La transformation de Paris par Haussmann

Louis-Napoléon Bonaparte redessine Paris

Les personnes admises auprès de [Louis-Napoléon] le voyaient souvent couvrir le plan de Paris de coups de crayons et de lignes diversement orientées. Pour point de départ de ce qu’il y avait à faire, il considérait d’abord que les gares de chemin de fer étaient désormais les véritables portes de la ville, au lieu des anciennes barrières par lesquelles débouchaient les routes nationales, qui allaient descendre au rang de voies de communication de second ordre. Il fallait relier ces portes nouvelles afin que le passage de l’une à l’autre, c’est-à-dire d’une région de la France à une autre région, fût commode et rapide à travers le centre commun. Il fallait, de ces points principaux d’arrivée, projeter jusqu’au cœur de la grande cité de larges artères.

Le Président voulait aussi unir, par de grandes voies, les édifices sièges des services publics […].

Il fallait encore pratiquer, au moyen d’avenues et de rues importantes, des brèches au milieu des quartiers jusqu’alors fermés comme des citadelles d’insurrection, tels que les environs de l’Hôtel de Ville, le Faubourg Saint-Antoine, les deux versants de la montagne Sainte-Geneviève. Il y avait lieu de choisir sur le plan les points où seraient établies de fortes casernes. […] Enfin, se souvenant de Londres, Louis-Napoléon se proposait de créer des places plantées, de dessiner des parcs et des jardins publics, de bâtir des marchés et des halles.

Charles Merruau, Souvenirs de l’Hôtel de Ville de Paris, 1848-1852.

Haussmann présente son projet de réseau d’égouts

L’entreprise a été conçue d’en haut, comme toutes celles que commande le bien public, et elle comptera parmi les actes qui feront la gloire de ce règne. Chaque filet d’eau qui s’épanchera […] dans une habitation, comme une source domestique auprès du foyer de la famille, y fera bénir le Souverain, auteur d’un tel bienfait ; et ce ne sera pas seulement de nos jours, mais aussi dans les temps les plus éloignés que le nom de l’Empereur recevra un nouveau lustre de cette grande mesure. […] Un immense aqueduc, deux réseaux de conduites circulant sous la ville entière, des galeries souvent gigantesques, des rues souterraines suivant chaque voie publique, et l’eau jaillissant, au besoin, sur tous les toits ; les habitants, le sol, le fleuve même, affranchis des servitudes dégoûtantes, ce sont là, sans doute, des avantages publics de premier ordre, mais aussi des résultats qui doivent contribuer à maintenir notre pays à la tête des peuples civilisés.

Baron Haussmann, Mémoires, 1890-1893.

Discours de Jules Favre contre l’haussmannisation

Jules Favre est en 1869 député républicain de Paris.

L’augmentation des loyers, sans cesse croissants, qu’on remarque dans l’intérieur de Paris, chasse progressivement aux extrémités toute une partie de la population. […] De 1852 à 1869, 18 000 maisons sont tombées sous le marteau de la démolition [et] 237 000 habitants ont été chassés par l’expropriation […] et poussés comme des pions […]. Et savez-vous ce qui se passe dans certaines localités autour de Paris ? Des malheureux y sont réduit à coucher sur la terre. […] Dans les terrains de Charonne, de Ménilmontant, de la Glacière, vous verrez, […] dans de misérables abris, des familles entassées ; il y a des espaces qui servent de rue, mais nul éclairage, nulle police, rien qui puisse garantir la sécurité des personnes, pas plus que la salubrité des habitations.

Voilà, messieurs, la barbarie qui est à côté de la civilisation. Et cette barbarie, elle est le résultat de votre système.

Jules Favre, discours prononcé au Corps législatif, 5 mars 1869.