Pourquoi le procès de Louis XVI apparaît‑il comme une rupture dans le déroulement de la Révolution ?
Depuis sa tentative de fuite à Varennes en juin 1791, Louis XVI est largement discrédité dans l’opinion publique. En outre, la France est menacée par plusieurs pays étrangers et beaucoup soupçonnent le roi de pactiser avec l’ennemi pour rétablir la monarchie absolue. Le 10 août 1792, le peuple attaque le palais des Tuileries, la résidence royale : Louis XVI et sa famille sont enfermés à la prison du Temple. En décembre, l’Assemblée ouvre le procès du roi : défendu par trois avocats, Louis XVI, devenu le citoyen Louis Capet, est jugé par les députés eux‑mêmes sur trente‑trois chefs d’accusation. Sur 718 députés, 673 le jugent coupable de "conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'Etat". 387 votent la mort.
La mort de Louis XVI fonde la république pour les uns ; pour certains, elle fait du roi un martyr ; pour d'autres, elle est contraire au droit
Doc 1 Les accusations prononcées contre Louis XVI
1. Tentative de dissolution de la toute nouvelle Assemblée nationale constituante le 20 juin 1789.
2. Pression militaire sur cette même Assemblée trois jours plus tard.
3. Envois de troupes pour contrer les émeutiers lors de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789.
4. Refus de contresigner l’abolition des privilèges votée le 4 août […]
7. Fuite à Varennes le 21 juin 1791 et massacre du peuple demandant la fin de la monarchie réunie au Champs‑de‑Mars le 17 juillet […]
11. Refus de combattre plusieurs révoltes contre-révolutionnaires dans certaines villes du sud de la France […]
18. Double jeu diplomatique auprès des puissances européennes et alliances secrètes avec elles […]
24. Soutien aux prêtres réfractaires […]
Extraits des principaux chefs d’accusation retenus contre Louis XVI.
Doc 2 La défense de Louis XVI
On vient de vous exposer mes moyens de défense, je ne les nommerai point. En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne me reproche rien et que mes défenseurs ne vous ont dit que la vérité. Je n’ai jamais craint que ma conduite fût examinée publiquement, mais mon cœur est déchiré de trouver dans l’acte d’accusation, l’impression d’avoir voulu faire répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du 10 août me soient attribués. J’avoue que les preuves multipliées que j’avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m’étais toujours conduit me paraissaient devoir prouver que je ne craignais pas de m’exposer pour épargner son sang et éloigner à jamais de moi une pareille impression.
Louis XVI, déclaration à la Convention, 26 décembre 1792.
Doc 3 Robespierre justifie la condamnation à mort du roi
Il n’y a point de procès à faire. Louis n’est point un accusé, vous n’êtes point des juges ; vous êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’État et les représentants de la nation. Vous n’avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de Providence nationale à exercer. (On applaudit.) Quel est le parti que la saine politique prescrit pour cimenter la République naissante ? C’est de graver profondément dans les cœurs le mépris de la royauté, et de frapper de stupeur tous les partisans du roi. […]
Louis fut roi, et la République est fondée. La question qui vous occupe est décidée par ces seuls mots : Louis est détrôné par ses crimes ; Louis dénonçait le peuple français comme rebelle ; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères.
La victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle. Louis ne peut donc être jugé, il est déjà condamné […]. En effet, si Louis peut être encore l’objet d’un procès, Louis peut être absout ; il peut être innocent ; que dis-je ! il est présumé l’être jusqu’à ce qu’il soit jugé. Mais si Louis peut être présumé innocent, que devient la révolution ? N’est-elle pas encore incertaine et douteuse ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la Liberté deviennent des calomniateurs […]
Un roi dont le nom seul attire le fléau de la guerre sur la nation agitée ; ni la prison, ni l’exil ne peuvent rendre son existence indifférente au bonheur public. Je prononce à regret cette fatale vérité… mais Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive.
Robespierre, discours à la Convention, 3 décembre 1792,
Doc 4 Les hésitations des députés modérés
J’ai voté pour que le décret ou jugement qui serait rendu par la Convention nationale, fût soumis à la sanction du peuple. Dans mon opinion, les principes et les considérations politiques de l’intérêt le plus majeur, en faisaient un devoir à la Convention. La Convention nationale en a décidé autrement. J’obéis : ma conscience est acquittée. Il s’agit maintenant de statuer sur la peine à infliger à Louis. J’ai déclaré hier que je le reconnaissais coupable de conspiration contre la liberté et la sûreté nationale. Il ne m’est pas permis aujourd’hui d’hésiter sur la peine. La loi parle : c’est la mort ; mais en prononçant ce mot terrible, inquiet sur le sort de ma patrie, sur les dangers qui menacent même la liberté, sur tout le sang qui peut être versé, j’exprime le même vœu que Mailhe1 et je demande qu’il soit soumis à une délibération de l’Assemblée.
Vergniaud, discours à la Convention, 16 janvier 1793.
1 Le député Mailhe a proposé un sursis à l’exécution
Le dictionnaire de l'histoire : Girondins et Montagnards