Les espaces ruraux canadiens

La wilderness : entre valorisation et protection

Venus des terres densément peuplées d’Europe, les premiers colons se sentent désorientés face à l’immensité d’une nature sauvage qu’ils pensent, malgré la présence de population indigène, indemne de toute occupation humaine. Les Anglo-Saxons emploient le terme de wilderness pour la désigner. [...] Cependant, la conception positive d’un éden empli de richesses illimitées remplace vite l’impression laissée par les premiers contacts. Elle est un appel à la mise en valeur des espaces sauvages. La conquête du territoire, c’est-à-dire son aménagement et son occupation par recul de la nature sauvage, se confond avec l’histoire nationale et forge une identité singulière. [...] La place qu’occupe la nature dans l’identité tout autant que son exploitation forcenée et la transformation très rapide des paysages par l’homme expliquent que l’Amérique du Nord ait été le berceau de la protection de l’environnement naturel. [...]

Deux visions de la protection de la nature [...] s’opposent. [...] [Pour les uns], la nature reste pensée par rapport à son utilisation par l’homme et il est possible de concilier sa protection avec les intérêts humains. [...] Au Canada, l’établissement des parcs nationaux est soutenu par les grandes compagnies de chemin de fer qui veulent y favoriser le tourisme. [...] [Pour les autres], il faut conserver la nature intacte en y limitant le plus possible l’intrusion de l’homme.

Alain Musset et Jean-Yves Piboubès (dir.),

Géopolitique des Amériques, Nathan, 2017