Alphonse de Lamartine en 1848

Lamartine soutient la campagne des banquets, février 1848

Ce discours intervient en pleine campagne des banquets, dont l’objectif est de remplacer les réunions politiques des oppositions, interdites par Guizot.

Oui, je dis qu’en dehors de la royauté et de tout ce gouvernement, il existe un suprême pouvoir qui décide en dernier ressort entre nous : c’est le pays, c’est l’opinion ! […]

Monsieur de Morny1 disait tout à l’heure : « Convenez-vous qu’il y ait une agitation répandue dans le pays, accrue, soufflée peut-être par l’effet des banquets qui sont en discussion ? » Non, certes je ne le nie pas. Je n’ai pas, de ma personne, participé aux banquets réformistes qui ont été donnés dans mon département mais j’en ai accepté le principe et j’en accepte toutes les conséquences. Oui il y a eu agitation, agitation honnête, agitation salutaire (murmures au centre – À gauche Oui ! Oui !)

Écoutez un seul mot encore, celui-là seul pour lequel je suis monté à la tribune : souvenez-vous du Jeu de paume, à Versailles ; Souvenez-vous de ce Jeu de paume, d’où sortirent pour la France la Révolution et la liberté.

Or, qu’est-ce que c’était le Jeu de paume […] ? Le Jeu de paume et le serment qui en sortit n’étaient que le droit de réunion disputé au pays (violente interruption). Le Jeu de paume ne fut qu’un lieu de réunion fermé par des ministres téméraires. (Exclamations diverses)

Alphonse de Lamartine, Discours à la Chambre des députés, 11 février 1848.

L’abolition de la peine de mort en matière politique

Citoyens,

Le Gouvernement provisoire avec l’heureuse nouvelle annoncée au peuple assemblé.

La Royauté est abolie ;

La République est proclamée ;

Le peuple exercera ses droits politiques ;

Des ateliers nationaux de travail sont ouverts pour les ouvriers sans salaire ;

L’armée se réorganise ;

La garde nationale s’unit indissolublement avec le peuple pour fonder promptement l’ordre de la même main qui vient de conquérir la liberté.

Enfin, Messieurs, le Gouvernement Provisoire a voulu vous apporter lui-même le dernier des décrets qu’il vient de délibérer et de signer dans cette mémorable séance, l’abolition de la peine de mort en matière de politique.

C’est le plus beau décret, Messieurs, qui ne soit jamais sorti de la bouche d’un peuple, le lendemain de sa victoire.

Alphonse de Lamartine, Discours adressé au peuple et à la garde nationale en présentant le décret qui abolit la peine de mort en matière politique, 26 février 1848.

Lamartine et la situation politique de juin 1848

Un an après la révolution et son échec aux élections présidentielles, Lamartine revient sur son refus de suivre le soulèvement du peuple de Paris.

Lamartine était convaincu que les scandales des clubs, du journalisme et de la place publique étaient les plus sûres armes à laisser aux ennemis de la République. La France est un pays de décence ; le scandale l’humilie, et ce qui l’humilie la désaffectionne. Il pensait que la République ne pouvait se légitimer que par l’ordre promptement rétabli, inflexiblement maintenu.

« La physionomie de la République depuis quelques jours m’afflige, dit-il à ses collèges. Je ne veux pas assumer sur mon nom la situation de faiblesse et de désarmement de la société, qui pourrait dégénérer en anarchie. Je demande deux choses : des lois pour la sécurité publique sur les attroupements, sur les clubs, sur les abus de criage des journaux anarchistes, sur la faculté d’éloigner de Paris dans leurs communes les agitateurs convaincus de troubles publics, enfin un camp de vingt mille hommes sous les murs de Paris, pour prêter main-forte à l’armée de Paris et à la garde nationale dans la campagne certaine, imminente, que nous aurons inévitablement à faire contre les ateliers nationaux […] À aucun autre prix, je ne resterai au gouvernement. »

Alphonse de Lamartine, Histoire de la révolution de 1848, Perrotin, 1849.

Document 1 : biographie

Alphonse de Lamartine naît à Mâcon en 1790 dans une famille de la petite noblesse catholique. En Bourgogne et à Lyon, il reçoit une solide éducation intellectuelle et religieuse classique. Dans sa jeunesse, il mène une vie oisive et de séducteur, ponctuée notamment par un long voyage en Italie en 1811-1812, et commence à écrire poèmes et tragédies.

En 1814-1815 il embrasse brièvement la carrière militaire en devenant garde du corps du roi Louis XVIII. En 1816, lors d’un séjour dans un sanatorium d’Aix-les-Bains, il rencontre Julie Charles, née Bouchaud des Hérettes. De cette liaison tragique avec une femme mariée qui meurt l’année suivante de la tuberculose, naît en bonne partie l’inspiration du premier recueil de poésies publié par Lamartine en 1820 : Méditations poétiques. Cet ouvrage romantique connaît immédiatement un franc succès et Lamartine s’en trouve propulsé socialement.

La même année, il se marie avec une jeune noble anglaise et entame une carrière de diplomate en poste en Italie, tout en poursuivant ses voyages et sa carrière de poète romantique. Il démissionne définitivement du corps diplomatique à l’avènement de Louis-Philippe en 1830. En 1829, il est élu à l’académie française à l’âge de 39 ans. En 1832-1833 il voyage en Grèce, au Liban et en Palestine.

A partir de 1833 Lamartine embrasse la carrière politique. Il est élu sans discontinuité de 1833 à 1851. En 1833 il est député monarchiste légitimiste, opposé à la monarchie orléaniste de Louis-Philippe. Par la suite, Lamartine glisse progressivement vers la gauche de l’échiquier politique. Dès 1834 il fait partie des fondateurs d’une association pour d’abolition de l’esclavage. En 1847 Lamartine se proclame républicain et socialiste.

En 1848 il fait partie des chefs de file de la révolution. Il est ensuite ministre des affaires étrangères dans les gouvernements provisoires de février à juin. Lamartine prône alors une république libérale assez modérée dans ses réformes, il s’oppose à des réformes sociales radicales et au drapeau rouge qui en serait le symbole. Lors des premières élections présidentielles au suffrage universel masculin de décembre 1848, Lamartine échoue avec 0,26 % des voix.

En 1851 il quitte sa charge de député au moment du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. C’est la fin de la vie politique de Lamartine. Par la suite sa production littéraire décline également et Lamartine a des problèmes d’argent. En 1869 il meurt à Paris dans une relative indifférence.

 

Document 2 : Extrait de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789

Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation de droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Document 3 : Discours de Lamartine devant l’hôtel de ville de Paris, 24 février 1848!

« Ce drapeau rouge, qu’on a pu élever quelquefois quand le sang coulait comme un épouvantail contre des ennemis, qu’on doit abattre aussitôt après le combat en signification de réconciliation et de paix. [...]

Si vous êtes assez mal inspirés et assez obstinés dans votre erreur pour lui imposer une République de parti et un pavillon de terreur, le gouvernement, je le sais, est aussi décidé que moi-même à mourir plutôt que de se déshonorer en vous obéissant. [...]. Je repousserai jusqu’à la mort ce drapeau de sang [...] »

Document 4 : Lamartine, « droit de propriété ou droit d’humanité ? in Voyage en Orient, publié en 1835.

 […] C'est de la situation des prolétaires qu'est née la question de propriété qui se traite partout aujourd'hui ; question qui se résoudrait par le combat et le partage si elle n'était résolue bientôt par la raison, la politique et la charité sociale. La charité, c'est le socialisme ; — l'égoïsme, c'est l'individualisme. La charité, comme la politique, commande à l'homme de ne pas abandonner l'homme à lui-même, mais de venir à son aide, de former une sorte d'assurance mutuelle à des conditions équitables entre la société possédante et la société non possédante ; elle dit au propriétaire : « Tu garderas ta propriété ; car, malgré le beau rêve de la communauté des biens, tenté en vain par le christianisme et par la philanthropie, la propriété parait jusqu'à ce jour la condition sine qua non de toute société; sans elle, ni famille, ni travail, ni civilisation. » Mais elle lui dit aussi : « Tu n'oublieras pas que ta propriété n'est pas seulement instituée pour toi, mais pour l'humanité tout entière ; tu ne la possèdes qu'à des conditions de justice, d'utilité, de répartition, d'accession pour tous : tu fourniras donc à tes frères, sur le superflu de ta propriété, les moyens et les éléments de travail qui leur sont nécessaires pour posséder leur part à leur tour ; tu reconnaîtras un droit au-dessus du droit de propriété, le droit d'humanité ! « Voilà la justice et la politique ; c'est une même chose. […] »

 

Document 5 : Lamartine, article « Sur la liberté des cultes », in revue Le conseiller du peuple, 1850

Cette union de l’Église et du gouvernement produit-elle, comme le croient les auteurs de la proposition sur l'observation forcée du dimanche, un accroissement de vie dans le sentiment religieux des populations ? Non, elle nuit aux deux à la fois. Si l’État s'allie, comme dans notre dernière loi d'enseignement de 1849, il s’asservit ; si l’Église s'allie, elle domine l’État ou elle se subordonne honteusement elle-même. Quel meurtre des consciences et quel avilissement de la foi !

 

Questions :

1) Surlignez dans le document 1 les éléments de la biographie de Lamartine qui semblent entrer en contradiction. Résumez-les en quelques mots pour dégager les enjeux de cette étude.

2) D’après les documents 1 et 3, pourquoi Lamartine s’oppose-t-il à l’adoption du drapeau rouge pendant la révolution de février 1848 ?

3) D’après les documents 2 à 5, quels doivent être les principes d’organisation sociale et sociétale de la République ? (Un tableau est possible)

4) Donnez un ou deux adjectifs pouvant résumer les positions politiques de Lamartine sous la IIème République.

5) Du travail effectué et des documents, déduisez quels sont les adversaires politiques de Lamartine (plusieurs sensibilités politiques sont possibles).