George Sand, une femme de lettres engagée en politique

George Sand glorifie la révolution de 1848

Le présent, ô peuple ! tu l’as trouvé : c’est la place publique, c’est la liberté : c’est la forme républicaine qu’il faut conserver à tout prix ; c’est le droit de penser, de parler, d’écrire ; c’est le droit de voter et d’élire des représentants, source de tous les autres droits ; c’est le droit qu’aucune forme monarchique ne peut consacrer ; c’est le droit de vivre ; c’est l’unique moyen de te rapprocher promptement de tes frères des autres classes, et de faire le miracle de l’union fraternelle qui détruira toutes les fausses distinctions, et rayera le mot même de classes du livre de l’humanité nouvelle. […]

Une vie nouvelle commence : nous allons nous connaître, nous allons nous aimer, nous alors chercher ensemble et trouver la vérité sociale. Aide-nous, ô peuple fraternel, à conquérir l’égalité, dont nous avons tous besoin, car le tyran, tu le sais, est aussi malheureux que l’esclave, et l’expérience du règne qui vient de s’évanouir avait fait de la plupart d’entre nous des tyrans malgré eux.

George Sand, Hier et aujourd’hui, 7 mars 1848, reproduit dans La Cause du peuple, 9 avril 1848.


Une femme politiquement active

George Sand écrit une lettre à son fils Maurice le 24 mars 1848, quelques jours après son arrivée à Paris.

Mon enfant, j’ai reçu tes lettres, le temps me manque pour t’écrire longuement et souvent, comme je le voudrais. J’ai fait une circulaire pour l’Instruction publique. Elle n’a pas encore paru, ils n’en finissent pas. Ce ministère est le palais du sommeil. J’ai fait le numéro 7 et 8 du Bulletin de la République. Ceux-là marchent bien. J’ai demandé grâce pour le numéro 9, parce que le temps me manque. J’ai fait un prologue pour l’ouverture gratis du Théâtre-Français […]. Ce sera une représentation superbe. Le gouvernement provisoire y sera. […] Il y aura des chœurs, Pauline fait une Marseillaise nouvelle, dont Dupont1 a fait les paroles ; c’est moi qui mène tout cela. […]

J’ai vu hier M. Dufraysse, qui part pour l’Indre ce matin comme commissaire général2. Il va aider Fleury à se débarrasser d’un faux commissaire Vaillant qui révolutionne Châteauroux tout de travers. Il y a beaucoup de ces gens-là qui courent Paris et les départements, et qui sont des échappés du bagne, si tu en vois, il faut leur demander la preuve de leurs mandats et les faire arrêter s’ils font du mal.

Je ferai l’impossible pour vos fusils. C’est bien difficile, Subervie3 n’étant plus là, j’agirai par Ledru-Rollin4, qui est tout à nous, c’est-à-dire tout au peuple. […]

Nous l’aurons, va, la république, en dépit de tout. Le peuple est debout et diablement beau ici. Tous les jours et sur tous les points, on plante des arbres de liberté. J’en ai rencontré trois hier, en diverses rues, des pins immenses, portés sur l’épaule de 50 ouvriers.

George Sand, Correspondance, 24 mars 1848, Garnier.

George Sand et les droits politiques des femmes

George Sand répond à un article de La Voix des femmes, un journal féministe, appelant à sa candidature au poste de députée.

Je ne viens pas vous remercier d’avoir admis mon nom sur une quarantaine de listes au comité central. La connaissance que j’ai de moi-même ne me permet pas de croire que vous ayez voulu m’encourager à présenter une candidature impossible, chose à laquelle je n’ai jamais songé. […]

Les femmes doivent-elles un jour participer à la vie politique ? Oui un jour, je le crois avec vous, mais ce jour est-il proche ? Non, je ne le crois pas, et pour que la condition des femmes soit ainsi transformée, il faut que la société soit transformée. […] Quelques femmes ont soulevé cette question : pour que la société soit transformée, ne faut-il pas que la femme intervienne politiquement dès aujourd’hui dans les affaires publiques ? La femme étant sous la tutelle et dans la dépendance de l’homme par le mariage, il est absolument impossible qu’elle présente des garanties d’indépendance politique, à moins de briser individuellement cette tutelle que les mœurs et les lois consacrent. […]

Pour ne pas laisser d’ambiguïté dans ces considérations que j’apporte, je dirai toute ma pensée sur ce fameux affranchissement de la femme dont on a tant parlé ces temps-ci. […] Je le crois facile et immédiatement réalisable. […] Il consiste simplement à rendre à la femme les droits civils que le mariage lui enlève, que le célibat lui conserve. C’est une des premières questions dont une République socialiste aura à s’occuper, et je ne vois pas qu’elle puisse porter la moindre atteinte à la fidélité conjugale […], à moins qu’on ne regarde l’égalité comme une condition de désordre et de discorde.

George Sand, « Aux membres du comité central »

(mi-avril 1848), Correspondance, VIII.