Batailles de Tannenberg et de la Marne (Aout-Sept. 1914)

Tannenberg et la Marne

Dès 1914, l’Allemagne mène les combats sur deux fronts, à l’Ouest et à l’Est. Sur le front occidental, l’armée allemande progresse rapidement. À l’Est, elle doit faire face à l’offensive de la Russie, qui cherche à soulager  ses alliés occidentaux. Après des victoires, l’armée russe est stoppée fin août 1914 à Tannenberg. En France,  la bataille de la Marne permet aux troupes alliées  de contenir l’offensive allemande. À l’Est comme  à l’Ouest, le front est stabilisé et la guerre de tranchées  se prépare. 

 En quoi les batailles de Tannenberg et de la Marne marquent-elles un tournant de la guerre ?

Le devoir d’attaquer

Au moment où s’engage une bataille dont dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière ; tous les efforts doivent être employés à attaquer et à refouler l’ennemi, une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée.

Général Joffre, Message aux armées françaises, 6 septembre 1914.

La bataille de la Marne (septembre 1914)

Le soldat Alphonse Tellier, affecté au 276e régiment d’infanterie, dans la même section que l’écrivain Charles Péguy, est blessé par balle à l’épaule lors de l’assaut.

Nous sommes repartis jusque dans le fossé de la route d’Iverny. Là nous sommes restés peut-être une heure couchés dans le fossé. Les mitrailleuses tiraient çà et là encore. Un officier d’ordonnance des tabors1 marocains arrive à cheval sur le talus opposé à nous et dit au capitaine Guérin : « Que faites-vous là ? – J’attends les ordres qu’il répondit. – Moi, officier d’ordonnance2, vous ordonne d’avancer aussitôt ! » Le capitaine se leva, sabre au clair, et cria « Baïonnette au canon ! » et le commandement « En avant ! » Les mitrailleuses tirèrent un feu nourri qu’il ne passa presque personne au travers. Le capitaine Guérin tué au départ, le lieutenant Péguy à 15 ou 20 mètres de la route. Seule la demi-section à la droite du lieutenant Péguy, dont je faisais partie, a passé par bonds, après avoir franchi au moins 200 mètres. Nous avons été jusqu’à la garenne ou bosquet en avant de nous à environ 800 mètres. Nous sommes restés jusqu’à la nuit. On entendait les camarades qui étaient blessés crier leur souffrance. On ne savait pas comment faire. Nous étions seuls. […] Quant à secourir les officiers, il était impossible à quiconque d’y aller. La route était repérée et les balles sifflaient. C’était risquer sa vie pour aller sur cette route. Moi qui ai été blessé, j’ai rampé pour m’en tirer presque jusque Villeroy.

Lettre d’Alphonse Tellier à Auguste Martin, citée par Jean-Pierre Rioux dans La Mort du lieutenant Péguy, Tallandier, 2014.

1. Unités d’infanterie légère de l’armée d’Afrique, composée de troupes marocaines encadrées par des officiers français. 2. Aide de camp d’un officier supérieur.

Regard d’historien

Tous les états-majors européens qui ont préparé et réfléchi le conflit sont persuadés que la mobilisation inédite d’autant d’hommes ne peut être supportée longtemps. Il est donc nécessaire de remporter la guerre au plus vite. Pour cela, une seule solution s’impose : l’offensive immédiate pour anéantir au plus vite l’adversaire. Quelques semaines à peine après le début du conflit, les batailles de Tannenberg et de la Marne déjouent entièrement ce qui a été anticipé. Elles signifient d’abord l’échec de l’offensive, celle des Allemands à l’ouest, celle des Russes à l’est. Mais surtout, malgré leur ampleur, elles ne sont en rien décisives, car elles n’entraînent pas la fin de la guerre et la victoire d’un camp sur l’autre. Sur le front occidental, la contre-offensive de l’armée française ne parvient pas à repousser des Allemands qui reculent avec ordre et s’installent sur le territoire national. Sur le front oriental, malgré la victoire des lacs Mazures (8-13 septembre 1914) qui prolonge celle de Tannenberg, les Allemands ne prennent pas un avantage déterminant sur l’armée russe. Le destin de la guerre de mouvement est, en revanche, dissemblable selon les fronts : si, à l’ouest, la guerre de position s’installe dès les semaines suivant la Marne, la guerre de mouvement se poursuit à l’est durant tout le conflit.

Entretien avec Damien Baldin, auteur avec Emmanuel Saint-Fuscien de Charleroi :

21-23 août 1914, Tallandier, 2012.