De ma-petite enfance, jusque vers l'âge de cinq ans, je n'ai que très peu de souvenirs. Je vois cependant le lit de mes parents au fond de la grande cuisine dont il est séparé par des rideaux; les murs sont bruts de crépissage, ni peinture, ni papier peint. La lampe à huile, posée sur une petite crédence, y a laissé une trace noire de suie. La cuisine est la seule pièce chauffée l'hiver avec un poêle en fonte à quatre marmites et qui sert aussi bien à faire la cuisine qu'à cuire les grosses marmites de pommes de terre pour les cochons. Le sol est fait de grosses planches larges sans aucun traitement, si bien qu'elles sont noires de boue amenée sous les sabots car, bien entendu, on ne se déchausse pas pour entrer.
Quelques années plus tard, je ne sais pas exactement quand, sans doute après la naissance de quelques frères et sœurs : Louis et Maria, jumeaux (1922) ; Joseph (1924) ; Félicie (1925) ; Maurice (1927) ; Thérèse (1934), la place manquant au rez-de-chaussée, mes parents prendront une chambre au premier étage et, suprême astuce, dont mon père était très fier, la chaufferont l'hiver, en faisant passer le cornet de poêle à travers le plancher. Ce qui fait que j'ai dormi quelque temps dans cette chambre chauffée, sous un édredon de plume d'oie, bien au chaud le matin, pendant que j'entends monter du rez-de-chaussée le ronronnement d'une écrémeuse à main ,
En 1936, la famille LAURENT au complet. Thérèse sur les genoux de ma mère