Photo de: Jacqueline MANISSOL
Texte extrait du jeu:Le tour du canton en 7 familles de l'école Saint Charles de Noirétable:
Il taillait avec le paroir une bûche de bois pour lui donner l'apparence du sabot. Ensuite il la creusait avec la tarière, puis la cuillère. Pour accéder au fond du sabot il utilisait le boutoir ou la rouanne et l'herminette servait à dégager le talon.
De: Daniel BONJEAN (qui a répondu à ma demande).
Éloge du sabotier et du sabot.
Cette photo a été prise dans l’atelier de sabotier de Marius Manissol, installé dans un petit local de la rue basse, en face de l’escalier conduisant au balcon d’entrée de « chez la plasse », maison reprise par Marie Claude (Bonjean) Guillaumin et Michel son mari.
Marius était donc voisin pour son travail de la famille Bonjean (Henri et Lalie), comme des familles Charles (Joseph et Marie) et Molle plus tardivement (Pauline).
On accédait à son petit atelier, légèrement surélevé par rapport à la route, en montant deux marches taillées dans la pierre, qui existent toujours.
J’ai encore des images tout à fait précises du travail de Marius, dans son atelier, comme en dehors de celui-ci.
Périodiquement, Marius recevait des pièces de bois, du fayard je crois, qu’il débitait en pièce d’une quarantaine de centimètres à la scie longue (que l’on voit accrochée au mur sur la photographie), avec l’aide d’un acolyte scieur. Ces pièces étaient ensuite stockées dans son atelier : elles allaient constituer la base de la création du sabot, et seraient donc travaillés sur son établi.
Dans l’atelier, on voit deux postes de travail :
L’un sur lequel est accroché une grande lame (sans doute le paroir) fixée à une extrémité sur un anneau enfoncé dans la pièce de bois massive constituant le corps de l’établi, et terminée à l’autre extrémité par un manche en bois. Par un jeu subtil du poignet et de la main, avec des mouvements de haut en bas et des rotations légères imposées à la lame, Marius faisait sortir une esquisse grossière du sabot. Il tenait la buche par le haut, de l’autre main, la faisant buter contre les pièces de bois que l’on voit plantées dans le corps de l’établi, tout en imposant des mouvements qui accroissaient la précision de sa taille.
Cette phase terminée, Marius plaçait les deux sabots grossiers sur l’autre établi, de part et d’autre du coing en bois que l’on voit enfoncé dans le corps de l’établi qui constitue donc le deuxième poste de travail. Commençait alors le travail de creusement du coup de pied puis de la semelle et du bout du sabot, avec utilisations successives d’outils longs et fins, la trière, puis la cuillère. Pour mes yeux d’enfant, c’est encore le moment magique : les copeaux en forme de boucles étaient beaux, clairs, sentaient bon, et voletaient à chaque chuintement de la lame dans la pièce de bois. Sur la photographie on ne peut voir que les manches de ces outils, l’une montée en long, comme une queue de rat, l’autre en T. Pour affiner le creusement afin d’obtenir un sabot chaussant, il devait aller jusqu’au bout du sabot, comme on dirait le bout de la chaussure et parfaire le coup de pied, maniant le boutoir et la rouanne.
Marius vient sans doute de terminer cette phase lorsqu’il regarde ses sabots sur la photographie. L’œil du maître « pèse » le résultat et cela vaut toutes les procédures qualité des temps d’aujourd’hui.
La dernière phase sera le travail esthétique : ponçage du sabot, création des desseins qui seront la signature de ces modèles, comme une broderie sur le coup de pied: des petites feuilles me semble-t-il ; puis le vernissage, certains modèles en couleur chêne, d’autres, plus rarement en couleur noir : Je pense que l’on voit les bouteilles contenant le vernis sur l’étagère murale.
Dans l’ambiance, je n’oublierai pas le petit poêle qui donnait la chaleur nécessaire au travail dans les saisons froides.
Notre place était à gauche de Marius, donc à droite lorsque l’on regarde la photo. Peu de mots s’échangeaient et malgré les années écoulées, j’ai encore plaisir à revivre ces moments par l’écriture.