H8 Métropole et colonies

Pourquoi et comment la 3 ème république met-elle en place un vaste empire colonial ? 

H8 Métropole et colonies

Pourquoi et comment la 3 ème république met-elle en place un vaste empire colonial ? 

I La France de la 3ème république colonise des territoires et devient une puissance coloniale à l'échelle mondiale

 Questions p 165 En quoi la France est-elle une puissance coloniale à l'échelle mondiale ? Quelles sont les puissances rivales de la France sur le plan colonial ?

À partir de ses premières conquêtes coloniales, la France étend et organise son empire. Elle signe des traités de protectorat en Tunisie (1881) et au Maroc (1912) et regroupe les colonies d’Afrique subsaharienne en fédérations appelées Afrique-Occidentale française (1895) et Afrique-Équatoriale française (1910). En 1895, la France annexe Madagascar et en 1897, elle crée l’Union indochinoise.

 Toutes les grandes puissances du 19e siècle sont impérialistes afin de s’assurer une position géopolitique favorable. La colonisation révèle les rivalités entre les puissances européennes. Malgré la conférence de Berlin (1884-1885) qui tente d’organiser pacifiquement le partage de l’Afrique, la course aux colonies conduit ces puissances à des situations de forte tension : c’est le cas à Fachoda en 1898 entre la France et le Royaume-Uni et au Maroc en 1905 et 1911 entre la France et l’Allemagne.


 II L’empire colonial français avant 1914 : Des sociétés coloniales divisées et très inégalitaires

 La France est devenue en 1914 le deuxième empire colonial mondial, mais la présence française sur ce vaste territoire est discontinue et souvent contestée.

Exercice : code de l'indigénat 

 Les sociétés coloniales sont inégalitaires. Elles sont fondées sur une domination politique et juridique des colonisés, consacrée par exemple par le Code de l’indigénat. La mise en valeur économique des colonies entraîne la modernisation de ces territoires, mais elle implique souvent une spoliation des terres et les colonisés peuvent être soumis au travail forcé. Les divisions des sociétés coloniales sont visibles dans l’espace urbain comme à Saïgon.

 Un paradoxe : La colonisation est justifiée par la « mission civilisatrice » de la France, elle-même fondée sur le racisme scientifique. Cette théorie vient justifier l’inégalité de statut et de traitement des peuples soumis, alors que la République défend en métropole l’application des droits de l’homme.

III La colonisation en débat

L’expansion coloniale répond en France à une volonté politique en compensation de la défaite de 1871. Cet expansionnisme ne fait pas l’unanimité au début de la Troisième République. 

Exercice : arguments pour vs arguments contre

Il répond cependant à une crise économique et est encouragé par les milieux d’affaires.

 Portée initialement également par une ambition scientifique, la colonisation se fait avant tout par les armes et se heurte à des résistances durables, notamment en Algérie ou en Indochine.

La colonisation n’intéresse, avant 1914, qu’un « parti » colonial restreint, groupe de pression informel composé de militaires, missionnaires, membres de sociétés savantes ou de chambres de commerce relayés par quelques parlementaires. Malgré une propagande intense , la majorité des Français se désintéresse de l’Empire. Les milieux libéraux le considèrent comme un gaspillage financier. Les nationalistes estiment qu’il détourne la France de la Revanche contre l’Allemagne ou du développement des provinces métropolitaines. Rares sont ceux qui font remarquer que la colonisation menée au nom de l’universalisme républicain contredit pourtant les principes des droits de l’homme. Une minorité dénonce la violence infligée aux populations colonisées.


Colonisation : processus d’expansion d’une puissance (métropole) vers d’autres territoires (colonies) exploités économiquement et mis sous tutelle politique et culturelle. Le colonialisme est  la doctrine qui vise à légitimer la colonisation.

Impérialisme : volonté d’étendre la domination politique, militaire, économique ou culturelle d’une puissance sur des peuples et territoires nouveaux.

Missionnaire : religieux chargé de convertir de nouveaux fidèles, et qui assure aussi des fonctions sociales (dispensaire, école, station agricole).

Protectorat : État officiellement indépendant mais contrôlé par une puissance coloniale représentée par un résident général.

Universalisme : affirmation de l’unité du genre humain par-delà les différences biologiques ou culturelles. 

L'impérialisme en 1914

La colonisation en débat

Jules Ferry justifie la colonisation

Le républicain opportuniste* Jules Ferry, dont le gouvernement a été renversé en mars 1885, cherche à convaincre les députés de voter de nouveaux crédits coloniaux. 

« Sur le terrain économique, je me suis permis de placer devant vous […] les considérations qui justifient la politique d’expansion coloniale […] : le besoin de débouchés. Messieurs, il y a un second point […] que je dois également aborder […] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures […] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures […]Un troisième ; plus délicat ; […] c’est le côté politique de la question. […] Messieurs, dans l’Europe telle qu’elle s’est faite, dans cette concurrence de tant de rivaux […] rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, […] en regardant comme un piège, comme une aventure, toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, […] c’est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième. »

Jules Ferry, Discours devant la Chambre des députés, 28 juillet 1885.

Racisme scientifique et colonialisme 

Science fondée au xixe siècle, l’anthropologie nourrit le discours sur l’inégalité de ce que l’on appelle alors les « races humaines ». Cette notion est rejetée par les découvertes scientifiques ultérieures. 

« L’étude des Nègres en Algérie et en Tunisie est d’autant plus intéressante que l’avenir de ces deux pays dépend en grande partie d’eux. Dans les régions et saisons très chaudes, eux seuls peuvent braver les ardeurs du soleil. Ils sont fort doux, très gais, un peu enfants. Insouciants, ils vivent volontiers au jour le jour […] Ils sont un peu lents à apprendre une chose, mais quand ils la savent, ils la savent bien et la pratiquent régulièrement. […] L’Arabe, de prime abord, est le groupe le plus brillant, celui qui séduit le plus. Mais c’est tout extérieur. C’est du clinquant qui perd toute sa valeur dès qu’on l’examine. De tous les fléaux de l’Algérie et de la Tunisie, c’est peut-être le plus terrible. […] Orgueilleux, dominateur, paresseux, bataillard, nomade ou tout au moins habitant sous la tente, toujours mobile, toujours prêt à changer de place, il est l’antipode de notre civilisation. […] Il n’est bon que pour le service militaire. » 

Gabriel de Mortillet, « Sur les Nègres de l’Algérie  et de la Tunisie », Bulletins et mémoires de  la Société d’Anthropologie de Paris, n°1, 1890.

Clemenceau contre la colonisation

Le républicain radical Clemenceau conteste l’argument humanitaire de son adversaire politique. Mais, lorsqu’il devient ministre de l’Intérieur, en 1906, il ne s’oppose plus à la colonisation.

« Races supérieures ! Races inférieures ! C’est bientôt dit ! Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. […] Non, il n’y a pas de droits de nations dites supérieures contre les nations dites inférieures ! […]La conquête que vous préconisez, c’est l’abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires […]. Ce n’est pas le droit : c’en est la négation. Parler à ce propos de civilisation, c’est joindre à la violence l’hypocrisie. »

Georges Clemenceau, Discours devant la Chambre des députés, 31 juillet 1885


Jean Jaures, socialiste Français contre la colonisation

Nous la réprouvons [la politique coloniale], parce qu’elle gaspille des richesses et des forces qui devraient être dès maintenant appliquées à l’amélioration du sort du peuple ; nous la réprouvons, parce qu’elle est la conséquence la plus déplorable du régime capitaliste, qui resserre sur place la consommation en ne rémunérant pas tout le travail des travailleurs, et qui est obligé de se créer au loin, par la conquête et la violence, des débouchés nouveaux ; nous la réprouvons, enfin, parce que, dans toutes les expéditions coloniales, l’in-justice capitaliste se complique et s’aggrave d’une exceptionnelle corruption : tous les instincts de déprédation et de rapines1, déchaînés au loin par la certitude de l’impunité, et amplifiés par les puis-sances nouvelles de la spéculation, s’y développent à l’aise ; et la férocité sournoise de l’humanité primitive y est merveilleusement mise en œuvre par les plus ingénieux mécanismes de l’engin capitaliste. »

Jean Jaurès, « Les compétitions coloniales », La Petite République, 17 mai 1896. 

1. Pillages accompagnés de violence.