H1 Thème introductif : la périodisation

Période : espace de temps de longue durée marquée par certains caractères propres et recouvrant plusieurs siècles. 


La périodisation  : désigne le fait de diviser le temps en période

« Périodiser est unanimement légitime » (Antoine Prost)

 « Le premier travail de l’historien est la chronologie. Il s’agit d’abord de ranger les événements dans l’ordre du temps. […] Le second travail […] est la périodisation. […] Platon comparait le philosophe au bon cuisinier qui sait découper les poulets kt’arthra, selon les articulations. La comparaison est tout aussi valable pour l’historien : il doit trouver les articulations pertinentes pour découper l’histoire en périodes, c’est-à-dire substituer à la continuité insaisissable du temps une structure signifiante. […] Périodiser, c’est donc identifier des ruptures, prendre parti sur ce qui change, dater le changement et en donner une première définition. Mais, à l’intérieur d’une période, l’homogénéité prévaut. L’analyse va même un peu plus loin. Le découpage périodique comporte toujours une part d’arbitraire. En un sens, toutes les périodes sont des “périodes de transition”. […] L’action de périodiser est unanimement légitime et aucun historien ne peut s’en passer. Mais le résultat semble pour le moins suspect. La période prend l’allure d’un cadre arbitraire et contraignant, d’un carcan qui déforme la réalité. »

 Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris,  Seuil, 1996.

 

La fin de l’Empire romain d’Occident en 476

 En 476, Odoacre, un autre chef « barbare » au service des Romains, dépose Augustule qu’il a vaincu militairement, mettant ainsi fin à l’Empire romain d’Occident.

 « Quant à Augustule, il avait été promu empereur à Ravenne par son père, Oreste. Peu après, Odoacre, le roi des Torkilingues, accompagné de Skies, d’Hérules et d’auxiliaires de différentes nations, s’empara de l’Italie. Il tua Oreste et déposa le fils de ce dernier, Augustule. Il le condamna à l’exil dans le Castellum Lucullanum en Campanie. C’est aussi à cette occasion que l’Empire romain du Couchant, dont le premier des Augustes, Octavien Auguste, s’était rendu maître sept cent neuf ans après la fondation de la ville finit avec cet Augustule après cinq cent vingt-deux années pendant lesquelles se succédèrent ses prédécesseurs sur le trône. Après lui, des rois Goths furent maîtres de Rome et de l’Italie. Entre temps, Odoacre, qui n’était que le roi de nations, asservit toute l’Italie et répandit la terreur parmi les Romains. »

 Jordanès, Histoire des Goths, 551,  trad. O.Devillers.. D’Occident.


1492: la rencontre de deux mondes

 Au début du XVIe siècle, le penseur Montaigne décrit les effets de la découverte de l’Amérique sur la manière de penser l’homme. « Notre monde vient d’en découvrir un autre […]. Il n’est pas moins grand, ni moins plein, ni moins doté de membres ; mais il est jeune et si enfant qu’on lui apprend encore son a, b, c. Il n’y pas cinquante ans, il ne connaissait encore ni les lettres, ni les poids, ni les mesures, ni les vêtements, ni le blé, ni la vigne. […] J’ai bien peur que nous ayons grandement hâté son déclin et sa ruine par notre contagion et que nous lui ayons fait payer bien cher nos idées et nos techniques. C’était un monde encore dans l’enfance, et pourtant nous ne l’avons pas dressé ni plié à nos règles par la seule vertu de notre valeur et de nos forces naturelles. Nous ne l’avons pas conquis par notre justice et notre bonté, ni subjugué par notre magnanimité. La plupart des réponses que les gens de ce monde-là nous ont faites et les négociations que nous avons menées avec eux ont montré qu’ils ne nous devaient rien en matière de clarté d’esprit naturelle et de pertinence ».

 Montaigne, Essais, Livre III, chapitre 6, 1588.

Faut-il découper l’histoire en tranches ?

« À la fin du 15 e siècle intervient un événement d’une très grande portée pour l’Europe : la découverte par Christophe Colomb de ce qu’il pense être les Indes orientales, en fait un nouveau continent bientôt appelé “Amérique”. Cet élargissement de la circulation dans le monde est complété et étendu au début du 16e siècle par le voyage autour de la Terre de Magellan. Mais c’est seulement à partir du milieu du 18e siècle environ que se font sentir en Europe les principales répercussions de ces découvertes. […] J’estime quant à moi que le changement de période, la fin du long Moyen Âge se situe au milieu du 18 e siècle. Il correspond aux progrès de l’économie rurale soulignés et théorisés par les physiocrates ; à l’invention de la machine à vapeur […] ; à la naissance de l’industrie moderne qui, de l’Angleterre, va se diffuser sur tout le continent. Dans le domaine philosophique et religieux, le long Moyen Âge se termine avec l’ouvrage qui introduit la pensée rationnelle et croyante, la science et la technologie modernes, l’Encyclopédie dont Voltaire et Diderot sont les animateurs les plus brillants. Enfin, la fin du 18e siècle correspond dans le domaine politique, au mouvement antimonarchique décisif de la Révolution française. »

Jacques Le Goff, "Faut-il découper l’histoire en tranches ?" Paris, le Seuil, 2014