Bataille des Dardanelles (fév. 1915- janvier 1916)

L’offensive des Dardanelles

Élaborée par l’état-major britannique, l’offensive des Dardanelles vise à ouvrir un front secondaire pour contourner l’enlisement du conflit en Europe. Par ailleurs, le détroit est stratégique pour les communications de la Russie avec ses alliés : l’armée ottomane le défend donc farouchement. Après l’échec d’une offensive navale, les Alliés débarquent sur la péninsule de Gallipoli mais ne parviennent pas à progresser et se retirent. Le bilan humain total est estimé à 100 000 morts de part et d’autre.

 Pourquoi l’offensive franco-britannique des Dardanelles  est-elle un échec ?

La bataille terrestre vue par un témoin

Médecin militaire, Joseph Vassal fait le récit des opérations médicales réalisées lors de la bataille. Il décrit ici le sort des blessés lors des combats de Kum-Kale, le 25 avril 1915.

Je parcours le champ de bataille. L’imagination ne peut rien trouver comme cette réalité. Je voudrais que rien ne reste dans mon cerveau de ces heures de sang et de mort. […] Du crépuscule de cette journée du 25, jusqu’aux premières lueurs de l’aube du lendemain, nous nous pencherons sur des blessés dans une atmosphère de sang, de gémissements et d’horreurs inexprimables. […] Un sergent-major meurt près de nous… pendant un instant, nous avons vu le cœur battre presque à nu. Un Sénégalais n’a plus de face à partir du nez. Ce masque remue et saigne ; les yeux expriment une douleur affreuse. […] Le défilé lugubre des blessés commence et va se prolonger jusqu’à deux heures du matin. L’un, stoïque, assiste sans un geste à son éventration ; sous la chemise une fluctuation gluante, liquide, vivante et chaude, estomac, intestin… […] Une poussière, sale, pénétrante, envahissante, vient de partout. Le vent se joue de cette poussière, il en refoule dans les plaies béantes.

Joseph Vassal, Impressions et souvenirs de guerre

(avril 1915 - février 1916), 1916.

La bataille navale vue par un journal français

Un marin, survivant du Bouvet, a fait le récit suivant à un journaliste grec : « Le cuirassé Bouvet s’avançait à toute vitesse dans l’intérieur des détroits. Nous commencions à bombarder le fort Hamidié, dont le tir violent manquait d’abord de précision ; mais il se régla assez rapidement et ses obus atteignirent le cuirassé et lui causèrent de sérieuses avaries. Je me tenais sous la passerelle du commandant ; celui-ci venait de donner l’ordre d’un changement de direction lorsque j’entendis un bruit formidable ; il provenait de l’explosion des soutes. Le Bouvet commença aussitôt à sombrer, emportant avec lui une bonne partie de l’équipage, tandis que le fort continuait à tirer sur le cuirassé. Je fus sauvé par une barque anglaise. »

Les dépêches ajoutent que les corps des matelots noyés sont recherchés au large par les contre-torpilleurs, qui les transportent ensuite sur les navires hôpitaux Canada et Soudan. Au passage de ces morts glorieux, les marins des bâtiments présentent les armes, les pavillons sont en berne ; les cloches sonnent le glas. Sur le rivage, de nombreuses femmes grecques jettent des fleurs dans la mer et brûlent de l’encens, tout en versant des larmes sur les héros inconnus. 

Article extrait du journal L’Illustration,

17 avril 1915.

Le débarquement des troupes alliées

Il s’est opéré sur six points différents, sous la protection de toute la flotte. Les opérations de cette première journée ont eu pour résultat l’installation d’importantes forces sur trois points principaux : les Australiens et les Néo-Zélandais sur les pentes intérieures de Sairi-Bair ; les Anglais au cap Tekeh et près de la baie de Morto ; enfin les Français sur le littoral asiatique, après une attaque vaillamment menée dans la direction de Yeni-Shehr. Le 26, avec le concours de la flotte, les Anglais ont enlevé d’assaut la position de Sedd-ul-Bahr. […] À Kum-Kale, l’action française a été particulièrement brillante. Nos forces comprenaient 4 000 hommes. En dépit de la résistance acharnée des Turcs, nos troupes réussirent à se maintenir jusqu’à ce que l’occupation du littoral de Sedd-ul-Bahr ait été complètement effectuée. Les assauts des Turcs ont été, depuis, repoussés avec de grosses pertes pour les assaillants.

« L’avance des forces alliées aux Dardanelles durant la première quinzaine de mai »,

Le Miroir, 16 mai 1915.