellement et en pleine propriété. […] Ce n’est pas l’État qui appartient au prince, c’est le prince qui appartient à l’État […]. 

Denis Diderot, Article Autorité politique, tiré de l’Encyclopédie, Tome 1, 1751


Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) a été un précurseur du romantisme en développant le « sentiment de la nature ». Par ses idées politiques (républicaines) et sociales (il faut combattre l'inégalité sociale), Rousseau a eu une influence considérable .

On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un État libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui, elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir.

Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.

Rousseau, Lettres écrites de la montagne - VIII